Des molécules scrutées au microscope
Pour des raisons bien diverses, l'halieutique, la santé, la cosmétique ou l'industrie alimentaire ont tout intérêt à passer le poisson au rayon X ou à le mettre en éprouvettes. A Boulogne-sur-Mer, que ce soit à l'Ifremer, à l'ANSES ou à Copalis, les premiers de la classe en microbiologie, en physico-chimie ou en écologie n'hésitent plus désormais à faire du poisson la matière première de leurs recherches.
Naturellement, la filière des produits de la mer, du pêcheur au consommateur, est la première à en tirer profit, d’autres filières s’intéressent à leurs travaux. Ainsi, le centre Ifremer Manche-mer du Nord abrite, sur un quai du port de Boulogne, le Pôle national de sclérochronologie. «Là, sont étudiés chaque année quelque 35 000 otolithes et écailles de poisson, explique son responsable, Kelig Mahé. A partir de ces pièces calcifiées du squelette, nous estimons la pyramide des âges de trente espèces commerciales.» Cela permet directement de mieux connaître l’état démographique des ressources halieutiques et d’éclairer le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) avant ses recommandations de gestion et la fixation des taux autorisés de capture (TAC) pour chaque pêcherie dans l’objectif d’une pêche durable et responsable.
Sur un autre quai de Boulogne, le laboratoire des produits de la pêche de l’Agence nationale de santé et de sécurité de l’alimentation (ANSES) est spécialisé dans plusieurs axes de recherche. Ses vingt chercheurs évaluent les risques microbiologiques (vibrions pathogènes, listeria monocytogenes), physico-chimiques (histamine) et parasitaires (anisakidés) dans la filière pêche. Il est même laboratoire national de référence pour l’histamine, source de bien des intoxications, et pour le vibrio sp redouté des conchyliculteurs. Il s’agit, à chaque fois, d’améliorer la qualité et d’assurer la sécurité alimentaire des produits aquatiques. Et, concrètement, de fournir des méthodes pour déterminer la fraîcheur ou l’altération du poisson, utiles au mareyage et à la transformation.
Des ingrédients pour la santé. De plus en plus, d’autres filières s’intéressent aux travaux de recherche sur le poisson. Depuis dix ou quinze ans, les chutes ou les invendus de poisson – ne les appelez plus “déchets” mais “coproduits” – ne cessent de prendre de la valeur. Des sociétés comme Copalis ou Valofish les transforment en une nouvelle richesse à destination de la nutraceutique, la nutrition humaine ou animale. Initialement simple producteur de farines de poisson, Copalis s’est lancée dans l’innovation et adhère aujourd’hui aux pôles de compétitivité Aquimer (à Boulogne) et Nutrition Santé Longévité (à Lille). Elle a mis au point des ingrédients fonctionnels naturels permettant aux industriels de l’agroalimentaire de proposer à la fois plaisir et bénéfices santé. Il y a un an, lors de la Journée des pôles, le 24 janvier 2014 à Paris, parmi vingt objets issus de l’innovation collaborative, les ministres Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg ont dégusté des chocolats enrichis en peptides marins. «Protizen, assure Luce Sergent, chargée du développement et du marketing de la société boulonnaise, est un ingrédient dont les propriétés d’anti-stress et de stimulation de l’attention ont été prouvées in vivo.» D’autres extraits jouent un rôle bénéfique dans le contrôle du poids ou de la glycémie, l’hypertension et le bien-être cardiovasculaire. Alors, à quand le poisson sur ordonnance ?