Des incertitudes malgré une année exceptionnelle
Les professionnels de l'immobilier ont dévoilé leur nouvel insigne, lors du congrès de la Fnaim, à Paris. Sur fond de marché dynamique, les relations avec le gouvernement Macron restent plus constructives qu'avec le précédent.
La déesse a recueilli une véritable ovation. Le 26 novembre, à Paris, lors du congrès de la Fnaim, Fédération nationale de l’immobilier, à Paris, Jean-Marc Torrollion, son président, a dévoilé le nouvel emblème des professionnels. Ils ont choisi Vesta, la déesse romaine du foyer, accompagnée de la devise «éclairer et défendre». C’est la loi Elan sur le logement, du 23 novembre 2018, qui, reconnaissant les titres d’agent immobilier, administrateur de biens et syndic de copropriété, a permis la mise en place du dispositif. Son lancement auprès du public est prévu en 2020.
Au-delà de ce point d’orgue, le congrès a été l’occasion, pour la Fnaim et pour le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, d’exprimer leurs positions respectives sur les nombreux chantiers en cours. L’ambiance était très loin de celle du congrès de 2013 : le délégué interministériel à l’Hébergement et à l’Accès au logement avait subi les huées des congressistes à la place de Cécile Duflot, ministre du Logement, dont l’invitation avait dû être annulée. Jean-Marc Torrollion n’en a pas moins énuméré les «sujets qui rendent perplexes » ou qui «fâchent». A commencer par les critiques d’Édouard Philippe, le 5 mars dernier, devant l’Autorité de la Concurrence. «Le Premier ministre nous a maltraités (…) le syndic bashing est évident et très facile», s’est emporté Jean-Marc Torrolion qui a promis d’attaquer le décret à venir sur le plafonnement de certains honoraires de ces professionnels.
Poursuite des réformes
Autre sujet dolent, «l’encadrement des loyers est une erreur», a expliqué Jean-Marc Torrolion. Lequel a également demandé à l’État plus de «transparence» dans la fixation des valeurs locatives. Quant au rapport du député Mickaël Nogal, qui porte sur les relations entre bailleurs et locataires, touchant notamment à la question des dépôts de garantie, il constitue une «source d’inquiétude», a commenté Jean-Marc Torrolion.
Lui succédant à la tribune, Julien Denormandie a présenté sa feuille de route pour les douze mois à venir. Il a assumé la mesure de l’encadrement des loyers, au nom de la lutte contre la «discrimination». Plus largement, le ministre a promis la poursuite des réformes déjà engagées dans le cadre de la loi Elan, promettant, notamment, de mieux faire connaître le bail mobilité qui «souffre d’un déficit de connaissance», et d’avancer sur le chantier du bail numérique. Le ministre a également réaffirmé l’importance du sujet de la rénovation, déjà encouragé par le dispositif qui porte son nom, actif depuis janvier 2019. Julien Denormandie a aussi confirmé sa volonté de lutter contre le «fléau» de la vacance, en combattant les comportements crapuleux et en renforçant les primes de rénovation.
Les points inquiétants pour l’avenir du marché
Si les professionnels de l’immobilier et leur ministre poursuivent un dialogue constructif, en dépit de nombreux points de désaccords, c’est également en raison de la bonne tenue du marché. Mais une table ronde, à laquelle participaient Nicolas Bouzou, économiste, Olivier Marin, rédacteur en chef du Figaro Immo et Ingrid Nappi-Choulet, professeur-chercheur à l’ESSEC, a mis en exergue plusieurs points inquiétants pour l’avenir
A première vue, l’année 2019 est exceptionnelle, qui cumule les records. Un million de transactions : c’est le chiffre qui devrait être atteint, au terme d’une très forte dynamique depuis trois ans. A l’inverse, le taux d’intérêt moyen sur le marché du crédit est historiquement bas, après avoir a été divisé par cinq, depuis le début des années 2000. Et puis, il y a le chiffre de 10 000 euros le m2 : c’est le prix de vente à Paris, une première historique. S’agit-il d’une une bulle ? Et la faiblesse des taux d’intérêt, constitue-t-elle une bombe à retardement ? Pour Ingrid Nappi-Choulet, les prix parisiens relèvent clairement de la bulle, fruit de comportements spéculatifs. «Il y a une déconnexion claire entre l’économie locative et une très forte demande des investisseurs qui veulent de l’immobilier pour se protéger», analyse la chercheuse, qui souligne aussi le statut particulier de Paris, seule «ville monde» en Europe, avec Londres.
Au-delà de la bulle parisienne, Nicolas Bouzou souligne un autre trait inquiétant du marché immobilier français : un fort déséquilibre territorial en matière de logements, lié au phénomène de la métropolisation. «Si les prix sont très élevés à Paris ou à Bordeaux, c’est parce que c’est dans ces grandes villes, où il est difficile de construire, que se situent les emplois. Il existe beaucoup de logements disponibles en France, mais ils ne sont pas situés au même endroit que les emplois», note-t-il. Un problème qui révèle aussi l’«absence d’une réelle politique du territoire», souligne Olivier Marin.
Reste l’incertitude liée à l’évolution des taux d’intérêt. Pour Nicolas Bouzou, leur niveau actuel, très bas, est lié à la politique monétaire de la BCE, Banque Centrale Européenne, soucieuse d’éviter que des États comme l’Italie, très fortement endettés, ne se retrouvent en situation d’insolvabilité. Résultat, «les taux vont rester très bas très longtemps», estime Nicolas Bouzou. Pour lui, tant que les taux restent positifs, cela permet aux ménages d’acheter. En revanche, l’économiste met en garde contre les dangers des taux d’intérêts négatifs. «C’est un mensonge. Cela voudrait dire que l’avenir est plus certain que le présent. Cela revient à rouler en marche arrière sur une route verglacée», prévient-il. Un risque limité : «les taux d’intérêts négatifs sont interdits en France», tempère Olivier Marin.
Vers un nouveau droit de propriété ?
«Mettre en place des outils pour permettre à tous les Français des classes moyennes de venir habiter en centre-ville». C’est l’objet de la proposition du député Jean–Luc Lagleize, auteur du rapport sur «La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction». Il préconise la création d’un «troisième droit de propriété qui dissocie la propriété du foncier, détenu par une société d’économie mixte, et la propriété du bâti». Ce bail serait rechargeable» automatiquement, devenant illimité, contrairement au bail emphytéotique limité à 99 ans.