Des fusillades liées au narcotrafic à Nîmes au coeur d'un procès

Huit hommes sont jugés depuis lundi à Marseille pour des fusillades ayant blessé trois personnes en 2020 à Nîmes, dans ce même quartier paupérisé de Pissevin où Fayed, 10 ans, a perdu la vie cet...

Un policier observe une manifestation d'habitants du quartier de Pissevin après une fusillade entre trafiquants de drogue, le 21 février 2020 à Nîmes © Pascal GUYOT
Un policier observe une manifestation d'habitants du quartier de Pissevin après une fusillade entre trafiquants de drogue, le 21 février 2020 à Nîmes © Pascal GUYOT

Huit hommes sont jugés depuis lundi à Marseille pour des fusillades ayant blessé trois personnes en 2020 à Nîmes, dans ce même quartier paupérisé de Pissevin où Fayed, 10 ans, a perdu la vie cet été, victime collatérale de la guerre entre narcotrafiquants.

Jusqu'à vendredi, huit prévenus de 24 à 38 ans, au CV criminel chargé pour certains, devront s'expliquer pour trois fusillades en janvier et février 2020, dans la galerie commerciale au bas des tours de Pissevin, ainsi que sur le projet avorté d'assassiner les deux gérants du point de deal de la cité. 

Polaire beige zippée jusqu’au menton, cheveux rasés en dégradé, Pierre Guest, alias "Pierrus", Nîmois de 36 ans, est désigné comme l'organisateur des faits, qu'il aurait commandités depuis sa cellule de Béziers (Hérault), afin de récupérer un réseau perdu à son entrée en prison en 2017. 

Il est l'un des trois prévenus toujours détenus dans ce dossier, avec Nadir Hadjal et Fares Saadi, ses supposés relais extérieurs dans son opération reconquête, qui géraient alors le +plan stups+ du Mas de Mingue, un autre de ces quartiers populaires de Nîmes gangrénés par les trafics.

Avec vingt mentions à son casier judiciaire, Pierre Guest rend "la justice pour moitié responsable de [s]on parcours": injustement emprisonné à 14 ans pour complicité de meurtre, cet enfant de la cité Pissevin s'est présenté au tribunal lundi comme "braqué, en colère contre la justice" qui l'a envoyé de CER (centre éducatif renforcé) en CER, de foyer en foyer", où il a eu "le contact avec les braqueurs et les dealers".

Un quartier bien chaleureux

Abandonné à la naissance par un père anglais qui lui a laissé pour seul héritage son second prénom, Steven, Pierre Guest a évoqué la cité Pissevin où vit toujours sa mère: "Un quartier bien chaleureux où tout le monde s'entendait bien", a-t-il dit au tribunal lors de l'examen de sa personnalité.

Parmi les prévenus jugés pour avoir pris part aux fusillades, un jeune homme du Mas de Mingue, recruté deux heures à peine avant les faits du 10 février 2020, avait accepté d’être rémunéré 15.000 euros pour intégrer un commando de huit hommes vêtus de noir et cagoulés.

Maxime Lesaffre, 28 ans, était lui venu en renfort depuis les Hauts-de-France. Comme les autres prévenus, il a détaillé au tribunal une scolarité interrompue très jeune pour "tomber dans la délinquance". 

Le jeune homme, qui dit dormir dans sa voiture quand il est libre entre deux séjours en prison et "se débrouille de droite et de gauche", avait été réincarcéré en mai 2023 après qu'un juge d'instruction de Béthune l'avait mis en examen pour violences avec arme, tortures et actes de barbarie. Des faits qui viseraient le nouveau compagnon de son ex-compagne, chuchote-t-il à la procureure, Gaëlle Ortiz, qui tente d'arracher quelques paroles à ce prévenu très taiseux.

Sept des huit prévenus sont poursuivis pour association de malfaiteurs en vue de commettre des assassinats en bande organisée, ce qui leur fait encourir un maximum de vingt ans de prison car tous se trouvent en état de récidive.

Dans son résumé des faits, à l'ouverture de l’audience, la présidente du tribunal correctionnel, Patricia Krummenacker, a souligné que quatre des huit prévenus ont reconnu les faits, quatre autres les contestant, dont Pierre Guest et Nadir Hadjal. Confronté à des messages très explicites, envoyés depuis le téléphone qu'il utilisait en détention, "Pierrus" a prétexté le prêt de son appareil à de nombreux codétenus.

En arrière-plan du procès, Fayed sera omniprésent, ce même réseau du Mas de Mingue étant visé par l'enquête sur sa mort, le 21 août, ainsi que sur celle d'un adolescent de 18 ans, toujours à Pissevin, deux jours plus tard. Ce dernier était vraisemblablement la cible initiale recherchée par les tueurs de l'enfant, qui auraient tiré par erreur sur la voiture de son oncle, endeuillant une famille totalement étrangère à ces trafics.

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