Des dirigeants en forme physiquement, mais fragiles psychologiquement
Les dirigeants d’entreprise sont de plus en plus nombreux à adopter un mode de vie plus sain. Pour autant, ces derniers ne sont pas épargnés par les problèmes de santé. Les troubles psychiques se sont même aggravés depuis la pandémie, en particulier chez les jeunes patrons.
La santé des dirigeants de TPE/PME et d’ETI présente une situation contrastée. Si l’attention des chefs d’entreprise à la forme physique s’améliore, leur santé mentale demeure fragile. Les indicateurs liés au bien-être psychologique n’ont en effet toujours pas retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire. C’est ce qui ressort de la 10ème édition du baromètre de la Fondation MMA des entrepreneurs du futur et de Bpifrance Le Lab, réalisé entre février et mars 2024 et dévoilé récemment*.
L’étude révèle que 90% des dirigeants affirment être en bonne santé physique, soit une hausse de sept points par rapport à 2023. Cette amélioration s’inscrit dans une progression observée depuis le début de la pandémie. Toutefois, la santé mentale suscite des inquiétudes, avec seulement 76% des patrons se déclarant en bonne forme psychologique, proportion inférieure aux 86% enregistrés en 2019.
Cette
disparité est encore plus nette chez les
jeunes dirigeants. Une
majorité d’entre eux (96%)
affichent un bon état de santé physique, mais leur bien-être
mental s’est fragilisé : peu
rompus aux difficultés économiques, dans un contexte marqué par
plusieurs crises successives, 30% de ceux âgés de 18 à 24 ans se
jugent en détresse psychologique, comparé à une moyenne de 24%
parmi l’ensemble des chefs d’entreprise.
L’industrie
affiche un bon moral
Certains
secteurs sont particulièrement exposés à cette
dégradation
du
mental. Celui des
transports se distingue avec 39% des dirigeants déclarant une santé
mentale «passable ou mauvaise»,
suivis par l’agriculture (38%) et la construction (29%). Cette
situation n’est pas sans lien avec la hausse des faillites
d’entreprises observée dans ces secteurs. En
2023, selon le bilan Altares, la construction a affiché une hausse
de 40,7% des défaillances, devant les transports (+30,7%) et
l’agriculture (+7%), ce qui met en évidence l’impact des
difficultés économiques sur le bien-être psychologique des
entrepreneurs. A contrario, les
patrons de l’industrie se démarquent par un moral nettement plus
positif, avec «seulement 16%
indiquant une santé mentale ‘passable ou mauvaise’, soit huit
points en dessous de la moyenne de 24%»,
selon le baromètre. Bien
que la perception de leur santé physique reste plutôt positive, 71%
des dirigeants souffrent de maux
récurrents, dont le mal de dos (47%), les douleurs
articulaires (38%), les troubles du sommeil (36%) ou les migraines
(22%), parmi
les plus courants.
Une prévention insuffisante
Face à la crainte de maladies graves, l’activité physique s’impose comme une priorité pour les patrons : plus de la moitié d’entre eux (54%) disent avoir adopté une pratique sportive régulière à titre préventif, au-delà de l’importance traditionnellement accordée à une alimentation saine (48%). Cette prise de conscience croissante est particulièrement prononcée à la fois chez les plus jeunes (74% des 18-24 ans) et les plus âgés (65% des plus de 65 ans).
Néanmoins, une part préoccupante de dirigeants négligent toujours le bien-être, leur santé : 32% avouent ainsi ne pas avoir consulté de médecin au cours des 12 derniers mois, invoquant principalement le manque de temps et la nécessité de prioriser leur activité professionnelle (60%). 10% d’entre eux confient ne jamais prendre rendez-vous chez le médecin. Ce «suivi médical qui reste insuffisant» s’avère plus marqué pour les décideurs des secteurs économiques en difficulté : les taux de renoncement aux consultations atteignent, par exemple, 15% dans le bâtiment et 22% dans les transports. En termes de prévention, 63% des patrons ne voient le médecin qu’en cas de problème, et seulement 27% ont instauré un check-up médical régulier.
Autre signe d’une charge mentale importante, plus d’un tiers d’entre eux affirment avoir du mal à concilier vie professionnelle et vie privée, un défi persistant depuis cinq ans et particulièrement notable chez les agriculteurs où 57% des répondants peinent à trouver un équilibre entre obligations professionnelles et personnelles.
*Enquête menée par téléphone auprès de 1 500 dirigeants de TPE,PME et ETI, du 14 février au 26 mars 2024