Des DGS inquiets faceaux exigences de réforme
Les amicalistes des collectivités territoriales des arrondissements de Lille et Dunkerque ont fêté 60 ans d’existence à l’Ilep de Lille, sur fond de satisfaction et d’inquiétude. Que de chemin parcouru d’un côté, mais que de perspectives floues de l’autre. Le métier de DGS est-il en train de changer durablement ou ne s’agit-il que d’une péripétie momentanée ?
Change-t-on encore à 60 ans ? En tout cas, il le faudra… La réforme en cours – dont beaucoup de dispositions restent encore en suspens –, qui doit mener à une “troisième décentralisation” selon le gouvernement, fait grincer des dents. Tour à tour, Gérard Dumont, DGS de Lille, Thierry Mourier des Gayets, président de la Chambre régionale des comptes, Marc Montuelle, président du CDG-FPT 59, et Serge Valentin, directeur adjoint du CNFPT, ont énuméré et commenté les changements demandés par le législateur, liste non close.
“Un dur métier que le nôtre”… Gérard Dumont parle de “profondes transformations dans l’administration des collectivités”, les villes étant en première ligne puisque les intercommunalités semblent soumises à un régime différent, si la réforme aboutit et est mise en route officiellement en 2014 (date des municipales). Et d’ajouter : “Le métier de DGS est particulier puisqu’il comporte un volet administratif et un autre, politique, générant de grosses difficultés parce que nous devons être en constante mission de proximité. Nous sommes des producteurs de service public et donc des créateurs de richesses. Directeur d’hôpital et DGS sont les deux métiers les plus difficiles car ils doivent allier et concilier les exigences du terrain et un évident sens de la diplomatie.” Plus tard, complétant les commentaires du président de la Chambre régionale des comptes, il énumèrera quelques “impasses” que la nouvelle loi génèrerait : des bases fiscales très faibles dans notre région, obsolètes et archaïques. “Les réalités et le cadastre, ce n’est plus pareil, ça n’a plus de sens aujourd’hui.” De même, au sujet des délégations de services publics, “les grandes boutiques parapubliques nous proposent des tas de choses, nos collectivités locales sont mal armées face à cela. Ce qui est capital, c’est que la charge fiscale soit bien rétablie”.
L’un des problèmes qui se posent aux DGS est l’état d’avancement de la nouvelle loi, pas encore tota-lement votée. Mais déjà cette profession a évolué a rappelé Thierry Mourier des Gayets. “Nous avons la gestion mais aussi l’examen de la gestion, le contrôle de l’efficacité de la gestion publique comme un contrôle de performance. C’est nouveau. A cela s’en ajoute une autre, les difficultés financières des collectivités avec pour corollaire des budgets en déficit, des incertitudes sur les financements, le recours au crédit bancaire et l’emprunt.” Le DGS accompagne aujourd’hui cette évolution et doit s’y préparer correctement : “Nous ne sommes pas à l’abri, nous devons nous réformer pour coller au mieux à ces exigences.” Mais tout n’est pas en négatif selon lui. “En effet, le gouvernement nous demande en retour de l’aider à évaluer, au sens du Parlement, ces nouvelles politiques. Il y a en plus les interventions des chambres régionales des comptes.”
Le retard de la loi n’est pas, selon le gouvernement, une raison pour que la réforme soit inapplicable. En tout cas, il demandait la mise en place de la gestion autonome de chaque région. Reste à voir qui va prendre en compte les contentieux, les différentes juridictions financières, etc., le Sénat (ancienne mouture) ayant rejeté certaines dispositions. “Ce qui compte en définitive, estime le président de la Chambre régionale, c’est que les deux buts demeurent : plus d’efficacité sur le terrain, plus de simplicité dans les procédures. Notre mission est d’être utile. Exemple, les recettes de nos collectivités, les ressources fiscales. Les DGS n’étudiaient pas trop ces choses-là. Ça va changer. On n’avait pas de grandes difficultés financières, ça aussi cela change. En tant que comptables du Trésor, nous avons aussi un rôle désormais différent, puisqu’avant on se contentait d’encaisser les recettes et d’ordonnancer les dépenses.”
“L’Etat n’a pas à nous dicter nos méthodes”. Marc Montuelle, citant Pierre Mauroy et la première décentralisation, estime qu’il n’y a jamais eu de deuxième décentralisation, alors pourquoi parler d’une troisième ? Ce qui importe selon lui c’est que le service public soit réellement le service pour tout le monde, et qu’il faille continuer à construire une fonction publique territoriale unie. “Mais, s’interroget- il là aussi, la FPT existe-telle vraiment quand le Conseil supérieur de la FPT est dissous et transformé en Conseil supérieur des fonctions publiques ?” Avec des conséquences qu’il dénonce : la mixité des commissions a disparu, il n’y a plus de représentants de l’employeur (l’Etat) et de l’employé (les fonctionnaires). Son autre remarque, d’ordre structurel, vise l’un des aspects essentiels de la loi sur les collectivités territoriales : “On nous dit que les EPCI1 doivent suppléer les collectivités territoriales. C’est trop facile ! L’EPCI doit apporter une qualité de service supplémentaire, un plus en ingénierie publique. D’autre part, poursuit-il, je vois de plus en plus de services – l’enlèvement des ordures ménagères notamment – être ‘remunicipalisés’. Donc, faut-il résister à l’EPCI ? Non, il faut dialoguer, cela permettra de progresser. Les réformes sont faites en général pour aller de bas en haut. Le pouvoir central ne doit pas nous dicter nos méthodes, surtout des méthodes impossibles à appliquer.” “Dorénavant, la loi dit ‘on peut’ au lieu de ‘on doit’” : Marc Montuelle ne manque jamais d’en faire grief. “Tout cela parce que l’Etat ne veut plus inscrire dans la loi l’action sociale dans les collectivités. Alors, le maire ‘peut’ faire ceci ou cela. Ce qui suppose bien des formations à dispenser sur le terrain : qualité de travail, responsabilisation, avantages matériels, etc.”