Des colorants bio à base d'oignons made in Hauts-de-France
C'est l'histoire d'un projet pédagogique qui prendra, finalement, une ampleur industrielle. Patrick Martin, enseignant-chercheur à l'IUT de Béthune, et ses équipes ont développé le moyen d'extraire des molécules issues de matières biosourcées pour colorer plastiques, textiles et produits cosmétiques.
Pour surfer sur la vague, bel et bien légitime, de l’«ecofriendly», les marques cherchent de plus en plus à utiliser des matériaux naturels pour concevoir leurs produits… ce, jusqu’à leur coloration. Patrick Martin, enseignant-chercheur à l’IUT de Béthune, vient poser sa pierre à l’édifice en proposant des colorants à base de pelures d’oignons. «On n’a rien inventé, la technique est connue depuis longtemps, mais il est difficile de développer ce type de filière à échelle industrielle», explique-t-il.
Même lui ne l’avait pas prévu ainsi. Tout a commencé au printemps 2019, dans le cadre d’une action pédagogique incitant des jeunes de différents niveaux (de lycéens à ingénieurs) à réfléchir à l’élaboration d’un nouveau colorant biosourcé. Dès le début, un consortium exclusivement composé d’acteurs régionaux (l’université d’Artois, le lycée Biotech de Douai, le lycée Sainte-Colette de Corbie, l’ENSAIT Roubaix, la communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, le pôle Plastium, la chambre d’agriculture du Nord – Pas-de-Calais et celle de la Somme) s’est réuni autour de ce projet nommé «PROCOLBIO» pour PROjet de COLorant BIOSourcé).
De la quercétine et bientôt d’autres molécules
La première matière exploitable trouvée après quelques recherches s’est avérée être la pelure d’oignon, dont il est possible d’extraire la quercétine : cette molécule donne une couleur allant du rouge à l’orange selon la concentration que l’on donne au produit. «Cette solution présente plein d’avantages puisque 30% de la production nationale d’oignons se fait dans les Hauts-de-France. Les pelures ne sont jusqu’à présent pas du tout valorisées, à part pour la méthanisation. Surtout, la molécule extraite grâce à la macération a une propriété antioxydante», explique Patrick Martin.
Pour ses premiers essais en laboratoire, la CUMA Nord’Oignon, grossiste, se charge de l’approvisionnement en oignons. Mais peu à peu, à force de communication et de montages de dossiers, le projet rassemble de plus en plus de partenaires, tels que Flandres oignons, Terrea, le pôle de la bioéconomie IAR, Roquette, Vitalys santé ou encore Extractis…
«Plus tard, le but est de développer notre technique à échelle industrielle pour proposer à nos futurs clients de colorer différents textiles, plastiques et produits de la cosméto-dermatologie. Nous voulions aussi en faire du colorant alimentaire, mais la législation n’est pas encore assez claire pour que nous puissions nous lancer», précise l’enseignant-chercheur.
Pour continuer de se développer, lui et son équipe sont actuellement en train de monter un dossier FRATRI (Fonds régional d’amplification de la troisième révolution industrielle) afin d’obtenir des financements de la part de la Région et de l’Ademe. «L’argent nous permettra de mettre en place un démonstrateur afin de continuer notre démarche expérimentale pendant deux ans, voire de trouver d’autres domaines d’application. Nous comptons passer à l’échelle 1 courant 2022-2023», indique Patrick Martin.
A terme, une plateforme accessible à tous
En parallèle, le projet PALCOLBIOS (PALette de COLorants BIOSourcés) commence à voir le jour. Le but étant de multiplier les couleurs en ayant recours à la même procédure. «Notre ambition est de mettre à disposition une plateforme où les agriculteurs pourront utiliser nos extracteurs pour mener leur propres expériences et en tirer leur propre couleur… Nous investissons énormément dans du matériel. Autant l’optimiser au maximum», explique-t-on.
Dans ce sens, un rapprochement a déjà lieu avec l’EARL Cottred à Amiens. La ville cultive et exploite historiquement la waide, une plante qui permet de créer un colorant indigo. «Ce savoir-faire est artisanal, mais, encore une fois, nous proposons de l’étendre à l’échelle industrielle», conclut-il.