Des associations "choquées" par l'interdiction de distributions alimentaires dans le nord de Paris

Des distributions alimentaires sont interdites depuis mardi dans un quartier populaire de Paris où se concentrent migrants et sans-abri, une décision "inacceptable" qui va frapper les plus démunis, déplorent des associations, qui voient dans cette...

Un bol de soupe distribué à Paris le 7 avril 2020 © JOEL SAGET
Un bol de soupe distribué à Paris le 7 avril 2020 © JOEL SAGET

Des distributions alimentaires sont interdites depuis mardi dans un quartier populaire de Paris où se concentrent migrants et sans-abri, une décision "inacceptable" qui va frapper les plus démunis, déplorent des associations, qui voient dans cette décision l'empreinte des expériences menées à Calais.

L'arrêté signé lundi par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, prévoit une "interdiction des distributions alimentaires" pendant un mois, entre le 10 octobre et le 10 novembre, sur un secteur "délimité" des 10e et 19e arrondissements, concernant neuf artères dans le quartier populaire autour des métros Stalingrad et Jaurès.

C'est là, selon la préfecture de police (PP), "que ces distributions alimentaires engendrent, par leur caractère récurrent, une augmentation de la population bénéficiaire de ces opérations et qu'elles contribuent, en corollaire, à stimuler la formation de campements dans le secteur du boulevard de la Villette, où se retrouvent des migrants, des personnes droguées et des sans-domicile fixe". 

Le quartier, argumente la PP, est devenu "un point de fixation pour de tels campements".

Mardi également, la préfecture de la région d'Ile-de-France et la PP ont annoncé avoir procédé dans la matinée à la "mise à l'abri" de 398 personnes dormant dans la rue sur ce même boulevard de la Villette. Il s'agissait majoritairement d'Afghans, selon les autorités. 

Ces autorités ont promis des "actions" à venir, dont ces interdictions de distributions alimentaires, "pour éviter toute réimplantation".

Sur place, précise la préfecture à l'AFP, les "attroupements", les "débordements sur la voirie", certaines échauffourées ainsi que la présence de "toxicomanes" ont conduit "pour la première fois" le préfet de police à prendre un tel arrêté sur ce secteur parisien en raison de "troubles à l'ordre public".

Beaucoup ne vont pas manger

Pourtant, il n'y "jamais eu d'incidents sur nos sites de distribution", conteste Philippe Caro, un responsable du collectif Solidarité Migrants Wilson, l'une des organisations dont l'action est visée.

"On complique la vie des associations et des gens, sans jamais résoudre leurs problèmes. On va juste le déplacer, mais avec les Jeux olympiques qui arrivent, on sent que la pression monte et là les toxicomanes vont servir de prétexte pour virer tout le monde" du nord de Paris, estime-t-il.

"Beaucoup ne vont pas manger ce soir", déplore, pragmatique, le président de l'association Une chorba pour tous, Abdenour Dadouche. Son organisation fait également partie de celles qui distribuent des denrées au métro Jaurès tous les soirs pour 500 personnes, dit-il, "choqué". 

"C'est une fois de plus ces personnes qui vont trinquer", résume Samuel Coppens, de l'Armée du Salut, qui effectue des distributions sur d'autres secteurs.

Le fait que cette interdiction coïncide mardi avec la journée internationale de lutte contre le sans-abrisme est "révélateur de la politique anti-SDF que mène l’État", juge pour sa part Océane Marache, coordinatrice parisienne chez Utopia 56, qui intervient auprès des exilés à la rue.

Pour l'association, l'État applique à Paris "le même schéma qu'à Calais", où des arrêtés similaires - mais avec des zones plus larges - sont pris régulièrement depuis 2020. A l'époque, les défenseurs des immigrés avaient déjà porté l'affaire jusqu'à la plus haute juridiction administrative, mais le Conseil d'Etat avait refusé de retoquer la décision.

A Paris, soutient la PP, les personnes concernées pourront toujours se tourner vers "d'autres services" de restauration solidaire, d'épicerie sociale ou de colis alimentaires dans le 19e arrondissement. Ces solutions apportent "une offre alimentaire suffisante", explique la préfecture.

Utopia 56 a indiqué avoir déposé un recours mardi devant le tribunal administratif de Paris pour tenter d'obtenir dans une procédure d'urgence la suspension de l'arrêté. 

"Juridiquement, l'interdiction tient peut-être", anticipe Philippe Caro, de Solidarité Migrants Wilson. "Mais humainement, c'est inacceptable."

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