Des acteurs investis pour que handicap rime avec emploi…
Si la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées constitue chaque année le temps fort des acteurs investis dans l’insertion et le maintien dans l’emploi de ce public particulier, la manifestation – qui s’est déroulée cette année du 17 au 23 novembre dans toutes les régions de France – n’est que la partie immergée de l’iceberg. Et pour insérer durablement les travailleurs en situation de handicap dans l’emploi, l’Agefiph*, qui s’entoure pour ce faire de nombreux partenaires, met à disposition des entreprises un panel d’aides et une offre d’interventions complète.
En 2013, le financement des interventions de l’Agefiph Picardie s’élevait à 9,2 millions d’euros dans la région, soit 2,1 % du national.
L’Agefiph a vu le jour en 1987, année où a été instaurée l’obligation d’emploi des travailleurs handicapées (6 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 20 salariés). Sa vocation : favoriser l’insertion professionnelle, l’adaptation des postes de travail, le maintien dans l’emploi, la compensation du handicap et la reconversion professionnelle des personnes handicapées dans le secteur privé (grâce à la contribution des entreprises). Entreprises et salariés handicapés peuvent se tourner vers les partenaires-services de l’association, qui pilote, anime et finance l’intervention de ces réseaux, pour le secteur privé : Cap Emploi a pour mission de faciliter l’embauche, le Service d’appui au maintien dans l’emploi (Sameth) aide les entreprises… à maintenir les salariés dans l’emploi et les services Alther accompagnent les entreprises dans leur politique d’emploi, et permettent aux nouvelles contributrices de découvrir la politique et les services de l’Agefiph. L’an passé, l’Agefiph Picardie a ainsi procédé à 1 525 placements Cap Emploi, et 488 maintiens dans l’emploi Sameth.
Sensibiliser et agir
Un travail de titan, dont l’ampleur se mesure lors de manifestations telles que la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. En Picardie, les partenaires, institutionnels ou entreprises (932 établissements picards contribuent à l’Agefiph Picardie, et 6,8 millions d’euros ont été collectés en Picardie en 2013), jouent le jeu. Et les nombreuses actions mises en place lors de cet événement phare poursuivent un seul objectif : sensibiliser le plus grand nombre à cette problématique, pour démontrer, comme l’annonçait très justement le slogan, que “Handicap et emploi c’est normal et c’est possible”, le meilleur moyen de mettre à bas préjugés et idées préconçues. Anne Bonichot, chargée d’études et de développement à l’Agefiph Picardie tient à souligner « la grosse mobilisation des partenaires et des entreprises, 20 événements se sont déroulés sur la région », et à revenir sur « les forums emploi-formation, des temps forts pour les salariés qui ont rencontré des entreprises offrant des emplois, elles étaient 39 dans l’Aisne, 35 dans l’Oise et 53 dans la Somme, des contacts ont été pris, et des contrats signés », se félicite-t-elle.
Un bilan positif donc, illustration du travail en réseau mené tout au long de l’année par l’Agefiph et ses « partenaires investis, insiste Anne Bonichot, c’est une vraie force », qui permet de trouver des axes d’amélioration.
L’association a récemment signé à ce titre une convention avec Colas Nord-Picardie, un partenariat de deux ans qui renforce les actions du groupe spécialisé dans les travaux publics, en faveur de l’insertion et du maintien dans l’emploi des collaborateurs en situation de handicap, avec quatre principaux axes – des actions de sensibilisation et de formation, de communication, de maintien dans l’emploi et des engagements en matière de recrutement et d’intégration. Une dynamique amorcée par Colas dès 2010, suivant ses principes de développement responsable, l’entreprise a mis sur pied mission “Diversité” pour une meilleure prise en compte de la situation de salariés handicapés. Comme l’explique Dario Muloni, en charge de cette mission et responsable formation : « Colas mène depuis plusieurs années des actions spontanées en la matière, c’est une nécessité au vu de la difficulté du métier, qui peut mettre le corps à rude épreuve… Nous aménageons les postes de travail pour une meilleure ergonomie, pouvons automatiser des véhicules pour un meilleur confort des conducteurs… ». Le groupe travaille également avec le secteur adapté en sous-traitance, à hauteur de 145 000 euros, « pour des travaux de coordination ». La convention fraîchement signée est un moyen « d’afficher plus ouvertement nos engagements, et d’accompagner les salariés handicapés dans leurs démarches ». Et pour sensibiliser les équipes et banaliser le handicap, Colas va équiper un véhicule baptisé Handitruck, qui sillonnera l’année prochaine les chantiers des filiales, pour « un moment d’échanges, l’acceptation du handicap est parfois difficile pour un salarié, d’où notre volonté d’en parler, pour libérer la parole. L’enjeu étant aussi de faire comprendre que le handicap n’est pas nécessairement lourd, mais qu’il peut s’agir de problèmes de diabète, d’hypertension…, c’est une culture à acquérir, pour démonter tout type de préjugés », relève Dario Muloni. Colas remplit aujourd’hui à 3,3 % l’obligation employeur et emploie 90 travailleurs reconnus handicapés, le groupe s’est engagé à recruter six personnes d’ici deux ans, deux en CDI et quatre en CDD, notamment pour travailler sur le chantier de déviation de Troissereux dans l’Oise. Autre partenaire de l’Agefiph, BGE Picardie, qui a elle comme vocation d’accompagner les créateurs d’entreprises, de l’idée à la faisabilité humaine. Si la démarche est la même que pour un créateur non-handicapé, « l’accompagnement est plus poussé, nous devons notamment verrouiller la compatibilité entre la future activité et le handicap, savoir se projeter s’il est évolutif par exemple… pour que l’entreprise soit pérenne », avoue Loïc Legac, responsable de l’antenne BGE de Nogent-sur-Oise, qui comme chaque antenne abrite un chargé de mission spécialisé dans l’accueil des personnes handicapées. Chaque année, la structure accompagne 300 travailleurs en situation de handicap, pour environ 70 créations effectives, un ratio équivalent à celui des autres créateurs. « Les travailleurs handicapés bénéficient d’une subvention de 6 000 euros, sous conditions », indique le responsable.
Focus sur l’alternance
L’Agefiph de son côté continue à élargir le spectre de ses actions, au premier semestre 2015, elle se focalisera sur le développement de l’alternance, comme elle avait commencé à le faire cette année. « Nous menons des actions avec trois CFA pilotes en Picardie, celui de la CCI de l’Aisne, l’Iream à Amiens et le CFA du bâtiment dans l’Oise », détaille Anne Bonichot. Les établissements préparent des groupes d’une douzaine de personnes à l’alternance – sans limite d’âge, le handicap survenant en général au cours de la carrière professionnelle -, pour tout type de contrats, « et les résultats sont plutôt positifs », stipule la chargée de mission. L’Agefiph espère à terme travailler avec plus de CFA, « et donc plus d’alternants, poursuit Anne Bonichot. Il s’agit d’un vecteur important pour l’insertion, et d’un bon processus d’adaptation, d’autant que les entreprises sont aidées pour l’aménagement des postes ».
C’est en amont du monde de l’emploi que le travail de sensibilisation doit commencer, la preuve par l’exemple avec l’institut LaSalle de Beauvais, un des quatre lauréats de la première édition des Trophées des Campus responsables francophones, dans la catégorie “Handicap et accessibilité, engagement responsable”. L’institut polytechnique a été distingué pour sa politique d’accessibilité avec notamment la candidature de lycéens handicapés (les étudiants handicapés sont passés en trois ans de cinq à 65), suivi de l’employabilité, et le club Handicap et compétences, offrant un package de prestations autour du handicap et de l’accessibilité.
L’ACVO accompagne ses salariés
Créé en 1990 et dirigé depuis 2001 par Pascale Lecoq, l’Atelier du Compiégnois et de la vallée de l’Oise (ACVO) compte trois pôles : conditionnement, propreté et traitement des Déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). L’Entreprise adaptée –EA, l’une des 24 que compte la Picardie –emploie, en CDI, des personnes en situation de handicap (essentiellement des problèmes cognitifs), mais pas seulement : « Sur les 122 salariés de l’ACVO, 102 sont handicapés, nous les recrutons en fonction de leurs compétences, à tout type de postes, administratif ou logistique », précise la directrice, qui a également la casquette de déléguée régionale de l’Union nationale des entreprises adaptées (UNEA). L’ACVO, qui œuvre également sur le bassin creillois, avec 44 personnes, possède une clientèle variée, « surtout des grands groupes, mais également des petites PME non soumises à l’obligation d’emploi, nos services répondant à leurs besoins », indique Pascale Lecoq. La directrice mise sur la formation professionnelle, de ses troupes, et la construction de leur parcours, les aidant par exemple à surmonter leurs problèmes de mobilité, en les accompagnant pour passer leur permis de conduire. « Ce sont également souvent des personnes éloignées de l’emploi, en rupture de parcours, l’accompagnement est plus compliqué, elles ont plus de difficultés à se projeter, nous sommes là pour les aider à se reconstruire, les aiguiller pour acquérir de nouvelles compétences », poursuit-elle. Selon elle, le regard porté sur le handicap est encore trop restrictif, « c’est pourtant un des secteurs qui crée de l’emploi », affirme-t-elle, et c’est dans ce sens qu’elle œuvre en sa qualité de déléguée régionale de l’UNEA, en contact notamment avec la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) Picardie. L’UNEA s’est à ce titre félicitée du récent vote de l’amendement des parlementaires qui permet d’inscrire dans le budget le financement des 500 aides au poste pour l’emploi de personnes handicapées par des EA. Fin 2011, le pacte triennal pour l’emploi des personnes handicapées prévoyait la création en France de 3 000 emplois supplémentaires entre 2012 et 2014 au sein de ces entreprises, près de 2 000 emplois ont été créés en 2012 et 2013, un étalement des 1 000 postes a été décidé sur 2015 et 2016, en raison des contraintes budgétaires.
Un pacte territorial pour l’emploi des personnes handicapées
Pendant de l’Agefiph pour la fonction publique, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a mis sur pied avec la préfecture de région le pacte territorial pour l’emploi des personnes en situation de handicap dans les trois corps de la fonction publique –d’État, territoriale et hospitalière. Et c’est le Département d’études, de recherches et d’observation (Dero) du Centre régional d’études, d’actions et d’informations (CREAI) de Picardie qui le porte. La mission Handi-pacte fonction publique Picardie a pour ambition de « favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et leur maintien dans l’emploi en informant et accompagnant les employeurs publics de Picardie sur leur politique de gestion de l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap ». Chargée de mission au Dero, Fleur Sannier explique : « Je travaille avec une démographe sur le sujet, après la mise en place de la méthodologie, nous nous attaquerons l’année prochaine au questionnaire, à destination des administrations et entreprises. » Une démarche proactive expliquant en partie le taux plutôt bon d’emploi des personnes handicapées en Picardie : 4,72 % en 2012 contre 4,53 % au niveau national, la fonction publique territoriale, qui devrait atteindre les 5 % en 2015, fait figure de bonne élève. Mais de l’aveu de Fleur Sannier, « il reste encore du travail, il manque 1 020 agents en situation de handicap dans les fonctions publiques pour atteindre les 6 %… », et pour sensibiliser les établissements publics, le FIPHFP diffuse notamment des lettres d’informations, pour connaître les conditions de recrutement, les démarches à effectuer, les aides auxquelles prétendre, vers quels partenaires se tourner, etc. Comme l’Agefiph, le FIPHFP va mettre l’accent sur l’apprentissage, par le biais de groupes de travail, un axe déjà exploré cette année avec le soutien apporté aux associations d’Actions d’insertion professionnelle (AIP) en vue du développement de cette offre d’apprentissage aménagé auprès des employeurs publics picards. « Dix établissements publics sont aujourd’hui conventionnés avec le FIPHFP, révèle Fleur Sannier, nous travaillons avec les 25 plus gros employeurs de la région, qui emploient plus de 550 agents. »