Derrière la cuisine, une vision globale

On les appelle parfois les «décrocheurs». Ce sont des ados qui, pour des raisons diverses, se retrouvent jeunes majeurs sans diplôme ni qualifications. Tout est-il joué pour eux ? Non, à condition «d’en vouloir». Si c’est le cas, l’Ecole de la deuxième chance s’offre à eux. Dans l’une de ces écoles, à Saint-Omer, une action intitulée «atelier cuisine» prend en ce moment son envol. Où, derrière l’acte banal de cuisiner s’imbriquent bien des thématiques.

M. Xavier Caroulle dans le local qui va permettre aux stagiaires de se restaurer sur place avec les plats cuisinés par eux.
M. Xavier Caroulle dans le local qui va permettre aux stagiaires de se restaurer sur place avec les plats cuisinés par eux.

 

Hervé Morcrette

Xavier Caroulle dans le local qui va permettre aux stagiaires de se restaurer sur place avec les plats cuisinés par eux.

Les bases des Ecoles de la seconde chance ont été posées lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement européens à Madrid en 1995. Cet outil de la Commission européenne pour lutter contre la précarité s’est diffusé à travers l’Europe : la CCI métropolitaine s’en est emparé pour créer E2C Grand-Lille. Cette Ecole de la deuxième chance possède depuis 2011 une antenne à Saint-Omer, sous la houlette de Christophe Houitte. Elle s’adresse aux jeunes de 18 à 25 ans en butte à des difficultés socioculturelles et généralement issus de milieux défavorisés. S’ils sont dépourvus d’un diplôme et sans qualifications professionnelles, les animateurs de l’E2C guettent chez les candidats la «volonté farouche» de s’en sortir avant de les admettre. Une formation – non imposée, mais choisie – s’ouvre à eux pour neuf mois, au cours de laquelle ils suivront huit à neuf stages de quinze jours. Un cursus qui cherche à les autonomiser et vise à leur permettre de trouver un emploi ou une formation.    

Pourquoi la cuisine ? Pourquoi avoir engagé, au sein de l’E2C audomaroise, un atelier cuisine ? Xavier Caroulle, chargé de mission, répond que la plupart des stagiaires mangent peu ou mal. Beaucoup s’en remettent aux produits d’entrée de gamme. Il faut éviter que la seule logique des prix l’emporte et contribue à une nourriture de médiocre qualité. D’où cet atelier cuisine, lancé avec l’année 2017, pour apprendre aux stagiaires à cuisiner : «On mange mieux et ça coûte moins cher», martèle M. Caroulle. L’effectif a été réparti en dix groupes qui, au cours des prochains mois, bénéficieront de trois demi-journées d’initiation à la cuisine. En amont, d’autres ateliers ont eu lieu avec des thématiques voisines. Un atelier santé a dispensé des conseils d’hygiène de vie et alerté sur les dangers du diabète et du cholestérol. Un atelier éducation physique et sportive a offert gymnastique, musculation, fitness. Un atelier de maraîchage a permis de se familiariser avec les différentes familles de légumes. En aval, E2C offre la possibilité, contre l’euro symbolique quotidien, aux stagiaires de se restaurer sur place dans des locaux aménagés à cet effet avec de la nourriture qu’ils ont eux-mêmes préparée.

Aide de la CPAM et de la CASO. Outre ses financeurs habituels − l’Europe à travers le FSE, l’Etat via la Dirrecte et le Conseil régional ainsi que le privé qui passe par la taxe d’apprentissage et des conventions avec quelques grands noms de l’industrie et du commerce −, E2C s’est tournée vers le Conseil départemental, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Littoral et la communauté d’agglomération de Saint-Omer (CASO). La CPAM a abondé le budget de 10 000 euros. La CASO a subventionné à hauteur de 3 000 euros et le Conseil départemental, de 1 500 euros. Des sommes qui ont permis l’installation de la cuisine nécessaire au projet. Le mot «budget» n’est pas tabou à l’E2C, même vis-à-vis de ses stagiaires : dans l’action mise en place, un volet visitait le coût d’un repas et le moyen d’acheter au meilleur prix. Au côté des actions d’accompagnement déjà citées, cet aspect satisfait l’ambition des animateurs de l’Ecole de la deuxième chance de mêler les fondamentaux aux activités culturelles afin d’offrir à leur ressortissants un «accompagnement global».