JO Paris 2024 : défi relevé pour le Meusien Alain Bertaud

Tailleur de Pierre installé à Givrauval dans la Meuse, Alain Bertaud a collaboré avec l’artiste Isabelle Daëron pour la conception de l’œuvre Topique-vent : Anémochories installée depuis le 13 février au cœur du village olympique des athlètes, à Paris. Retour sur cette expérience unique qui met en avant le savoir-faire d’un artisan meusien engagé.

© : Marianne Homiridis, bureau des projets. Alain Bertaud a collaboré avec l’artiste Isabelle Daëron pour la conception de l’œuvre Topique-vent : Anémochories au cœur du village olympique des athlètes.
© : Marianne Homiridis, bureau des projets. Alain Bertaud a collaboré avec l’artiste Isabelle Daëron pour la conception de l’œuvre Topique-vent : Anémochories au cœur du village olympique des athlètes.

Une vie vouée à la pierre depuis trente-trois ans. C’est le quotidien d’Alain Bertaud, compagnon du devoir. Après avoir «tourné» pendant sept ans sur des chantiers en France, l’artisan a posé ses valises à Lavallée en 1998 où il a créé Pierre & Habitat avec un associé. «On a été jusqu’à 22 salariés. Une belle boîte.» 

De beaux souvenirs, mais une envie de travailler seul, guidé par ses seules convictions et son éthique qui l’ont conduit à créer en 2020 Bertaud Patrimoine. Une vie faite aussi de poussières pour ce tailleur de pierre qui a gardé ses clients des Monuments historiques. Certaines collectivités font également appel à lui. C’est le cas des mairies de Lacroix-sur-Meuse, Bar-le-Duc ou Ligny-en-Barrois. 

Depuis quinze ans, il a développé en parallèle un autre marché autour de la rénovation des œuvres d’art dans les musées. «Je ne touche pas les statues, mais je les manipule. J’interviens pour les déplacer, je construis des caisses qui les abritent pour les transports», détaille-t-il. Les villes de Troyes ou de Nancy lui font confiance. «C’est une activité moins physique que la taille de pierre. On touche aussi du patrimoine exceptionnel. C’est toujours enrichissant», ajoute l’artisan. Dans ce quotidien professionnel tellement dense, comment a-t-il intégré l’aventure Jeux olympiques ? 

Selon lui, «le plus simplement possible.» Il n’a d’ailleurs pas cherché à décrocher un marché, ce sont les artistes qui l’ont contacté il y a dix-huit mois. «Le secteur artistique est reconnu pour être assez fermé, je n’ai pas de réseau, mais j’ai participé à des créations en pierre de Savonnières pour le centre contemporain d’intérêt national Meusien Le Vent des Forêts.» Un savoir-faire et une sensibilité qui ont interpelé le duo Isabelle Daëron, artiste et Marianne Homiridis, du bureau de projets en charge de l’administratif et de la technique. Après quelques échanges, Alain Bertaud a apporté son regard sur le projet initial qui devait se faire à base de grès de Fontainebleau. «Cette pierre ne se taille pas bien, je les ai donc orientées vers ce que je connaissais, c’est-à-dire la pierre locale de Savonnières.»


Un travail collaboratif

Venues en Meuse pour la découvrir, l’artiste et son bras droit ont pu vérifier le bon vieillissement des œuvres faites avec des pierres de Savonnières sur le Vent des Forêts et elles ont été immédiatement conquises. Une fois le projet chiffré et validé par la Solideo (la société de livraison des ouvrages olympiques), la création a démarré au cœur de l’été 2023. La première visite de l’artiste était nécessaire, car l’œuvre est née de son imagination et de ses recherches. Toutefois Alain Bertaud avoue avoir apprécié «ce travail partenarial» fait d’échanges. 

Et pour cause, s’il devait tenter d’exécuter au mieux techniquement le projet, il a pu prendre des initiatives et avoir un espace de liberté dans sa réalisation. Deux mois auront été nécessaires pour créer cette œuvre baptisée Topique-Vent : Anémochories. Derrière ces termes se cache une réflexion autour du vent qui, lorsqu’il souffle, laisse des traces sur son passage appelés «rides de courant». L’artiste voulait les révéler sur des pierres gravées, c’est donc la main d’Alain Bertaud qui les a fait naitre sur quatre sphères de diamètres différents (de 70 à 130 cm) pour un poids de 2,3 tonnes pour la plus lourde. 

«C’était un défi à relever, surtout que je n’ai pas l’habitude de m’exprimer de cette façon. Mon quotidien, c’est la restauration. Mais j’avoue avoir pris du plaisir dans ce travail d’équipe. C’est aussi une fierté d’être le seul tailleur de pierre à avoir travaillé sur le chantier des Jeux olympiques», confie le Meusien qui pourrait renouveler l’opération si d’autres portes s’ouvrent.