Défaillance d'entreprises : Un bond inattendu
ALORS QUE LA TENDANCE ÉTAIT À LA BAISSE DEPUIS HUIT TRIMESTRES CONSÉCUTIFS, LA SINISTRALITÉ DES ENTREPRISES EST REPARTIE À LA HAUSSE CET ÉTÉ. PLUS DE 11 500 PROCÉDURES ONT AINSI ÉTÉ ENREGISTRÉES CE TROISIÈME TRIMESTRE.
Bon nombre d’entreprises n’auront pas survécu à l’été. Dans son étude trimestrielle sur les défaillances d’entreprises, Altares recense 11 563 procédures collectives au cours du troisième trimestre 2018. Alors qu’on évoquait le trimestre précédent «un palier de normalisation», la tendance est nettement en hausse par rapport à l’année dernière, + 3,3 % sur le seul territoire métropolitain. «Après huit trimestres consécutifs de baisse, la sinistralité des entreprises remonte cet été. Tombée pour la première fois depuis dix ans sous le seuil de 11 000 défaillances au cours du troisième trimestre 2017, elle repasse au-dessus de 11 500 sur le troisième trimestre 2018», note Thierry Millon, directeur des études d’Altares. Autre sujet préoccupant, si les trois quarts des jugements concernent des micro-entreprises comprenant moins de trois salariés, il faut tout de même noter qu’une trentaine de sociétés de plus de 100 salariés sont passées par le tribunal, au cours de cette période. «Soit une défaillance de grosse PME tous les deux jours ouvrés», déplore Thierry Millon. Et les liquidations judiciaires directes représentent à nouveau près de 70 % des procédures, en hausse de 4,4 %. Globalement, en glissement sur un an, on enregistre un peu plus de 54 000 défaillances, à fin septembre 2018.
UNE SITUATION À RELATIVISER
Si au niveau national, la hausse des défaillances d’entreprises atteint 6,8 %, Altares précise que les données trimestrielles ont été altérées par les chiffres de la Réunion. En effet, la procédure de redressement judiciaire concernant la société Gesdom, spécialisée dans la commercialisation de produits de défiscalisation dans les Dom-Tom, a été étendue à 350 de ses filiales qui ne percevaient pas de revenus. Hormis ce cas particulier de la Réunion, la région Grand Est est également dans le rouge, avec 949 procédures ouvertes au cours de l’été 2018 (en hausse de 16 %), le plus mauvais chiffre depuis 2014, année de pic des défaillances. Si la Corse (+ 33 %), la Normandie (+ 13 %) et les Hauts-de-France (+ 11 %) connaissent une aggravation nette de leur situation, celle-ci est à relativiser par rapport à un été 2017 qui avait été particulièrement favorable. À l’inverse, les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays-de-la-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes affichent un niveau de défaillances au plus bas, depuis 2006 pour la première (- 11%) et 2007, pour les deux suivantes (- 5 %).
DUR ÉTÉ POUR LES TAXIS
La morosité entrepreneuriale pèse sur de nombreux secteurs. Les transports sont particulièrement touchés, notamment le fret interurbain routier dont le nombre de défaillances d’entreprises a augmenté de 17 % au troisième trimestre de l’année. Mais c’est pour les chauffeurs de taxi que l’été fut le plus violent : «la sinistralité des taxis continue de battre des records avec 107 défaillances (+ 45 %) ce troisième trimestre», constate Altares. Impacté par le recul des mises en chantier dans le neuf, le secteur de la construction a aussi vu sa tendance baissière des défaillances stoppée brutalement. Avec pas moins de 2 757 procédures, la sinistralité progresse de 2,7 %, contre une baisse de 11 %, un an auparavant. En revanche, le commerce, second poste de défaillances, se stabilise à nouveau avec l’habillement encore bien orienté (- 11 %) ou le soin à la personne et optique (- 16 %).
LES SOUS-TRAITANTS SOUFFRENT DES DÉLAIS DE PAIEMENT
Selon le directeur des d’études d’Altares, une grande partie des PME qui ont connu des défaillances cet été avaient profité pendant la dernière décennie d’un ensemble de mesures visant à les faire vivre artificiellement, suite à la crise de 2008. Mais le manque d’investissements et de stratégies a sonné le glas pour ces dernières. «Le paradoxe, c’est que certaines de ces entreprises ont, malgré tout, encore des clients et disposent encore d’un carnet de commandes, mais l’obsolescence de leur appareil de production fait qu’elles n’arrivent pas à répondre à la demande», commente Thierry Millon dans le quotidien économique Les Echos. À cela, il faut ajouter le problème des délais de paiement qui témoignent du déséquilibre dans les relations commerciales entre les sous-traitants et les grands groupes. «Le petit fournisseur ne mord pas la main du gros client qui le nourrit, mais trop souvent en paye un lourd tribut !», conclut Thierry Millon.
Raphaël AUDEMA et B.L31