Déclaration des bénéficiaires effectifs : la procédure d’injonction conforme au droit d’accès au juge

Si le dispositif d’injonction relatif aux bénéficiaires effectifs comporte des limitations au droit d’accès au juge, celles-ci demeurent proportionnées à l’objectif légitime de la lutte contre le blanchiment de capitaux et n’atteignent pas ce droit dans sa substance.

Photo d'illustration Adobe Stock
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Le président d’un tribunal de commerce condamne, sous astreinte, une société à procéder à la déclaration de ses bénéficiaires effectifs. L’injonction demeurant sans effet, le président liquide l’astreinte et condamne la société à payer 3 000 € au Trésor public.

La société conteste cette décision. Selon elle, la procédure permettant au président du tribunal de commerce d’enjoindre, sous astreinte, à une société de déclarer ses bénéficiaires effectifs, prévue aux articles L. 561-48, R. 561-62 et R. 561-63 du code monétaire et financier, n’est pas compatible avec le droit d’accès à un tribunal garanti par la Convention européenne des droits de l’homme aux motifs que :

– la procédure n’est pas contradictoire ;

– la décision d’injonction est insusceptible de recours ;

– la décision liquidant l’astreinte est uniquement susceptible d’un pourvoi en cassation.

Cette argumentation est rejetée par la Cour de cassation. Cette dernière rappelle que, selon l’article L. 561-48 du code monétaire et financier, le président du tribunal, d’office ou sur requête du procureur ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, peut enjoindre, au besoin sous astreinte, à toute société ou entité juridique mentionnée au premier alinéa de l’article L. 561-46 du même code de procéder ou faire procéder, soit aux déclarations des informations relatives au bénéficiaire effectif, soit à la rectification de ces informations lorsqu’elles sont inexactes ou incomplètes ; lorsque la personne ne défère pas à l’injonction délivrée par le président, le greffier en avise le procureur et lui adresse une expédition de la décision.

La Haute juridiction précise que les entités auxquelles il est fait une telle injonction disposent des voies de recours suivantes :

– elles peuvent demander au président du tribunal qui l’a rendue la rétractation de son ordonnance, en application des articles 496, alinéa 2 et 497 du code de procédure civile ;

– elles peuvent également, en application des articles R. 561-62 et R. 561-63 du code monétaire et financier, exercer une voie de recours contre la décision liquidant l’astreinte prononcée le cas échéant, par la voie de l’appel, si le montant de cette astreinte est supérieur (et non inférieur comme l’indique par erreur l’arrêt) au taux de ressort, et par la voie d’un pourvoi en cassation, dans le cas contraire.

La Cour de cassation reconnaît que la procédure d’injonction apporte des limitations au droit d’accès au juge mais considère que celles-ci, justifiées par la nécessité d’une bonne administration de la justice, sont proportionnées à l’objectif légitime de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et n’atteignent pas ce droit dans sa substance même.

Remarque : la société a obtenu la cassation de l’ordonnance liquidant l’astreinte sur le fondement de l’article R. 561-62, alinéas 4 et 5 du code monétaire et financier (v. « L’ordonnance enjoignant de déclarer les bénéficiaires effectifs doit être régulièrement notifiée »).

  • Cass. com., 18 sept. 2024, n° 22-20.771, n° 477 B


Alexandra Pham-Ngoc, Bulletin d’actualité des greffiers