De l'herbe au pluriel
Le Comité «Tous autour de l’herbe», associant les GEDA (groupements d’études et de développement agricole) du Boulonnais et de Calais/Saint-Omer, la chambre d’agriculture de région Nord-Pas-de-Calais, le parc naturel régional (PNR) des Caps et Marais d’Opale ainsi que le GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences) a organisé son «Rendez-vous technique prairie» à Hardinghen, le 15 mai dernier.
Démonstrations de matériels, ateliers techniques, échange d’expériences et animations : ce second rendez-vous a attiré plus de 300 personnes − agriculteurs-éleveurs, lycées agricoles et particuliers −, venus chercher des renseignements sur la bonne conduite à tenir pour valoriser leurs surfaces en herbe.
Les remises en question vont en effet bon train dans le monde agricole. Au centre de cette remise en question : l’herbe. Celle qui pousse de manière sauvage dans les prairies ou dans les champs et que l’on pulvérise de produits phytosanitaires, celle que l’on traque dans les centimètres carrés de pelouse : la «mauvaise herbe», ainsi désignée fort injustement, fait désormais l’objet d’attentions pour assurer la pérennité des exploitations d’élevage.
Ainsi, Olivier Blon qui élève 300 bovins dans la région de Saint-Pol-sur-Ternoise et 20 chevaux de trait a fait le déplacement à Hardinghen pour glaner des informations précieuses sur la gestion des prairies. «Je souhaite optimiser ma production en herbe pour l’élevage, explique-t-il. Je veux éviter le surpâturage en réalisant la phyto-écologie. On peut se débarrasser de certaines mauvaises herbes sans utiliser de produits mais en fauchant suffisamment tôt. C’est plus de travail mais moins de polluants. Aujourd’hui les agriculteurs raisonnent.»
Enjeux environnementaux et économiques. A travers cette sensibilisation, plusieurs enjeux se dessinent. La mission du PNR est double. Il s’agit de sauvegarder le patrimoine naturel et culturel, tout en développant le territoire socialement et économiquement, dans le respect de l’environnement. C’est ainsi que les agriculteurs ont été très tôt associés à la mise en œuvre de mesures agro-environnementales visant à maintenir un écosystème favorable grâce à des surfaces en herbe gérées de façon extensive : faible chargement de bovins à l’hectare, faibles niveaux de fertilisation, prairies naturelles non retournées, absence de traitements phytosanitaires. Le PNR des Caps et Marais d’Opale compte 25 000 hectares de prairies, soit environ 30% de la surface agricole utilisée du territoire. Plus des deux tiers des exploitations agricoles du Parc (soit environ 1 000) sont orientées vers l’élevage ou la polyculture-élevage. L’autre facette est économique. Il y aurait en France environ 4 millions de vaches laitières et 4 millions de vaches allaitantes pour 75 000 producteurs de lait. L’objectif d’ici dix ans est de ramener le nombre des producteurs à 35 000 et que ceux-ci produisent deux fois plus. La production moyenne de lait par producteur est actuellement de 320 000 litres par an et elle passerait à 700 000 litres. «La culture de l’herbe va et doit se développer, explique un commercial d’une entreprise spécialisée dans la nutrition animale. Le trèfle, les légumineuses… Il en va de la survie des éleveurs, sachant que le prix du soja et du colza ont fortement augmenté. Le soja a doublé en cinq ans, il est passé à 400 euros la tonne.”
En tout, 700 variétés d’herbe sont inscrites sur un catalogue que chaque éleveur possède désormais. Une petite réglette permet de choisir la bonne variété en fonction de l’espèce animale et des critères environnementaux. Chaque variété possède des qualités nutritives différentes et suffisantes pour assurer la bonne santé de l’animal. Et cela fait des siècles que les Chinois le savent : «chaque brin d’herbe a sa part de rosée» dit le proverbe.
Morgan Railane et Lucy Duluc