De la farine de protéines à base de larves de mouches
La jeune entreprise est implantée à Gouzeaucourt. Son activité d’élevage et de transformation a démarré en octobre. Son projet a été retenu au titre de l’innovation par France Expérimentation.
La jeune société InnovaFeed, imaginée par une poignée de jeunes ingénieurs a été lancée en 2015, d’où son qualificatif de «start-up». Elle a démarré son activité début octobre. Une activité inédite : elle fabrique une farine de protéines réalisée à partir des larves d’une variété de mouche (l’Hermetia Illucens). Cette farine entre ensuite dans la composition de l’alimentation des poissons d’élevage destinés, eux, à la consommation humaine. Des évolutions réglementaires récentes (dans le domaine de la fabrication des protéines d’origine animale et de l’alimentation humaine…) ont rendu possible cette activité a priori très encadrée.
De l’innovation
Sur 2100 m2, InnovaFeed cumule donc une activité d’élevage (les mouches et leurs larves) et de transformation agro-alimentaire. La jeune société (30 personnes dont 20 ingénieurs) a été créée au Génopole d’Evry où sont basés son siège administratif ainsi que sa recherche&développement. L’usine du Cambrésis n’en est qu’à son démarrage. Elle doit monter en puissance et d’autres unités, d’élevage et de fabrication, sont également prévues… Tout dépendra du succès.
Mi-décembre, la Communauté d’agglomération de Cambrai (CAC) a organisé une visite de l’unité de fabrication. Aux visiteurs, Clément Ray, président de la SAS, avait cependant demandé, ce jour-là, d’être discrets sur certains aspects du processus industriel. Le jeune dirigeant a eu l’occasion d’expliquer qu’il s’agissait là d’une innovation, d’une première en France dans le genre et que le marché des protéines était très concurrentiel. Notons que la jeune entreprise figure dans les projets retenus par France Expérimentation, un dispositif national de soutien à l’innovation fonctionnant par appels à projets.
4 millions d’euros investis par la CAC
L’agglo de Cambrai est, aujourd’hui, propriétaire du bâtiment relais qui abrite InnovaFeed, locataire. Michel Liénard, vice-président, chargé de développement économique, a précisé que la CAC avait investi 4 millions d’euros dans l’affaire, dont 800 000 de subventions (Département, Etat et Région). Précisons que la CAC a hérité de ce dossier d’implantation et que l’histoire a commencé avec de premiers contacts pris par l’agence Cambrésis développement économique et alors que Gouzeaucourt faisait encore partie de la Communauté de communes de la Vacquerie. Celle-ci a été absorbée par la CAC au 1er janvier 2017.
Rien ne serait perdu
Selon les explications données par les ingénieurs d’InnovaFeed, le processus de fabrication apparaît comme un maillon nouveau dans une chaîne de recyclages. Des déchets industriels régionaux (bio-éthanol, brasserie, amidonnerie, sucrerie) sont en effet donnés aux larves qui les transforment naturellement une sorte de compost pendant leur courte vie. Lors de la transformation des larves séchées, par broyage, sont séparées la farine et une huile qui est revendue pour servir à l’alimentation de porcelets. Quant au compost, dans lequel ont vécu les larves, il est revendu à des agriculteurs et peut servir d’alternative aux engrais chimiques… Clément Ray a fait remarquer que les insectes représentaient un «gisement» inépuisable.
Le jeune président précise encore que cette farine se rapproche plus de l’alimentation naturelle des poissons et qu’elle évite de recourir au soja ou à la farine de poissons. Le poisson, dit-il, se raréfie et à l’état sauvage, il est victime de la pollution des métaux lourds.
«Les insectes représentent un gisement inépuisable»
Truites vendues chez Auchan
Autre aspect du projet : la volonté de créer une filière. InnovaFeed devrait l’avoir mise en place à la fin du 1er semestre 2018. On peut la décrire ainsi : l’entreprise fabrique la farine qui est vendue, en big-bags, à des fabricants d’aliments pour poissons (des formulateurs) ; ces produits sont ensuite achetés par des aquaculteurs et pisciculteurs ; dans un premier temps, ils serviront à nourrir des truites vendues dans les rayons de l’enseigne Auchan… Et cette filière est appelée à se diversifier.