De l'ascension au bannissement: Pita Limjaroenrat, l'étoile filante de la politique thaïlandaise
Figure charismatique du mouvement prodémocratie en Thaïlande, Pita Limjaroenrat a porté haut les aspirations au changement des jeunes générations qui l'adulent, jusqu'à se brûler les ailes au contact...
Figure charismatique du mouvement prodémocratie en Thaïlande, Pita Limjaroenrat a porté haut les aspirations au changement des jeunes générations qui l'adulent, jusqu'à se brûler les ailes au contact d'un système verrouillé par les conservateurs.
La Cour constitutionnelle a dissous mercredi le principal parti d'opposition, et banni dix ans plusieurs de ses dirigeants, dont "Pita", dans une décision qui jette un trouble sur les aspirations démocratiques dans le pays.
Ces deux dernières décennies, des ingérences de l'armée ou de la justice ont été à l'origine de plusieurs des crises qui ont secoué la Thaïlande, selon le camp prodémocratie.
Mais rarement un profil comme celui de Pita Limjaroenrat -- progressiste, diplômé de Harvard, divorcé, populaire -- n'avait émergé dans un royaume où la politique reste l'apanage de clans fortunés, ou de généraux vieillissants alignés avec la monarchie.
Son ascension et sa chute racontent les divisions profondes qui continuent de structurer une société hiérarchisée, où l'establishment militaro-royaliste veille à maintenir son autorité sur les couches défavorisées ou les jeunes générations.
Méconnu à quelques semaines du scrutin, "Pita" a remporté les élections de 2023 sur la base d'un programme de rupture, qui voulait tourner la page d'une quasi-décennie de domination par les généraux issus du coup d'Etat de 2014.
Réduction du budget de l'armée, fin de certains monopoles d'entreprises, nouvelle Constitution. Son parti, Move Forward (MFP), proposait une refonte en profondeur du pays, estimé à l'arrêt et trop inégalitaire, sans éluder la question tabou de la monarchie.
Mais en voulant réformer la loi de lèse-majesté, jugée trop sévère et hors de contrôle, Pita Limjaroenrat a franchi une ligne jaune tracée par les conservateurs qui ne cesseront de l'accuser de trahison pour justifier leurs manoeuvres visant à l'écarter du pouvoir.
Harvard et Grab
L'opposition de sénateurs fidèles à l'armée empêchera le vainqueur des élections à devenir Premier ministre, bien qu'il disposait d'une majorité de députés.
Au même moment, il a fait l'objet de poursuites, qu'il jugeait politiquement motivées, et qui ont maintenu au-dessus de sa tête une épée de Damoclès. L'une d'elle a abouti à son bannissement de la vie politique.
"Je n'ai jamais pensé que je serai un politique toute ma vie", déclarait-il dans un entretien à un journal thaïlandais en mars dernier. "Je veux m'occuper pleinement de ma fille de 8 ans et me réunir avec mes vieux amis."
En dépit de ses ennuis judiciaires, Pita Limjaroenrat continue d'être le politique le plus populaire au pays, et près d'un Thaïlandais sur deux voulait qu'il soit le prochain Premier ministre, selon un sondage réalisé en janvier.
Dans une région du monde dominée par des systèmes autoritaires, son profil de modernisateur lui confie une aura unique.
Coqueluche de la jeunesse, ce père de famille éduqué en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis inspire parfois à ses partisans une hystérie digne d'une pop-star.
Il a assuré la direction de la filiale thaïlandaise de l'application de transport et de livraison de nourriture Grab, comparé à un Uber d'Asie du Sud-Est, avant de se lancer en politique et d'être élu député en 2019.
La commission anticorruption a révélé cet été que sa fortune s'élevait à 2,4 millions de dollars, et comprenait notamment une collection de montres d'une valeur de 162.000 dollars.
Sur ses réseaux sociaux, suivis par plus de 2,6 millions d'utilisateurs, il partage des photos de lui et de sa jeune fille portant des t-shirts assortis et mangeant des glaces ensemble.
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