Dans le Gers, duel autour du château natal de d'Artagnan
L'avenir du château de d'Artagnan à Lupiac, dans le Gers, est au coeur d'un duel entre un acheteur privé et les collectivités, inquiètes de voir leur échapper un bien qu'elles rêvent de...
L'avenir du château de d'Artagnan à Lupiac, dans le Gers, est au coeur d'un duel entre un acheteur privé et les collectivités, inquiètes de voir leur échapper un bien qu'elles rêvent de transformer en pôle d'attractivité touristique et culturelle.
C'est dans cette vaste demeure à deux tourelles cernant une façade ocre qu'est né au début du XVIIe siècle Charles de Batz de Castelmore, plus connu sous le nom de d'Artagnan, dont la vie au service de la couronne de France inspirera le célèbre personnage d'Alexandre Dumas.
Depuis plusieurs années, les acteurs publics des environs veulent utiliser la renommée internationale du mousquetaire royal pour développer le territoire, avec en fer de lance, le château situé à environ 120 km de Toulouse.
C'est "LE projet de développement économique et touristique du département", a expliqué à l'AFP le député du secteur Jean-René Cazeneuve (Renaissance).
En 2022, le département a ainsi voulu acquérir le bien, évalué à environ "un million d'euros, avec variation possible de plus ou moins 20%" par le service des domaines, a expliqué à l'AFP Philippe Dupouy, président (PS) du conseil départemental.
Le Premier ministre de l'époque, Jean Castex, originaire du Gers, soutenait l'initiative. Mais le département a finalement dû rendre les armes, la propriétaire en exigeant le double, sans compter d'importants travaux de rénovation.
A l'assaut du château
En 2023, année du 350e anniversaire de la mort du mousquetaire, les collectivités (communauté de communes, département, région, Etat) n'ont pas baissé la garde.
Elles ont lancé "Autour de d'Artagnan", une "association de préfiguration" pour faire naître un projet "ambitieux" exploitant "le potentiel socio-culturel, économique et touristique" du fier Gascon.
Dans ce cadre, la communauté de communes d'Artagnan en Fezensac, dont la présidente Barbara Neto (LR) a pris les rênes de l'association, est remontée, avec le soutien de l'Etat, à l'assaut du château avec une nouvelle proposition d'achat l'été dernier.
Alors que sur les grands écrans de l'hexagone, le mousquetaire s'escrimait fin 2023 contre Milady de Winter dans une nouvelle adaptation de ses aventures, le projet "Autour de d'Artagnan" semblait donc bien lancé.
Mais une décision surprise est venue sabrer l'enthousiasme des acteurs publics.
Le 19 décembre, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) du Gers, qui dispose d'un droit de préemption sur le château en raison des quelque 150 hectares de terres agricoles qui l'entourent, a penché pour une autre piste.
Elle a en effet pointé son intérêt sur la proposition d'achat du PDG d'Auchan Retail, Yves Claude, qui a "un projet d'habitation privée" du domaine, selon une source proche du dossier.
Projet privé
L'avis de la Safer tombe "extrêmement mal" et est "très mal compris ici", tempête aujourd'hui un acteur politique local qui préfère ne pas être identifié.
Du côté des collectivités, le coup d'épée est rude et on cherche encore la parade.
"Ce serait vraiment dommage qu'un tel patrimoine tombe dans l'escarcelle du privé", estime ainsi Muriel Abadie, élue gersoise et vice-présidente (PS) de la région Occitanie en charge du tourisme.
"Je suis surpris qu'entre un projet d'intérêt général pour notre territoire et un projet privé, aussi respectable soit-il, la Safer n'ait pas choisi le projet d'intérêt général", a déploré M. Cazeneuve.
M. Dupouy s'est dit lui aussi "surpris" par l'avis, mais s'interroge sur la solidité du projet de la communauté de communes, "à ce stade, semble-t-il, peu défini".
Contactée par l'AFP, Mme Neto n'a pas souhaité s'exprimer.
Pour garder espoir, les partenaires publics du projet s'accrochent au fait que la procédure devant la Safer n'est pas achevée, comme celle-ci l'a effectivement confirmé à l'AFP, précisant que son processus de décision était "soumis par la loi à la confidentialité".
"Cela part maintenant entre les mains de la Safer régionale et donc on s'en remet en toute confiance à ses délibérations, en espérant avoir gain de cause", a expliqué Mme Abadie.
Selon une source proche du dossier, une décision définitive pourrait trancher l'affaire autour du 22 janvier.
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