Dans la Manche, le programme SMAC suit les soles à la trace
Chaque année depuis 2013, l’Union européenne réduit les totaux autorisés de capture de cette espèce (Solea solea) vitale pour tous les pêcheurs de Dunkerque à Cherbourg, puisqu’elle représente 32% du chiffre d’affaires d’une flottille de 300 navires. Il importe donc, pour éviter des mesures encore plus drastiques, d’améliorer la compréhension de la dynamique du stock de sole en Manche-Est et les connaissances tant biologiques qu’écologiques de cette espèce.
C’est l’objectif affiché par les concepteurs du programme SMAC (“Sole de Manche-Est : amélioration des connaissances pour une meilleure gestion du stock”). Le projet de recherches appliqué à la sole doit fournir des données supplémentaires pour aider les décisionnaires dans la gestion du stock. Fruit d’un partenariat étroit entre les professionnels et les scientifiques, il mobilise, autour de France filière pêche, trois organisations de producteurs (From Nord et CME, basées à Boulogne, et l’OP Basse-Normandie à Port-en-Bessin), deux comités régionaux des pêches et deux Conseils régionaux (Hauts-de-France et Normandie), la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture et trois entités scientifiques (l’Ifremer, l’institut Agrocampus Ouest de Rennes, l’Unité mixte de recherche BOREA). D’un budget global d’1,5 million d’euros, il est financé pour 42% par FFP, les partenaires scientifiques intervenant sur fonds propres pour 35%, la DPMA pour 16%, le reste étant assuré par les deux Conseils régionaux (Hauts-de-France et Normandie).
SMAC, explique l’halieute Marie Savina (Ifremer) s’articule autour de trois axes. Il s’agit de cartographier les frayères, les nourriceries et les mouvements des soles adultes capturées en Manche-Est (VII d), mais aussi les mouvements vers ou en provenance des zones voisines : Manche-Ouest (VII e) et sud mer du Nord (IV c). «Avec les professionnels, ajoute Manon Joguet, chargée de mission pêche au From Nord, nous testons aux mêmes périodes (septembre et mars), dans les différentes zones, plusieurs types de filet trémail pour mieux comprendre les différences de captures constatées entre la Normandie et les Hauts-de-France.» Ensuite, il faut mieux étudier le recrutement, à la faveur sans doute d’une deuxième campagne en collaboration avec les professionnels.
Un premier bilan. A la mi-programme (2015-2019), les concepteurs du projet SMAC se réjouissent de l’engouement observé chez les pêcheurs, manifestement curieux d’en savoir davantage sur les frayères, les nourriceries et les mouvements des soles adultes en Manche-Est. «Trois campagnes de trois jours ont été menées à bord de petits chalutiers dans l’estuaire de la Seine, en baies de Canche et d’Authie (sur l’Orca) et en baie des Veys (sur le P’Tit Vox), pour cartographier les zones de nourricerie, détaille Marie Savina. Au début du printemps, 1 042 soles ont été marquées à la faveur de marées opérées par l’Audrey (Boulogne), le Phénix III (Caen) et l’Halcyon (Eastbourne), portant à près de 2 000 l’effectif déjà étiqueté.» Enfin, une campagne de cinq jours a été entreprise début avril à bord du Brisant (Fécamp) et du Don Lubi II (Boulogne), pour mesurer la sélectivité de deux modes de pêche en testant le maillage (90 ou 100 mm), le matériau (crin ou nylon) et le montage du train de pêche utilisés traditionnellement par les Boulonnais et par les Hauts-Normands. «Les pêcheurs savent utiliser le matériel adapté à leur environnement, explique Manon Joguet. Les premières impressions sont partagées par les scientifiques et les pêcheurs : le filet boulonnais est celui qui semble le mieux fonctionner dans la zone des Boulonnais. A contrario, il semble moins performant dans celle de leurs collègues normands. Les résultats seront analysés en profondeur dans les mois à venir.»
D’autres campagnes vont suivre cet été avec Ifremer, fin septembre à bord des deux fileyeurs déjà retenus en mars, et au printemps 2018 pour procéder à de nouveaux marquages avec les professionnels. Restera, d’ici 2019, à valoriser les données pour améliorer les modèles de dynamique de stock et d’expertise pour une aide à la décision en lien avec le CIEM : mesures de gestion, amélioration de la sélectivité des engins et des pratiques de pêche.
Les pêcheurs sont invités, dès qu’ils trouvent une sole marquée, de ramener la marque et de transmettre à l’Ifremer la date, les coordonnées du lieu de capture et, si possible, la longueur totale du poisson. On peut suivre les mouvements des soles recapturées sur www.ifremer.fr/smac/Marquage/Retour-de-soles-marquees.