Dans la maison de Nicéphore Niépce, père de la photographie il y a 200 ans
Sa façade gris clair aux volets sombres n'a rien de remarquable mais c'est dans cette demeure bourgeoise un peu austère de Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire), près de Chalon-sur-Saône, que Nicéphore Niépce (1765-1833) a réalisé la toute...
Sa façade gris clair aux volets sombres n'a rien de remarquable mais c'est dans cette demeure bourgeoise un peu austère de Saint-Loup-de-Varennes (Saône-et-Loire), près de Chalon-sur-Saône, que Nicéphore Niépce (1765-1833) a réalisé la toute première photographie, il y a 200 ans.
"J'ai la satisfaction de pouvoir t'annoncer enfin qu'à l'aide du perfectionnement de mes procédés je suis parvenu à obtenir un point de vue tel que je pouvais le désirer", écrit-il, fou de joie, à son frère Claude, qui se trouve alors en Angleterre, dans un courrier daté du 16 septembre 1824.
Il "a été pris de ta chambre, du côté du Gras (des champs), je me suis servi à cet effet de ma plus grande chambre obscure et de ma plus grande pierre", ajoute Niépce.
"C'est extraordinaire, c'est la première lettre dans laquelle l'inventeur dit lui-même qu'il est satisfait de ce qu'il a fait", commente Manuel Bonnet, 75 ans, descendant direct par sa mère du pionnier, "très ému" après avoir lu le texte à voix haute.
Si ce tout premier cliché sur pierre a disparu, "probablement réutilisé après avoir été poli en raison du coût élevé des supports", un autre, capturé du même étage en 1827, est conservé à l'université du Texas à Austin, explique à l'AFP Pierre-Yves Mahé, fondateur de l'école de photographie Spéos et premier photographe à avoir investi les lieux depuis la mort de Niépce.
Resté introuvable pendant des années, ce cliché a miraculeusement été retrouvé à Londres, dans une malle consignée, dans les années 1950 par un collectionneur suisse.
Expériences
Dans le grenier où M. Bonnet est assis, des trépieds, des établis et des objets dignes d'un cabinet de curiosité s'amoncellent sous la charpente apparente.
"Quand je suis ici, j'ai toujours l'impression de voir évoluer autour de moi l'esprit de Niépce", glisse-t-il, fort de 42 années de recherches sur son aïeul, qui "a vécu la Révolution française et vu passer les armées de Napoléon sous ses fenêtres".
Il a co-écrit, avec Jean-Louis Marignier, physico-chimiste au CNRS, une somme de 1.600 pages sur son ancêtre ingénieur, accessible en ligne gratuitement sur le site de la Maison Niépce, devenue un musée qui se visite périodiquement.
"Nous avons retrouvé des centaines de documents originaux de Nicéphore Niépce, notamment à Saint-Pétersbourg en Russie, qui nous ont permis de remettre dans l'ordre les choses", explique M. Mahé. "Jean-Louis Marignier a aussi refait toutes les expériences en utilisant les mêmes procédés que Niépce, détaillés dans sa correspondance, et en obtenant les mêmes résultats".
Dans les pièces attenantes du premier étage, où se succèdent cuvettes à fond transparent, boîtes à iode et chambres obscures, ces expériences sont reconstituées chronologiquement.
Laboratoire
Niépce va adopter dès 1816 des chambres obscures, boîtes percées d'un trou muni d'une lentille projetant sur le fond l'image renversée de la vue extérieure, utilisées jusque-là pour dessiner.
"Il essaie les sels d'argent, le muriate de fer, la résine (végétale) de Gaïac et obtient des images positives ou négatives, mais il ne peut pas les fixer", retrace M. Mahé.
Il lui faudra huit ans pour parvenir à fixer l'image sur un support grâce au bitume de Judée, récupéré de ses expériences sur le premier moteur à combustion interne inventé avec son frère. Mélangé à l'essence de lavande et chauffé, il rend la plaque support photosensible mais "il faut attendre trois jours" pour voir apparaître l'image.
Ce temps sera réduit "à trois heures" avec l'aide de Louis Daguerre, auquel Niépce s'associera en 1829.
Si le laboratoire photographique d'origine a disparu, il a été remplacé par le plus ancien connu à ce jour, datant de la même époque et découvert dans la région chalonnaise en 2007.
Il appartenait à Fortuné-Joseph Petiot-Groffier, juge de Chalon-sur-Saône considéré aussi comme le père de l'industrie locale, qui connaissait bien Niépce et se passionnait comme lui pour la capture des images.
Au rez-de-chaussée de la demeure, labellisée par le ministère de la Culture et parrainée par les Académies des sciences et des beaux-arts, des dizaines de flacons, précautionneusement scellés et isolés derrière une paroi transparente, renferment encore les substances chimiques de l'époque.
Pour célébrer le bicentenaire de la photo, une exposition-événement sera aussi inaugurée lundi "Quai de la Photo" à Paris.
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