Cultiver la patate douce, et pourquoi pas ?
À Fontaine-sous-Montdidier, la ferme des Grands Frênes cultive un hectare de patate douce. Une diversification pour Hélène et Gilles Henne-Fievez qui se sont lancés dans une culture délicate où la production est très peu répandue en France. Un défi pour le couple qui souhaite produire et valoriser ce légume aux multiples vertus.
Après avoir travaillé chacun de leur côté en tant que salarié, c’est en 2021 que le couple d’ingénieurs agronomes reprend l’exploitation agricole familiale de 146 hectares. Blé, orge, colza, maïs, betteraves, pommes de terre fécule, haricots verts et petits pois sont les cultures traditionnelles cultivées à la ferme des Grands Frênes. Seulement Hélène et Gilles Henne-Fievez souhaitaient se diversifier. Ils avaient l’envie d’innover, de prendre des risques. « En polyculture, nous ne décidons de pas grand-chose, c’était un peu frustrant. Après plusieurs années de réflexion, nous avons décidé de nous lancer dans la patate douce sachant toutefois que cette production de niche est fragile et qu’il faut s’adapter avec une météo très changeante. La patate douce a besoin de chaleur et d’humidité. Nous sommes obligés d’apprendre et de découvrir tous les jours », explique le couple.
Une prise de risque importante
Avec le choix de cette culture fragile et innovante, c’est une prise de risque importante pour les producteurs. Cette année, le couple a acheté 40 000 plants pour un montant d’un peu plus de 18 000 euros, sans oublier l’investissement du matériel. « Nous avons investi dans du matériel qui s'élève à environ 180 000 euros, subventionné à 40% par la Région et le Département », soulignent-ils. Grâce à la culture de ce légume à la valeur ajoutée intéressante, Hélène Henne-Fievez souligne qu’elle apprécie de valoriser la patate douce de la production à la logistique en passant par le conditionnement.
Les patates douces de la ferme des Grands frênes sont donc vendues dans des magasins de primeurs, des restaurants, dans les grandes et moyennes surfaces, chez d'autres producteurs de légumes. « Nous souhaitons diversifier les clients pour ne pas être dépendants et ne pas prendre trop de risque », explique la jeune agricultrice, et Gilles Henne-Fievez rajouter en souriant : « voilà quelques temps, un de nos amis nous a dit qu’il était allé dans un grand restaurant parisien et avait remarqué que les patates douces de la ferme des Grands frênes étaient à la carte ».
La concurrence avec la production étrangère
La patate douce n’appartient en aucun cas à la pomme de terre, mais ce féculent riche en fibres fait partie de la famille des convolvulacées et s’étale en pleine terre comme le liseron. Si la patate douce a été rapportée d’Amérique latine par Christophe Colomb, aujourd’hui, la plupart des patates douces vendues sur les étals français arrivent d’Espagne, d’Égypte, d'Honduras. « Les conditions sociales font que les patates douces importées sont vendues beaucoup moins chères que les françaises. Le consommateur est plutôt habitué à un prix d'importation. Il faut donc convaincre les acheteurs de la qualité des patates douces françaises cultivées avec des cahiers des charges stricts. Il faut savoir qu’il faut cinq à dix heures pour cultiver un hectare de culture classique et 150 à 200 heures pour un hectare de culture de patate douce ».
Un travail spécifique
La patate douce est achetée en mini motte en France chez un fournisseur spécialisé. Elle est plantée fin mai début juin sur des buttes et le désherbage se fait à la main durant l’été. Ce sont quatre saisonniers qui sont embauchés pour ce travail. Quant à la récolte, celle-ci se fait à l’automne avec cinq à six salariés. « Il faut compter trois à quatre jours de temps de récolte pour un hectare de patate douce sachant que pour un hectare de pommes de terre, l’arrachage est bouclé en deux heures de temps », souligne l’agriculteur. La patate douce est conditionnée par carton de 7 kg et rentre ensuite en chambre chaude d'octobre à mars. N'aimant pas le froid, la température idéale est de 13 degrés.
Si Hélène et Gilles Henne-Fievez ont donc fait le choix de la diversification d'un légume encore peu cultivé dans les Hauts-de-France, ils se sont lancés également dans la culture de l’asperge. Depuis deux ans, ils produisent deux hectares d'asperges qu'ils vendent à la ferme, le mercredi et le vendredi après- midi et le samedi matin. Une diversification qui permet d'obtenir des produits de bonne qualité.