Crowdfunding : ce qui va changer
Coup de pouce du gouvernement au financement participatif (ou “crowdfunding”). Ce nouveau mode de financement de projets via Internet va bénéficier d’un nouveau cadre réglementaire assoupli qui doit être précisé dans une prochaine ordonnance.
Dans cette période de tensions économiques et sociales, le crowdfunding ( f i n a n c e m e n t de projets par la foule via Internet) apparaît comme l’un des rares sujets fédérateurs que le gouvernement n’est pas prêt à laisser passer, car porté en étendard de la modernité de l’économie française jusque dans la Silicon Valley. La France souhaite devenir le pays pionnier de ce nouveau mode de financement rassemblant les particuliers, les entreprises et les acteurs de l’économie solidaire.
Promis à un bel avenir, le financement participatif se développait jusqu’à présent dans un contexte législatif très contraignant, obligeant les acteurs du secteur à jongler avec les réglementations bancaires et/ou boursières.
Attendues depuis près de deux ans, les mesures tendant à permettre le plein essor du financement participatif ont été annoncées, le 14 février dernier, par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique.
Ces mesures ont, principalement, trois objectifs : faciliter la création de plates-formes de financement participatif, simplifier le recours au financement participatif, protéger l’investisseur.
Ce qui va changer pour les créateurs de plates-formes.
La finance participative développée jusqu’à présent prenait – in fine – la forme d’un don, d’un prêt ou encore d’une souscription d’actions ou d’obligations.
En sa qualité d’intermédiaire entre un porteur de projet et un investisseur, la plate-forme était souvent assimilée à une activité réglementée nécessitant l’obligation de remplir de nombreuses conditions et, parmi elles, un niveau important de capitaux propres qui freinait de nombreuses ambitions.
Désormais, les plates-formes de crowdfunding pourront se constituer sans un montant minimum de capitaux propres. Pour ce faire, deux nouveaux statuts seront créés : celui d’“intermédiaire en financement participatif ”, dont l’agrément sera octroyé par l’Autorité de contrôle prudentiel, pour les plates-formes spécialisées dans le prêt, et celui de “conseil en investissement participatif ”, dont l’agrément serait délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF), pour celles qui seront spécialisées dans la souscription de titres.
Même si les modalités précises de ces statuts ne sont pas encore publiées, cette réforme devrait entraîner une croissance des sites internet proposant des services de crowdfunding.
Ce qui va changer pour les porteurs de projet. Les entreprises qui souhaitaient présenter un projet sur les sites de crowdfunding étaient rapidement confrontées à l’important formalisme applicable à l’“offre au public” et à la nécessité de la publication d’un prospectus, visé par l’AMF.
Le monopole bancaire interdisait par ailleurs aux entreprises, à de rares exceptions, de solliciter des prêts auprès des particuliers.
En la matière, le gouvernement français a fait oeuvre de souplesse pour les projets en dessous d’un seuil fixé à un million d’euros. Pour chaque levée de fonds inférieure à ce seuil, aucun prospectus ne sera plus nécessaire : une simple note présentant les caractéristiques principales du projet sera suffisante. Plus encore, les entreprises pourront, en dessous de ce seuil, solliciter directement les particuliers pour obtenir des prêts.
En outre, les porteurs de projet ne seront plus obligés d’être constitués sous la forme sociale de société anonyme (SA), puisqu’il sera possible d’investir désormais dans une société par actions simplifiée (SAS).
En ajoutant au financement du premier cercle (familles et amis) la communauté des épargnants, les start-up devraient être les premières intéressées par ces nouvelles mesures qui leur permettront de bénéficier, dès l’origine et sans l’intervention des acteurs traditionnels du capital-risque, d’une importante puissance financière pouvant constituer, dans certains domaines, un avantage concurrentiel vital. Pour les entreprises plus matures qui souhaiteraient investir dans de nouveaux projets, le financement participatif devrait être conçu comme une alternative crédible au financement classique, permettant de bénéficier, de surcroît, d’un outil marketing extrêmement efficace et par là même d’une image modernisée et novatrice. Enfin, à l’heure des fermetures d’entreprises et du patriotisme économique, le financement participatif devrait également constituer un outil fédérateur facilitant la reprise d’entreprises en difficulté.
Ce qui va changer pour les contributeurs. Agissant directement sur le bas de laine des ménages, le succès du crowdfunding ne pourra être confirmé qu’en présence d’une sécurisation des contributeurs à ce mode d’investissement. Cette sécurisation implique une nécessaire transparence sur les frais engendrés et les taux de défaillance des projets. L’ordonnance de simplification à venir devrait permettre à l’investisseur de disposer d’une aide à la décision en lui donnant la possibilité d’accéder à une information sur les risques encourus. De plus, afin de diversifier les risques, l’investisseur-prêteur pourra contribuer à hauteur d’un plafond de 1 000 euros par projet. Enfin, l’ordonnance devrait prévoir d’octroyer un label pour les plates-formes qui respecteront les obligations de transparence et de respect des investisseurs. Le code de déontologie qui devrait ainsi s’en dégager permettra d’instaurer une discipline des acteurs du secteur.
Il est certain que la réglementation en gestation dans cette prochaine ordonnance, attendue ce mois-ci pour une application en juillet prochain, ne permettra pas d’appréhender l’ensemble des pratiques du crowdfunding. Elle devrait toutefois entraîner une forte effervescence du secteur et, corrélativement, une multiplication de ses acteurs. Au risque que cela ne se transforme en simple “pschiiiiiit” douloureux, ces derniers devront adopter une déontologie exemplaire et une sécurisation juridique maximale de leurs transactions.
Jean-François BLARET,
avocat en droit des sociétés (jean-francois.blaret@fidal.fr)