Coût élevé d'une remise en cause des accords de Schengen
L’ampleur de la crise des réfugiés en Europe (plus d’un million de personnes en 2015) a incité de nombreux pays à rétablir temporairement le contrôle de leurs frontières dans l’espace Schengen. Selon une récente note de France Stratégie, la restauration permanente des contrôles aux frontières se traduirait par un manque à gagner de plus de 100 milliards d’euros pour l’économie européenne, d’ici 2025. Le tourisme et le travail frontalier seraient fortement pénalisés.
Actuellement, les considérations politiques, et surtout sécuritaires de la crise prennent le pas sur les éventuelles conséquences économiques pour les pays de l’Union européenne. Pourtant, selon une note récente de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon, la fin éventuelle de l’espace Schengen pénaliserait fortement l’économie européenne. Pour l’organisme, qui s’est penché sur les conséquences de la restauration permanente des contrôles aux frontières, à court terme, une remise en cause des accords de Schengen devrait avoir trois coûts directs. Le premier, en matière de tourisme : une augmentation significative du temps de passage en douane française de touristes : en bref transit d’une nuit ou moins (122 millions d’excursionnistes), conduirait à une baisse des recettes touristiques évaluée, selon l’intensité des contrôles menés, entre 500 millions à 1 milliard d’euros par an. En second lieu, le rétablissement des contrôles aux frontières pénaliserait les travailleurs frontaliers (350 000 personnes) : il aurait
un impact sur leur temps de trajet qui, en s’allongeant, entraînerait une «perte de bien-être», dont le coût socio-économique varierait entre 250 et 500 millions d’euros. Et cette estimation ne tient pas compte de la réduction d’opportunités d’emplois frontaliers liées aux mesures de contrôle, et in fine de l’accroissement des personnes sans emploi. Enfin, le transport routier de marchandises serait impacté : les contrôles d’identité des chauffeurs routiers et ceux des marchandises déchargées et rechargées pourraient majorer la durée des trajets, voire diminuer le flux de marchandises.
Conséquences sur le commerce international
L’organisme a également mené une projection du coût à long terme de l’abandon des accords de Schengen. Ce dernier contribuerait à réduire les flux migratoires, provoquant une baisse des flux d’échanges et des flux financiers. Et d’après la simulation réalisée par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) (*), la généralisation des contrôles permanents équivaudrait à l’instauration d’une taxe de 3 % sur le commerce de biens et services entre pays membres de l’espace Schengen, qui diminuerait structurellement de 10 à 20 %. Cette hypothèse conduirait, en 2025, à une baisse des exportations de la France vers les autres pays de la zone euro de 11,4 % et – 10,8 % pour un pays hors zone. Les importations de la France en provenance de ces partenaires chuteraient respectivement de 11,4 % et 13,7 %. Ainsi, au total, le PIB de la France diminuerait de 0,5 % à l’horizon de dix années, par rapport à la situation de référence, soit un coût de plus de 13 milliards d’euros pour l’écono
mie hexagonale, sans tenir compte des flux financiers bilatéraux liés aux flux migratoires. Le coût pour l’ensemble des pays de l’espace Schengen avoisinerait les 0,8 points de PIB, soit plus de 100 milliards d’euros. Aussi, l’abandon de la libre circulation, composante essentielle de Schengen, aurait des conséquences non évaluables sur le projet européen. Une autre étude, réalisée par l’institut Prognos pour le compte de la Fondation Bertelsmann, estime les coûts d’une fermeture de l’espace Schengen, pour la France seule, à 80 milliards d’euros en dix ans, et a minima à 470 milliards pour les pays de l’UE. L’espace Schengen, de libre circulation, mis en place en 1995, regroupe aujourd’hui 26 pays, dont 22 sont membres de l’UE. Sept pays ont déjà rétabli des contrôles provisoires à leurs frontières, comme ils y sont autorisés en cas de situations exceptionnelles. Dernier en date la Belgique, le 23 février, avec la France, redoutant un afflux éventuel de migrants, suite au démantèlement de la «jungle» de Calais. (*) Avec le modèle MIRAGE (modèle d’équilibre général calculable multi-sectoriel et multi-régional, destiné à l’analyse des politiques commerciales).
camille.schaub et b.l