Rencontre avec Jean-Michel Sede, président de la Fédération des promoteurs immobiliers des Hauts-de-France

«Ne plus construire, c’est la mort d’une ville»

2020 a été une année compliquée pour les promoteurs immobiliers. Si l’heure de la reprise a sonné, d’autres problématiques se posent désormais à eux. A commencer par la loi climat et résilience promulguée le 24 août. Un contexte qui a des conséquences sur la métropole de Lille.

Jean-Michel Sede, directeur général de Loger Habitat, attend de la pédagogie de la part de la Fédération des promoteurs des Hauts-de-France dont il est président. © Aletheia Press/B. Dequevauviller
Jean-Michel Sede, directeur général de Loger Habitat, attend de la pédagogie de la part de la Fédération des promoteurs des Hauts-de-France dont il est président. © Aletheia Press/B. Dequevauviller

«Ne plus construire, c’est la mort d’une ville», fixe d’entrée de jeu Jean-Michel Sede, directeur général de Loger Habitat. Mais le président de la Fédération des promoteurs immobiliers des Hauts-de-France reconnaît aussi que la «Fédération doit faire de la pédagogie et ne plus résonner uniquement sur la multiplication des logements». En clair, les promoteurs immobiliers doivent aujourd’hui revoir leurs méthodes de construction, et pour plusieurs raisons.

Le contexte est pourtant au beau fixe. L’année 2020 - où, durant le second trimestre, «il ne s’est rien passé» selon Jean-Michel Sede - semble désormais derrière les professionnels du bâtiment. D’ailleurs, les chiffres du Centre d’études de la conjoncture immobilière (CECIM) sur le premier semestre 2021 le prouvent.

Dans les Hauts-de-France, on constate une augmentation de 19% des mises en vente, de 54% des réservations nettes, et ce, malgré une diminution de l’offre disponible de 6%. «Il s’agit essentiellement de l’offre sur plan», tient à préciser Jean-Michel Sede. Sachant que la métropole lilloise représente 85% de l’activité régionale.

Elections municipales

Mais l’année 2020 a réservé une autre surprise aux promoteurs immobiliers. «Il y a aussi eu les municipales, souligne Jean-Michel Sede. Dans beaucoup de collectivités, de nouvelles équipes ont été constituées. Dans des communes, elles se sont fait élire sur moins de construction et d’artificialisation des sols.» Et le constat du président de la Fédération des promoteurs immobiliers des Hauts-de-France est même un peu amer : «Dans des villes comme Lyon, Bordeaux et Strasbourg, cela a même été violent.» Résultat, pas mal de projets sont aujourd’hui en suspendus et d’autres ont même carrément disparu.

Et ce n’est pas tout. La loi climat et résilience, promulguée le 24 août dernier, invite désormais les élus, et donc les professionnels de la construction, à plus de sobriété foncière. «Aujourd’hui, c’est compliqué pour les opérateurs de trouver des nouvelles opportunités», confirme d’ailleurs Jean-Michel Sede. Tout en reconnaissant : «Nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer les choses. Nous sommes aussi des citoyens.» 

«Cela dynamise la ville»

Le directeur de Loger Habitat met donc une question sur la table : «Pourquoi faut-il continuer à construire ?» Et il offre des éléments de réponse : «Quand on construit, on amène des services. Au rez-de-chaussée des nouveaux projets, il y a toujours des commerces de proximité par exemple. Amener des habitants dans un quartier, cela permet aussi de maintenir les écoles. Tout cela dynamise la ville.» Mais il le reconnaît : «Il faut le faire accepter par les habitants.»

De toute façon, les promoteurs devront se plier aux nouvelles orientations gouvernementales. «Toutes les politiques publiques vont en découler», ajoute Jean-Michel Sede. D’autant que la loi climat et résilience impose le zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050. «Les grands parkings et les grandes zones commerciales sont surtout visés», selon lui. Tout en reconnaissant que les promoteurs n’échapperont pas aux nouvelles règles : «Une ville comme Lille a adopté une charte bas carbone.» Mais là aussi, il détaille ses solutions : «construire des logements de qualité, à faible impact, construire en recyclant»...

«Nous laisser construire un peu plus haut»

Aujourd’hui, la problématique ne semble pas simple à résoudre. «Toutes ces nouvelles mesures font augmenter le prix du foncier, annonce Jean-Michel Sede. Or, par exemple, sur le territoire de la Métropole européenne de Lille (MEL), le besoin de nouveaux logements est de 6 000 par an. En ce moment, on en est plutôt à 4 500. Il y a beaucoup de gens en liste d’attente pour des logements sociaux. Et le nombre de personnes par foyer diminue.» Construire différemment risque donc de coûter beaucoup plus cher… 

«Sur le territoire de la Métropole européenne de Lille (MEL), le besoin de nouveaux logements est de 6 000 par an. En ce moment, on en est plutôt à 4 500» constate Jean-Michel Sede. © Ourson+

Et là aussi, il propose une solution : «En contrepartie de cette nouvelle sobriété foncière, il faut accepter de redensifier un peu la ville. Peut-être nous laisser construire un peu plus haut…» Mais aussi commencer par réutiliser les friches industrielles, nombreuses dans le Nord et le Pas-de-Calais. Mais là aussi, une donne a changé : les riverains veulent désormais donner leur avis, preuve en est le nombre de recours en hausse devant le tribunal administratif…