Construction : les nombreux atouts des textiles innovants

Courtisés par le bâtiment, les textiles innovants sont de plus en plus alternatifs, en rénovation notamment. L’ENSAIT bouge elle aussi : changement de directeur, ouverture d’une Maison de la science, activation de sa collaboration avec le CETI.

La directrice de production du Relais Métisse®, Lucie Comtet, a longuement expliqué aux étudiants le process innovant de son entreprise.
La directrice de production du Relais Métisse®, Lucie Comtet, a longuement expliqué aux étudiants le process innovant de son entreprise.

D.R.

Cette 27e Journée technologique “Textile et bâtiment pour une réhabilitation durable” est exceptionnelle, avec deux événements rares en deux heures.

Les vœux 2013 dans la somptueuse enceinte de l’ENSAIT marqueront un virage important dans sa vie désormais tournée vers les textiles de demain. Son directeur, Xavier Flambard, s’en va après une carrière entièrement dédiée à l’ENSAIT puisqu’il ne l’a jamais quittée depuis sa première année d’étudiant… Voilà peu de temps, il menait à bien une collaboration avec le CETI et l’université de Lille, puis finalisait des projets pédagogiques avec la Chine, le Canada et le Brésil. Dernier chantier avec cette Maison de la science. La Ville de Roubaix, qui a soutenu l’ENSAIT depuis 1889, continue car l’établissement colle aux mêmes valeurs : développement durable, capacité à mener et faire labelliser des travaux de recherche à Roubaix, regard vers la modernité en entamant une longue collaboration avec le CETI.

 

D.R.

Dernier discours pour le directeur de l’ENSAIT…

 

Collaboration avec Le Relais Métisse® pour la Maison de la science. Une des dernières opérations menées par l’ENSAIT aura été la collaboration avec l’entreprise Le Relais Métisse®. Elle a conçu dès 2007, surtout à partir de jeans usagés, une vraie gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment qui a nécessité − process et marché obligent − un réel investissement. Une fois triés selon leurs matières, les textiles non réemployables en l’état sont défibrés puis transformés pour constituer des laines d’isolation performantes et de haute qualité. L’ENSAIT a demandé au Relais d’entrer dans la réhabilitation de la Maison de la science mais aussi, à l’avenir, d’entretenir une collaboration plus régulière. Lucie Comtet, directrice de fabrication, estime qu’il s’agit là d’une reconnaissance méritée du Relais Métisse® et de l’économie sociale et solidaire. Voilà sept ans que cette entreprise s’est impliquée dans la récupération de matières cotonnées et leur transformation dans l’usine de Billy-Berclau. Elle traite 15 000 tonnes dans la région, plus de 85 000 en France. Il est clair pour Lucie Comtet que ce process s’inscrit dans les nouvelles filières dédiées au bâtiment : “Voilà longtemps qu’on destine nos produits au BTP. Notre choix technique destiné à l’isolation était le bon : il dégage deux emplois de plus par semaine, ce qui fait en 2012 un total de plus de 200 personnes. Pour sa Maison, l’ENSAIT avait besoin de nous pour atteindre une isolation atteignant la BBC, on va avancer ensemble dans d’autres applications !

 

 

D.R.

Coupure de ruban 114 ans après la première mise en service!

La Maison de la science : 45 doctorants invités à cogiter dans un cocon BBC !

 Toujours vivante l’ancienne maison construite par Ferdinand du Tertre en 1889… Elle servit de logement de fonction à l’école d’ingénieurs ; 114 ans passent et voilà qu’on l’inaugure à nouveau, fêtant au passage la première grande réalisation 2013 de l’école qui forme 60% des ingénieurs en textiles innovants. Cette belle maison de maître est un peu à l’image du Villavenir de la FFB, à la fois outil et vitrine de ce qui se fait de mieux en construction,rénovation et développement durable. L’esprit qui a présidé à sa réhabilitation c’est la récupération de matériaux et leur utilisation moderne après recyclage. Ainsi le lien textile/bâtiment trouve-t-il une illustration exemplaire pour accorder à 45 doctorants et chercheurs en textiles techniques, des conditions de travail optimum.

 

Les textiles techniques sont omniprésents dans cette rénovation qui avait pour premier devoir de conserver le cachet patrimonial local. On y trouve une isolation thermique, acoustique et antifeu en textile recyclé due au Relais Métisse®. Consommations énergétiques divisées par quatre, avec performances envisagées supérieures aux critères du label basse consommation (BC), économies de fonctionnement, isolation en textile, raccordement au chauffage urbain pour une puissance totale de 60 kW, triple vitrage, ventilation double lux haut rendement. Le programme a été retenu dans l’appel à projets de l’Ademe 2011 “Réhabilitation exemplaire de qualité énergétique et environnementale”.

 

Financée par l’Etat, le Conseil régional, la Ville et l’ENSAIT, cette Maison entre dans un vaste dispositif d’écodéveloppement comprenant un partenariat fort avec ECO TLC, l’éco-organisme du textile, du lin et de la chaussure. L’ENSAIT soutient la R&D de ce partenaire par ses projets innovants. En retour l’école est aidée financièrement en raison de ce soutien à cette filière. Ainsi a pu être organisée cette 27e Journée sur les textiles techniques et le bâtiment en réhabilitation durable.

 

 Le textile, cinquième matériau de la construction

 Si cette Journée a démontré que le textile était désormais un nouveau fidèle compagnon du bâtiment dont les parts de marché ne cessent d’augmenter, il lui faut maintenant confirmer sur le plan des normes et de la fiabilité des tests en situation réelle. De plus, la construction entre dans l’ère compliquée de la RT 2012 et de l’obligation de subordonner tous les coûts à l’exigence de “performance globale” du bâtiment et d’évaluation des produits eux-mêmes. Bref, plus que jamais, une étroite collaboration entre la recherche1 et le Centre scientifique et technique du bâtiment sera nécessaire. Après le bois, le verre, le béton et l’acier, une place est à prendre…

De nombreux atoutsPourquoi le bâtiment se tourne-t-il aujourd’hui régulièrement vers ces textiles techniques ? Parce qu’ils sont parés de nombreuses vertus qui apportent des solutions innovantes, alternatives dans le service apporté et la rapidité des chantiers. Le plus souvent il s’agit de membranes tendues (plafonds, murs et paravents), le nombre d’usines les produisant étant très important dans le monde, alors que la filière des fibres naturelles reste courte. Ces matériaux apportent une protection et une bonne isolation, des propriétés mécaniques telles que la résistance et l’élasticité, un confort, une ambiance, un esthétisme, une conception neuve de la construction, et ils permettent souvent d’utiliser des ressources très locales valorisant le savoir-faire du terroir. Ajoutons à cette nomenclature de plus-values le respect de la santé et de l’hygiène du travailleur et de l’usager, ainsi qu’une grande variété d’applications : tentes, auvents, toitures tendues, verrières souples (membranes PTFE), coupe-feu. Légère et facile à monter, la toile translucide réfléchit le soleil et se double de photovoltaïque. Mentionnons aussi les renforts antifissures, bandes à joints, renforcements de voiles parpaings par du tissu de fibre de carbone, renforts en fibres ou mailles 3D mélangés au béton.

 

Un marché, des tendances. Ce marché mondial de l’isolation existe déjà : 31 milliards d’euros en 2010 dont un quart en Europe à tendance faiblissante. En France, 19 millions de mètres cubes sont ainsi traités, essentiellement en résidentiel. Pour l’instant la fibre minérale isolante reste majoritaire (80%) face à la fibre d’origine naturelle, le non-tissé restant très élastique à l’ouvrage (isotropie) .

L’aménagement intérieur (plafonds, sols, espaces redéfinis) bénéficie des fibres minérales − 53% en Europe −, alors que la flanelle chute (27%). Elles sont mélangées avec la laine de roche, un excellent isolant phonique, translucide et répartisseur de lumière (vélum), innovantes en éclairage et balisage.

Les nouveaux revêtements de sols constituent un marché mondial de 20 milliards de dollars, de moins en moins menacé par le parquet, le vinyle et les thibaudes-feutre. Leurs atouts : adoucir les chutes, assainir l’air associé avec la laine, réduire la fatigue de la marche. L’innovation : les sols photo-lumisants par exemple.

Energie, santé, environnement, des applications existent. Pour la qualité de l’air, les textiles filtrants ou photocatalytiques. Pour le bien-être et le confort, les nouveaux matériaux plus flexibles, des textiles à fonction thermorégulante (à changements de phases). Pour l’habitat “intelligent”, des capteurs régulant l’ambiance intérieure et des murs tactiles. Sans oublier les textiles collecteurs d’énergie…

Christine Browaeys, de T3Nel,  énumère les tendances : “Les grands groupes industriels cherchent activement. On est dans les composites ou les hybrides. On est en général dans une construction régionale dont les matériaux sont eux aussi de proximité. Ils sont sobres et performants en énergie grise (quantité d’énergie nécessaire au cycle de vie d’un matériau), des atouts grandissants pour la construction durable et innovante qui va bénéficier par exemple des nanotechnologies, Led, piles textiles, capteurs et filtres à air. On reste dans une double relation : tissage et architecture puis textile et maçonnerie.”

 

Augmenter les filières pour baisser les coûts ! Comprenons bien que lorsqu’on passe d’un bâtiment ancien à un nouveau via la rénovation/réhabilitation, de nouvelles fonctionnalités sont demandées que seule l’innovation satisfera. De plus, le Grenelle demande que l’on valorise le recyclage tous azimuts. La filière se dessine donc d’elle-même. Ce serait encore mieux si, massivement, les maîtres d’ouvrage privés ou publics lui donnaient corps par leurs commandes. L’élargissement des domaines d’application offerts par les textiles techniques y incitera de plus en plus. Le durcissement de la législation et la guerre des normes aussi. Les synergies sont donc obligatoires entre textile et bâtiment et, comme désormais tout doit être développement durable, ces textiles auront la part belle à condition que tout cela ne traîne pas trop, crise oblige.

 

1. La R&D se concentre surtout dans les mains de ClubTex, Ensait, IFTH, UP-tex, CD2E, Polytech Lille et T3Nel.

 

 

A lire : De la toile et du fil, de Jacques Bril (éd. Clancier-Guénaud 1984).