Comment coordonner les territoires transfrontaliers ?

C’est à Paris, au centre de conférences du ministère des Affaires étrangères, que s’est déroulée, le 24 octobre dernier, la conférence finale du projet «Territoires transfrontaliers, politiques régionales et nationales : quelle coordination à l’horizon 2014-2020 ?».

Michel Delebarre, président de la MOT à Paris le 25 octobre dernier.
Michel Delebarre, président de la MOT à Paris le 25 octobre dernier.

 

CAPresse 2012

Michel Delebarre, président de la MOT à Paris le 25 octobre dernier.

La conférence du projet «Territoires transfrontaliers, politiques régionales et nationales : quelle coordination à l’horizon 2014-2020 ?», mené par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) entre juin 2011 et octobre 2012, a été suivie par plus de 200 personnes, dont une majorité d’élus et et de représentants de la presque totalité des espaces transfrontaliers à la France.

Quinze ans après sa création par le gouvernement français, la MOT continue «d’apporter une aide opérationnelle aux porteurs de projet et, plus globalement, aux territoires transfrontaliers». Michel Delebarre, ancien ministre d’Etat, sénateur-maire de Dunkerque et président de la MOT, a rappelé que cet instrument voulu par l’Etat a été porté par le Comité interministériel de l’aménagement du territoire. On comprend dès lors pourquoi la MOT est pilotée par des institutionnels : la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), la Caisse des dépôts et consignations, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur. Elle est également en lien permanent avec les institutions européennes. Michel Delebarre a précisé les principes et objectifs essentiels à la coordination des politiques multi-niveaux : la subsidiarité − «il faut d’abord gérer les problèmes au niveau des territoires» − la cohésion territoriale − «le traité de Lisbonne a érigé la cohésion territoriale comme un objectif principal au même titre que la cohésion économique. L’Union européenne reconnaît que les démarches de la MOT sont utiles».

Une nouvelle culture. La célèbre formule de Jacques Delors − «la concurrence stimule, la coopération renforce, la solidarité unit» − est-elle toujours d’actualité ? La majorité des intervenants s’accorde à dire que l’Europe de demain se construit à travers le transfrontalier. En d’autres termes, les politiques transfrontalières seraient la traduction des politiques sectorielles de l’Union européenne, à savoir les politiques de transport, d’emploi, de santé, d’économie et d’environnement. Un pas avait été franchi avec la création, par l’Union européenne en 2006, du GECT (Groupement européen de coopération territoriale) qui est l’instrument de base de la coopération transfrontalière. On en dénombre 15 aujourd’hui. L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai est l’exemple régional qui offre un cadre juridique sûr pour faciliter et étendre les rapports de part et d’autre de la frontière. «Cependant, il a fallu un certain temps à l’administration française pour l’appréhender et s’inspirer de cette nouvelle culture», explique Jean Peyrony, directeur général de la MOT. Le bât blesse toujours dans la gouvernance où les différences de structure persistent ainsi que plusieurs types de cloisonnement entre les échelons tels que la région, le département ou l’intercommunalité. Les recommandations du projet Europ’Act le signalent et prônent la désignation de préfets référents frontaliers. Adela Spulber, chargée de mission à la MOT, a insisté sur la nécessité de mieux connaître les besoins des territoires transfrontaliers dans les secteurs économiques et sociaux.

Mille-feuille” et “saucisson“. Charles Buttner, président du conseil général du Haut-Rhin, souhaite que le territoire de la Région métropolitaine trinationale du Rhin-Supérieur, à cheval sur l’Allemagne, la France et la Suisse, soit doté d’une seule gouvernance. «Il importe que cette gouvernance soit large, participative et rationalisée», a-t-il affirmé. Charles Buttner a parlé de l’importance de trouver un accord et une stratégie : «Comment peut-on rester dans l’émergence d’une nouvelle communauté qui cumule des compétences plus importantes et en même temps renforcer la proximité ? Nos voisins sont extrêmement intéressés par une gouvernance claire et identifiable car ils ont besoin d’identifier des interlocuteurs. Les acteurs doivent être capables de se connaître et construire des stratégies partagées.» En Suisse, il a été institué un Groupement local de coopération territoriale (GLCT) pour le Grand-Genève. Anna-Karina Kolb, directrice des affaires extérieures du canton de Genève, compare son pays à un saucisson de 24 tranches (24 cantons) et la France à un mille-feuille et déclare : «La réorganisation de l’Autorité régionale de santé (ARS) n’a pas permis d’avoir un interlocuteur concret en France pour discuter des thèmes de planification, de même pour les pôles d’excellence. Nous fonctionnons grâce à des accords bilatéraux pour les domaines de la santé, la formation et les transports, et nous n’avons pas besoin de l’Union européenne. Ce sont des solutions ad hoc dans la majorité des cas.»