Climat attentiste entre les maires et le président de la République
Le Congrès des maires de France s'est achevé sans confrontation majeure entre les élus locaux et le président de la République. Toutefois, les désaccords demeurent sur fond d'une lassitude sans précédent de maires, qui se sentent dépossédés de leurs pouvoirs.
Une main – prudemment – tendue. C’est ainsi que s’est achevée la rencontre entre les maires de France et le président de la République. «Nous voulons croire qu’une nouvelle ère de confiance entre l’État et nous va s’ouvrir. Nous y sommes disposés, c’est la tradition de l’AMF depuis toujours» a déclaré François Baroin, président de l’Association des maires de France, le 22 novembre, lors du Congrès des maires, à Paris.
Ce jour-là, côté exécutif, c’est Édouard Philippe, Premier ministre, qui est intervenu, ne suscitant ni enthousiasme ni réprobation majeure dans l’assistance. De fait, le Premier ministre n’a annoncé aucune mesure nouvelle. Au cours de son allocution, il a déclaré que le gouvernement était ouvert à la révision des mécanismes de la DGF, dotation globale de fonctionnement. Il a également précisé le planning à venir pour la compensation de la taxe d’habitation : un texte sera présenté en Conseil des ministres mi-avril, pour un dispositif qui devrait être prêt avant l’été.
Le congrès s’est donc achevé sur une note plus apaisée entre les maires et le gouvernement, après la tension née du changement de cap d’Emmanuel Macron. Contrairement à sa promesse faite l’année précédente, de venir rendre compte de ses engagements devant le Congrès des maires, le chef de l’Etat a préféré recevoir les élus locaux à l’Élysée. Le 21 novembre au soir, environ 2 000 d’entre eux ont accepté de venir le rencontrer dans la salle des fêtes du palais. Le même jour, le président de la République a également rencontré le bureau de l’Association des maires des France, pour une réunion aux résultats limités. Le lendemain, la résolution générale du 101ème Congrès des maires précisait n’avoir été entendu sur «aucun sujet» évoqué l’année précédente : «La baisse de 13 milliards d’euros en cinq ans des moyens de fonctionnement ; la suppression de la taxe d’habitation mettant en cause gravement l’autonomie fiscale ; la diminution de 120 000 emplois aidés ; la mise en danger de la politique du logement social». Le 26 septembre dernier, avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France, l’AMF a même lancé un appel de Marseille «contre l’ultra-centralisation».
Des maires aux pouvoirs déclinants, harcelés par des citoyens consuméristes ?
Certes, tout ne peut être imputé à l’actuel gouvernement. Mais il semble clair que les réformes institutionnelles et les mesures vécues comme relevant de la recentralisation financière, qui diminuent les marges de manœuvre des maires, participent au mal-être de ces élus locaux. C’est ce que révèle une récente enquête, intitulée «Les maires : entre résignation et incertitude», menée par le Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF, de Sciences Po), avec le concours de l’Association des maires de France. Par exemple, 75% des maires jugent que la loi NOTRe, Nouvelle organisation territoriale de la République, de 2015, a eu des effets négatifs sur leur mandat, notamment en raison de la formation des nouvelles grandes intercommunalités qui ont éloigné les communes des centres de décision. Près de 80% d’entre eux considèrent que l’intercommunalité a beaucoup d’influence sur leur commune alors qu’ils ne sont que 25 % à penser, inversement, que leur commune exerce une influence sur l’intercommunalité. Globalement, «la perception par les maires d’une perte d’autonomie soulève un enjeu de taille : la République décentralisée des territoires est en panne alors que les maires restent les représentants politiques bénéficiant du niveau de confiance le plus élevé de la part des Français», souligne l’étude.
D’après celle-ci, près de la moitié des maires n’entendent pas se représenter lors des prochaines élections municipales de 2020. La tendance est particulièrement nette chez les élus des petites communes, qui sont 55% à vouloir renoncer. Le taux chute à 9% chez les maires des villes de plus de 30 000 habitants. Parmi les raisons citées, les élus potentiellement partants invoquent avant tout des raisons personnelles (71%) et le sentiment du devoir (civique) accompli (53%). Autre souci, les exigences croissantes de leurs administrés (37%). Ces derniers sont perçus comme ayant un comportement de consommateur exigeant face à un maire fournisseur de services, et non de citoyen. Une situation particulièrement inacceptable pour les maires des plus petites communes, lesquels ne sont pas des professionnels de la politique, relève l’étude.