Entrepreneuriat

Chômage des chefs d’entreprise : un bilan préoccupant

En 2023, 51 000 chefs d’entreprise ont cessé leur activité, soit un tiers de plus que l’année précédente. Cette augmentation affecte particulièrement les secteurs du commerce, de l’hôtellerie-restauration et de l’immobilier.

Le rythme des défaillances d’entreprises est nettement reparti à la hausse. En 2023, d’après l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC (assurance chômage pour les indépendants et chefs d’entreprise) et le groupe Altares (données sur les entreprises), ce sont 51 555 dirigeants à la tête d’entreprises trop fragilisées qui ont été contraints de mettre la clé sous la porte, soit 12 800 femmes et hommes sans activité de plus qu’en 2022. Dit autrement, «chaque jour, plus de 140 entrepreneurs se sont retrouvés en situation de chômage, soit 40 de plus par rapport à l’année 2022», souligne dans un communiqué Anthony Streicher, Président de l’association GSC. Ce niveau inédit dépasse non seulement les seuils d’avant Covid-19, mais également le pic observé, lors de la crise financière de 2016, selon le communiqué. Fin des aides Covid, hausse des taux d’intérêt, reprise des procédures d’assignation Urssaf suspendues pendant la période de pandémie, repli de la consommation... les causes de fragilités se sont multipliées. L’impact de cette situation préoccupante ne se limite pas aux jeunes entreprises, mais atteint même les structures établies depuis longtemps, désormais vulnérables et qui peinent à rembourser leurs dettes dans un contexte économique tendu. Les entrepreneurs ayant basculé dans le chômage l’an passé avaient en moyenne créé leur entreprise il y a neuf ans, selon l’étude.


Les TPE en danger

L’étude dresse un portrait des chefs d’entreprise touchés en 2023. Elle confirme la plus grande vulnérabilité des petites structures : la majorité d’entre eux (plus de 90 %) dirigeaient des structures de petite taille, avec moins de cinq salariés. Ce sont les entrepreneurs de TPE employant entre six et neuf collaborateurs qui ont subi la plus forte augmentation du chômage, soit + 51,3 % sur un an (2 571 personnes). Ceux à la tête des sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros sont aussi les plus durement affectés, totalisant près de 23 000 personnes, contre seulement 429 pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros.

Une résistance fragile dans les régions dynamiques

Côté territoires, le fléau du chômage des patrons touche toutes les régions de France, mais avec des disparités significatives. L’Île-de-France, principal pôle économique du pays, pèse près d’un quart des pertes d’emploi de dirigeants (+ 36,7 % par rapport à 2022). Celles enregistrées en Auvergne-Rhône-Alpes (+ 38,7 %) et en Occitanie (+ 38,7 %) ont également dépassé la moyenne nationale. Après une dégradation sévère en 2022 (+ 73,3 %), la situation dans les Hauts-de-France s’est améliorée, : 4 055 entrepreneurs y ont suspendu leur activité, en augmentation de 19 %. En Bourgogne-Franche-Comté et Nouvelle-Aquitaine, le nombre d’entrepreneurs se retrouvant au chômage a augmenté de 35,5 %, soit respectivement 1 800 et 4 500 personnes concernées.


L’impact de la crise du logement et de l’inflation

Certains secteurs ont été davantage mis à mal. C’est le cas de la construction et de celui des activités d’assurance et financières «qui comptent une forte proportion de courtiers dans le domaine immobilier» : ces activités paient un lourd tribu à la crise du logement avec respectivement des hausses de 40,2 % et 47,3 % du nombre de dirigeants au chômage, soit un total de 12 619. Les agences immobilières, prises aussi dans la tourmente, connaissent la pire tendance : le nombre de chefs d’entreprise sans emploi a plus que doublé sur un an (+ 103,4 %). Les activités du bâtiment, également en souffrance, comptabilisent à elles seules 10 219 pertes d’emploi. La baisse de la consommation liée à l’inflation a également fragilisé les commerces, en particulier ceux du textile/habillement, où un millier d’entrepreneurs ont mis la clé sous la porte en 2023 (+ 52,4 %). L’hôtellerie-restauration est également touchée, avec près de 7 000 patrons chômeurs. Autant de secteurs dont l’avenir reste incertain, dans le contexte actuel. Les données de l’Observatoire appellent à la prudence quant aux perspectives pour cette année. «La croissance est attendue faible pour 2024 et les défauts d’entreprises plus nombreux qu’en 2023. L’anticipation des risques restera déterminante», alerte Frédéric Barth, directeur général d’Altares.

Aïcha BAGHDAD et B.L