Casino: Kretinsky récupère un distributeur désendetté mais pas sorti d'affaire

En rachetant Casino, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et ses alliés vont mettre la main sur les enseignes de proximité Monoprix et Franprix, puissantes en Ile-de-France, mais ils auront fort à faire pour relever un groupe éreinté par sa...

Photomontage réalisé le 21 mars 2024 de la façade d'un supermarché Franprix, Casino et Monoprix © Loic VENANCE
Photomontage réalisé le 21 mars 2024 de la façade d'un supermarché Franprix, Casino et Monoprix © Loic VENANCE

En rachetant Casino, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky et ses alliés vont mettre la main sur les enseignes de proximité Monoprix et Franprix, puissantes en Ile-de-France, mais ils auront fort à faire pour relever un groupe éreinté par sa descente aux enfers, dans un secteur très concurrentiel.

. Que reste-t-il de Casino?

Le groupe sur lequel Daniel Kretinsky va mettre la main le 27 mars n'aura plus grand-chose à voir avec le distributeur d'origine stéphanoise. 

Les magasins grands formats qui arboraient les couleurs vertes du groupe fondé par Geoffroy Guichard et son logo fleuri ont quasiment tous été cédés à Intermarché, Auchan et Carrefour. Restent les "Petits Casino", enseigne historique certes, mais qui pèsent une toute petite part des ventes du groupe. 

Monoprix qui, avec Naturalia, représente près de la moitié des 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés en 2023 sur le périmètre conservé (8.634 magasins) apparaît comme la locomotive du groupe restant.

Les 861 magasins sous enseigne Monoprix - longtemps décrite comme "premium" - ont fait 4,33 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023. 

Dans le détail, le groupe que Philippe Palazzi, un ancien de Metro et de Lactalis, s'apprête à diriger va compter environ 1.300 magasins intégrés (338 Monoprix, 170 Naturalia, 323 Franprix et 493 magasins de proximité sous enseignes Spar, Vival, Le Petit Casino), pour près de 7.000 magasins exploités en franchise.

La distinction est importante car le distributeur assume évoluer "vers un modèle d'exploitation tourné vers le développement de la franchise et de la location-gérance", "plus rentable" et "à faible intensité capitalistique".

. Quelle est sa situation économique?

Lorsque le tribunal de commerce de Paris a donné son feu vert au plan de sauvetage de Casino, actant sa reprise par Daniel Kretinsky, ce dernier s'était réjoui "de redonner des moyens et par-là même du souffle" à un groupe "redimensionné, réorganisé et désendetté".

Les créances du groupe vont en effet passer de 7,4 milliards d'euros à fin 2023 à un peu plus de 2,6 milliards d'euros après la restructuration, avec des échéances de remboursement allant de janvier 2027 à fin mars 2028. 

L'activité du groupe a toutefois fondu au fil des cessions des derniers mois et il sera primordial de rétablir une bonne rentabilité assez vite. 

C'est ce que visent les repreneurs, désireux de multiplier l'"Ebitda (excédent brut d'exploitation) ajusté après loyers" du distributeur par plus de 7 à horizon 2028. Estimé à 126 millions d'euros en 2024, il doit passer à 920 millions en 2028, selon le plan d'affaires présenté.

. Quelle est sa situation commerciale?

La puissance commerciale du distributeur est incomparable avec l'ancien grand rival Carrefour, dont le chiffre d'affaires est dix fois supérieur. En France, Casino est désormais près de deux fois plus petit que le discounter Lidl, et à peine deux fois plus gros qu'Aldi.

Il est en revanche en position dominante en région parisienne, et même majoritaire dans la capitale, où il pèse 54,5% de la surface de vente de la grande distribution avec près de 550 magasins, selon une étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) portant sur 2023. Carrefour est loin derrière, avec 21,2%. Leurs emplacements sont jalousés dans la profession.

La position de Casino s'est toutefois érodée. 

Outre l'arrivée des réseaux de magasins indépendants qui ont longtemps boudé la capitale, comme E.Leclerc ou Intermarché, et sont dynamiques, Casino est confronté à la concurrence des spécialistes divers (circuits courts, magasins de producteurs...) et à un regain d'intérêt des consommateurs pour les commerces de bouche depuis la pandémie de Covid-19.

L'essor du télétravail a en outre privé les magasins franciliens d'une activité notable. 

Enfin, l'état des magasins du groupe s'est dégradé faute de capacités d'investissements, et les prix pratiqués, très élevés, ont détourné de nombreux consommateurs.

Les repreneurs disent prévoir 1,6 milliard d'euros d'investissements d'ici 2028, notamment pour "rénover le parc de magasins", et espèrent "développer la rentabilité des enseignes" via notamment des prix "compétitifs et stables", l'expansion par la franchise ou encore "l'adaptation des schémas logistiques".

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