Cap'industrie donne les clés pour assurer le financement de la relance
Si les entreprises ont été aidées pendant le confinement pour surmonter l’arrêt ou le fort ralentissement de leur activité, elles ont aujourd’hui aussi, à l’heure de la reprise, besoin d’être épaulées. Le 25 juin, Cap’industrie organisait, en présence de trois experts, le Webinaire "Assurer le financement de ma relance post-Covid : avec quels outils ?... et surtout… quel projet ?". Et avec trois mots-clés : confiance, anticipation et vision.
Lancé en 2017, le programme de développement économique (commun à la Fédération des industries mécaniques – FIL –, l’UIMM Hauts-de-France, le Cetim et la CCI Hauts-de-France), Cap’industrie a pour vocation d’aider les entreprises de la filière métallurgie-mécanique à se développer. Des “Webinaires” sont régulièrement organisés sur des sujets d’actualité, comme celui du 25 juin qui a permis de lever les nombreuses interrogations que se posent les entreprises au lendemain de la crise sanitaire, et pour lesquelles les enjeux sont multiples : comment sécuriser sa trésorerie, mieux structurer un projet de relance et en assurer le financement, trouver les bons outils, adopter une solide stratégie financière…
Clarifier pour redéployer
Denis Viot, consultant senior avec 24 ans d’expérience dans l’accompagnement d’entreprises B2B sur le triptyque business/cash/compétences, a ouvert le bal de ce Webinaire : «Il faut s’attendre à une chute de 20 à 30% de l’activité. Aucune entreprise ne peut sortir indemne d’une telle crise qui montre que l’impossible est possible : c’est le système de production dans son ensemble qui a été bloqué à l’échelle planétaire. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’au début, il est certain que les crises économique, financière et sociale sont devant nous», a-t-il prévenu. On le sait, les économistes s’accordent tous pour affirmer que les prochains trimestres seront douloureux alors même que la visibilité est encore faible. «Certains dirigeants sont dans le déni ou la sidération, et ont du mal à agir. Attention à l’effet retard ou au risque de procrastination provoqué par des reports de charges, il ne faudrait pas reculer pour mieux sauter», alerte Denis Viot qui, en tant que membre de l’Association des administrateurs professionnels indépendants et associés (Apia), observe que la gouvernance des PME est souvent à renforcer.
L’entreprise est-elle capable ou a-t-elle la volonté de redresser, corriger et pivoter ? Le fait-elle seule ou accompagnée ? Le dirigeant n’a-t-il pas intérêt à examiner les possibilités offertes par une procédure amiable préventive et confidentielle (type mandat ad hoc et conciliation) ? Autant d’interrogations qu’il est, selon le consultant, primordial de soulever en cette période. «C’est lorsque la mer se retire qu’on voit ceux qui nageaient sans maillot», a illustré Denis Viot, citant le célèbre homme d’affaires et investisseur américain Warren Buffet. Le consultant incite à travailler le compte de résultat et le bilan, et à opérer un «pilotage par le cash», en actionnant douze leviers articulés autour de l’exploitation, des investissements et des opérations de haut de bilan.
L’approche privilégiée par Denis Viot : les marges de contribution (produits/marchés) qui permettent d’identifier les potentiels, de pointer les questionnements et prendre les bons arbitrages. «Ce qui se passe actuellement affecte les volumes en baisse, la productivité et les marges. Les actions immédiates ne doivent pas obérer la suite – le redéploiement de l’activité. Il est nécessaire de clarifier la situation, les enjeux, les orientations, les investissements futurs. Ce qui se traduit par l’incontournable business plan qui doit avoir une parfaite cohérence entre le word et l’excel, c’est-à-dire entre la feuille de route et les moyens, les outils, le rythme, etc.», note-t-il. Les entreprises doivent également être mesurées sur la levée de la dette pour être en capacité de la rembourser. «La qualité d’un dossier pour financer le projet va dépendre de l’équilibre du business plan. Une chose est sûre : un bon dossier et un projet convaincant ne restent jamais sur le carreau et trouvent toujours un financeur. Le projet doit inspirer confiance, il n’y a pas d’économie ni de business sans confiance», martèle Denis Viot. En résumé, les entreprises doivent chiffrer les pertes acceptables, cadrer les options stratégiques d’actionnaires pour structurer le projet dans son volet court, moyen et long terme, mettre en place des actions de redressement de la capacité d’autofinancement (Caf) et des outils de pilotage, et connaître leur endettement.
“un bon dossier et un projet convaincant ne restent jamais sur le carreau et trouvent toujours un financeur”
Des aides pour soutenir les entreprises
Guillaume Rabasté, responsable marché Entreprises Hauts-de-France/Grand-Est/ Centre-Val de Loire au Crédit coopératif (onze centres d’affaires pour une soixantaine de collaborateurs), a tenu à revenir sur la notion de cash flow d’exploitation. «C’est le cœur de métier d’une entreprise en temps normal. Dans un tel contexte d’incertitude économique, c’est évidemment plus compliqué. Cette crise s’est structurée en deux étapes : une première où il fallu trouver rapidement du cash pour pallier la perte de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous entamons la seconde phase : comment avoir la trésorerie nécessaire pour relancer son activité économique ?» Et à ce stade, le remboursement des prêts et le report des charges que les entreprises vont devoir rembourser constituent une difficulté certaine. «Depuis quelques années, les entreprises françaises se sont endettées et le ratio endettement/fonds propres commence à être conséquent, avec une Caf réduite», poursuit Guillaume Rabasté. Son conseil : les entreprises doivent encore plus se rapprocher de leurs partenaires (expert-comptable, consultant, banquier, etc.) pour trouver les solutions adaptées afin de se projeter sur le prévisionnel de trésorerie et établir une stratégie de relance de l’activité.
«Nos interventions sont à ce niveau complémentaires des établissements bancaires, a rebondi Alain Tueux, directeur d’investissement au sein de la Direction interrégionale fonds propres de Bpifrance répartie sur deux entités (Amiens et Lille) et qui s’occupe d’une trentaine de TPE/ETI avec une dizaine d’investissements par an. La structure financière des entreprises n’est actuellement plus tout à fait en cohérence avec leur rentabilité, ce qui peut, à terme, poser un problème de solvabilité alors même que le modèle économique continue d’être viable.» Tout l’enjeu pour les entreprises est de retrouver très rapidement cette cohérence, et pour Alain Tueux il faut impérativement rebâtir un business plan post-Covid-19. «Il faut repositionner l’entreprise dans l’après-Covid-19, anticiper, projeter le chiffre d’affaires et la rentabilité d’exploitation pour les cinq prochaines années. La question essentielle : quel sera le cash flow généré ? Personne ne le sait vraiment, mais personne ne le sait mieux que le dirigeant. Etre entouré pour formaliser ces hypothèses est primordial», estime Alain Tueux.
Depuis un mois, Bpifrance déploie dans ce sens le Fonds de renforcement des PME (FRPME, d’une durée de sept ans) pour les entreprises de plus de trois ans, au chiffre d’affaires inférieur à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires et en situation saine avant le Covid-19. Les tickets s’échelonnent de 500 000 euros à 5 millions d’euros (ticket moyen estimé à 1 million d’euros), sous forme d’obligations simples remboursées à l’échéance (taux à 9%), permettant de financer le plan de relance, les investissements, le redéploiement, etc. «Au-delà de cet apport financier, Bpifrance accompagne les entreprises avec du conseil, grâce notamment au Diag 360, une mission de six à dix jours dans l’entreprise pour étudier l’ensemble des paramètres et confirmer les axes prioritaires», complète Alain Tueux.
En complément de ces aides, la Région a lancé aux côtés d’acteurs privés le fonds Reboost, «un fonds d’investissement à destination des entreprises en situation de sous-performance conjoncturelle et qui vont entrer en phase de transformation», précise Virginie Dubart, responsable de la mission Hauts-de-France financement en charge de la coordination et du suivi de l’ensemble des fonds d’investissement des prêts de garantie (une vingtaine de fonds et dispositifs d’accompagnement). Le cœur de cible de ce fonds (ticket moyen de 1 million d’euros) : les entreprises industrielles ou de services à l’industrie de 50 salariés au plus, de plus de cinq ans et réalisant moins de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. «Le but est d’apporter une réponse aux entreprises rencontrant des difficultés mais ayant les capacités de rebondir», a conclu Virginie Dubart.