Caméras augmentées: en première ligne, Nice veut "aller beaucoup plus loin"
Avec des investissements de vidéosurveillance toujours plus ambitieux, la très touristique ville de Nice trépigne de ne pouvoir "aller beaucoup plus loin" dans l'utilisation des algorithmes, face aux réticences de...
Avec des investissements de vidéosurveillance toujours plus ambitieux, la très touristique ville de Nice trépigne de ne pouvoir "aller beaucoup plus loin" dans l'utilisation des algorithmes, face aux réticences de l'autorité française gardienne des libertés numériques.
Dans une salle immense, des rangées d'ordinateurs s'alignent face à un mur d'images de 144 m2. Au-dessus, des salles de crise aux baies vitrées donnent directement sur ce décor digne d'une salle de contrôle de la Nasa : bienvenue au futur "centre d'hypervision urbain" de Nice.
Le chantier, qui doit être achevé en décembre 2025, s'inscrit dans la politique de développement de la vidéosurveillance du maire de droite de la capitale de la Côte d'Azur, Christian Estrosi.
De 250 à son arrivée en 2008, la ville est passée à près de 4.500 caméras, avec un maillage et des images d'une précision impressionnante qui convergent vers l'actuel centre de supervision urbain (CSU).
L'investissement avoisine les 40 millions d'euros en quinze ans, sans compter les frais de fonctionnement.
Plutôt bien accepté par la population, il est critiqué par une partie de l'opposition et par des associations, comme la Ligue des droits de l'homme (LDH), qui contestent son efficacité et ont plusieurs fois saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et les tribunaux.
Bornes d'alerte
Or ce développement en appelle d'autres : "on a 4.500 caméras mais pas 4.500 opérateurs. Il faut un signal pour dire de regarder là où quelque chose est en train de se passer", explique M. Estrosi à l'AFP.
Pour cela, Nice a déployé des centaines de boîtiers et bornes d'alerte. Lors d'un attentat à la basilique Notre-Dame, qui a fait trois morts en 2020, c'est l'utilisation d'une de ces bornes par un passant qui a permis à une patrouille de la police municipale de neutraliser le suspect moins de cinq minutes plus tard.
Mais l’œil humain ne peut pas tout. Ainsi, pour l'attentat au camion-bélier sur la Promenade des Anglais, l'avenue longeant le bord de mer, qui fit 86 morts en 2016, les agents du CSU n'avaient pas repéré les différents passages de l'auteur pour observer les lieux. L'IA aurait pu, affirme M. Estrosi.
Pour l'instant, Nice utilise la vidéosurveillance algorithmique uniquement pour repérer les départs de feu et les dépôts sauvages d'ordures.
Avec l'aide de sociétés extérieures privées, les ingénieurs de la ville ont cependant expérimenté d'autres utilisations, notamment pour repérer les infractions routières ou retrouver en temps réel un individu selon sa corpulence ou la couleur de ses chaussures...
A l'occasion du carnaval de 2019, Nice a aussi testé la reconnaissance faciale dans une foule. Le logiciel utilisé, mis au point par des ingénieurs israéliens et proposé par une société monégasque, a permis de retrouver parmi 5.000 personnes une quarantaine de volontaires qui avaient fourni une photo, même très ancienne.
Loi d'expérimentation
"Nous avons envoyé un rapport au Parlement, au gouvernement, à la Cnil, pour que ces démonstrations extrêmement positives soient suivies et on est resté confronté à des blocages absolus de la part de la Cnil", s'emporte M. Estrosi qui ne mâche pas ses mots contre un organisme selon lui dépassé.
"La Cnil ne fait qu'appliquer un cadre réglementaire qui existe", répond Thomas Dautieu, directeur de l'accompagnement juridique au sein de la commission.
Et la ligne rouge est claire : en l'absence d'une loi spécifique, il est interdit de déployer des caméras augmentées permettant une action directe sur une personne. Un procès-verbal ou une interpellation sont possibles si l'infraction est détectée par un agent observant les images, pas si l'agent est alerté par l'IA.
Alors M. Estrosi réclame "une vraie loi d'expérimentation" qui aille "beaucoup plus loin" que ce qui est prévu pour les Jeux olympiques.
L'ancien ministre assure que les Français acceptent déjà d'être "surveillés 24/24h par (le président chinois) Xi Jinping ou par (le président américain) Joe Biden selon la marque de leur téléphone".
Dans l'idée du maire, "seules les personnes fichées comme dangereuses pourront faire l'objet d'une surveillance permanente. Donc, il n'y a aucune atteinte aux libertés des personnes qui ne sont pas concernées".
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