Calais se projette à Ashford
Dans le flot des 30 millions de passagers qui franchissent tous les ans le Détroit, une délégation d'élus, de chefs d'entreprise et de personnalités locales ont rencontré, le 1er septembre dernier, une trentaine de leurs homologues britanniques à Ashford, une station TGV sur la route de Londres. Le but : projeter une autre image du territoire et relancer les affaires.
Natacha Bouchart, maire de Calais et vice-présidente chargé de la mer, des ports et de la politique littorale au Conseil régional, a emmené une quarantaine d’invités français représentatifs des affaires du Calaisis
Enième opération de séduction du Calaisis à destination des Britanniques : Natacha Bouchart, maire de Calais et vice-présidente du Conseil régional, a emmené une quarantaine d’invités français représentatifs des affaires du Calaisis : CCI, grandes entreprises de transport, cadres de l’agence Calais promotion, office du tourisme, cadres de l’immobilier, de la santé, du commerce. Ils ont rencontré le maire d’Ashford, Georges Koowaree, celui de Douvres, Paul Watkins (habitué des échanges avec Cap Calaisis), des cadres issus du monde économique, de la sécurité sociale et des médias. Natacha Bouchart a contextualisé la dimension de ce voyage d’une journée : «Quand le Brexit est arrivé, il m’est apparu important d’engager une action pour Calais et l’Angleterre. Même s’il y a toujours un sujet qui nous préoccupe jour et nuit (la question migratoire), il ne faut pas négliger le développement économique.» La Ville a donc acheté des espaces publicitaires au plus grand groupe de presse du Kent, Kent Messenger, dont la diffusion dépasse les 230 000 lecteurs. Un supplément de 8 pages est ainsi consacré aux atouts de la ville : «A guide to business, leisure and travel»…
Un métro transmanche ? Calais veut donc rebondir sur d’autres sujets que l’immigration clandestine qui fait fuir les touristes. «Nous sommes l’entrée de l’Europe, nous voulons montrer ce que Calais peut apporter à ce flux de 30 millions de personnes qui traversent la Manche. Nous avons des réserves foncières, des projets de développement, le front de mer qui sera totalement requalifié d’ici 2021, du patrimoine, des animations toute l’année», égrène le maire de Calais. Sur les prospectus, les prix français et britanniques sont affichés afin de bien montrer l’avantage financier à passer quelques jours sur la Côte : «How to save money in Calais !». La plus grande ville du département travaille par conséquent ses points forts, à commencer la mobilité. «Avec Gérald Darmanin, vice-président chargé des transports, nous travaillons sur le métro transmanche. On a inscrit une étude pour mieux regarder techniquement la faisabilité du projet. Il y a un volume d’échanges à développer et un apport économique important. Il faut que les maires du Kent l’acceptent ; il y a des sillons», explique t-elle. Pour autant, il serait étonnant que la Région investisse dans de nouveaux trains : «on restera sur des budgets raisonnables», précise la vice-présidente chargée de la mer, des ports et de la politique littorale.
Une vieille ambition eurorégionale. L’ambition eurorégionale de la ville est légitime et rappelle le bon vieux temps du duty free, quand les voitures des Britanniques investissaient les parkings des magasins. Avec une livre sterling qui s’apprécie face à l’euro, le calcul est bon. Mais qui peut encore croire que la rente de positionnement suffira à sortir le Calaisis de l’ornière du chômage massif ? Calais met certes en avant ses projets, comme pour Heroic Land avec une date d’ouverture dès 2019… sans qu’on sache encore aujourd’hui si un investisseur est intéressé. La mise en avant de son hôpital permet pareillement tous les espoirs, même si l’Insee a rendu récemment un relevé de situation contrasté (une fonction publique présente, mais des besoins importants). Travaillant «dans des ondes positives», Natacha Bouchart avait aussi écrit publiquement au nouveau Premier ministre Teresa May au début de l’été, quelques jours après le Brexit. Pour ce day trip du 1er septembre, aucune rencontre avec des membres du nouveau gouvernement britannique n’était prévue dans un contexte où Xavier Bertrand propose que les 9 000 migrants de Calais soient relogés en Grande-Bretagne… Si «la question migratoire ne sera pas abordée lors des rencontres» aux dires de Natacha Bouchart avant le voyage, le problème reste toujours prégnant : la manifestation et le blocage de l’A16 quelques jours après le déplacement à Ashford en témoignent…
Morgan Railane