Calais et son arrière-pays se partageront les recettes d’Eleclink
Les territoires littoraux bougent en cette fin d’année. Ainsi, la communauté de communes de l’arrière-pays du Calais perd quatre communes qui viennent élargir la base démographique, foncière et fiscale de l’agglomération calaisienne. Récit d’une dispute autour des recettes d’un projet d’Eurotunnel qui pèse lourd dans le mariage des EPCI.
Ce fut la dispute de toute l’année 2019. Entre l’agglomération calaisienne et la communauté de communes Pays d’Opale, le torchon a brûlé jusqu’à ce que l’accord survienne en fin d’année à travers une convention partageant les fruits fiscaux putatifs du projet Eleclink de Getlink, gestionnaire du tunnel sous la Manche.
Retour en arrière : à la faveur de la loi Notre en 2017, les agglomérations, les communautés de communes, les syndicats mixtes et autres structures qui font la joie de l’administration françaises, sont «invitées» à se regrouper. Les seuils changent, les préfets poussent et les élus s’accordent en râlant. L’agglo calaisienne (à peine 100 000 habitants) attire Bonningues-lès-Calais, Saint-Tricat, Pihen-lès-Guînes et surtout Peuplingues. C’est en effet dans le territoire de la commune que s’inscrit l’imposant projet de Getlink. Cette interconnexion entre la France et la Grande-Bretagne passera sous le Tunnel et fait partie des projets reconnus comme «d’intérêts communs» par la Commission européenne. A l’heure du Brexit, cette carte apporte un rayon d’optimisme aux relations transmanches. Commencés en février 2017, les travaux ont lieu à Peuplingues (800 habitants en 2017). Getlink y investit 580 millions d’euros… 300 personnes y travaillent lors du pic d’activité sur le site. Puis 40 de manière permanente, lors du début de l’exploitation prévue l’an prochain. Le câblage de 69 Km est taillé sur une puissance d’1 Gw (l’équivalent de la consommation de 1/65 millions de foyers).
Couper la poire
De l’autre côté de la Manche, le gouvernement britannique a autorisé EDF à construire deux réacteurs nucléaires à Hinkley Point. Au plan local, la fiscalité attendue par la CC Pays d’Opale avoisinait 1,5 millions d’euros en année pleine. «De quoi financer nos projets en termes culturels et dans l’éducation, plaidait Marc Médine, son président en novembre dernier, il n’est pas question de se laisser plumer ainsi.» A l’agglomération, des maires montent au créneau pour vanter la collaboration avec Calais. Entériné par la préfecture, le découpage débouche sur un accord qui prend la forme d’un Contrat de réciprocité que nous nous sommes procuré. C’est à travers la loi du 4 février 2015 sur l’aménagement et le développement durable que se sont appuyés les services de l’Etat pour sortir des oppositions locales.
Ses objectifs relèvent, entre autres, de la préservation «des ressources naturelles (eau, air, foncier, biodiversité, paysages), ainsi que les aménagements destinés à créer des aménités de loisirs respectueuses de l’environnement, (…) Le contrat de réciprocité vise également à mettre en place une coopération innovante, originale et opérationnelle autour des filières économiques durables et éco-responsables à partir des ressources naturelles locales au bénéfice des deux EPCI », détaille l’article 3.
Partage éco-responsable.
Le Pays d’Opale prend un certain nombre d’engagements sur ces questions tandis que les moyens financiers font l’objet de l’article suivant : «Les parties conviennent de compenser ces sujétions par des ressources nouvelles assises sur les produits fiscaux de toute nature qui seront issus de la transformation du courant et de l’interconnexion électrique aujourd’hui dénommée Eleclink en cours d’implantation sur la commune de Peuplingues. La communauté d’agglomération Grand Calais terres et Mers s’engage ainsi à reverser à la communauté de communes Pays d’Opale, une somme correspondant à 50% de l’ensemble des produits fiscaux issus du programme Eleclink (…). Ce versement sera opéré de manière mensuelle et corrélatif aux douzièmes de fiscalité perçus». En clair, le Calaisis paiera son écot «vert» à son arrière-pays. Le contrat est opposable et sa durée est de 12 années.