Calais-Caudry : la dentelle en plein vent

Olivier Noyon, dirigeant des dentelles éponymes, au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en 2014.
Olivier Noyon, dirigeant des dentelles éponymes, au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en 2014.
D.R.

Olivier Noyon, dirigeant des dentelles éponymes, au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en 2014.

Après l’entrée du groupe chinois Yongsheng qui a repris Desseilles et le Caudrésien Sophie Hallette qui a repris Codentel, c’est au tour de Noyon de connaître un nouveau soubresaut avec son placement en liquidation judiciaire. Pendant ce temps, Sophie Hallette poursuit son développement en acquérant Dentelles MD à son confrère Méry. 

L’industrie dentellière connaît de nouveaux mouvements après ceux engendrés par la chute et la reprise de Codentel et Desseilles au printemps dernier. Noyon, plus important dentellier de la place de Calais, a en effet été placé en redressement judiciaire à la demande du mandataire qui suit son plan de continuation, un plan que le fabricant ne parvient pas à tenir depuis son précédent redressement en 2008. La direction du dentellier n’a pas pu honorer les salaires fin août, alors que ses carnets de commandes fondent régulièrement. Affichant des pertes depuis plus d’une décennie, Noyon a vendu la totalité de ses actifs immobiliers (notamment à la Ville de Calais) pour tenir sa trésorerie et rester dans un étiage conséquent avec plus ou moins 250 salariés. L’an dernier, Noyon a facturé pour 15,5 millions d’euros et affiché 2 millions de pertes (contre 18,3 millions d’euros en 2014, tout en restant sous son point mort). L’année 2016 est du même tonneau : Noyon tourne au ralenti avec une dizaine de métiers qui produisent sur un parc de 80 machines Leavers… Cette année, il perdra probablement encore 10 à 20% d’activité. Devant une partie des 212 salariés, Olivier Noyon a annoncé que des emplois seraient supprimés, mais sans avancer de chiffres : “Nous allons travailler à un plan de redressement. Ça passera d’abord par des discussions avec les représentants du personnel, ce qui pourrait entraîner des licenciements. Il
faut se restructurer de façon à retrouver un équilibre.”

Six mois pour prouver qu’il a un modèle. S’il a obtenu six mois d’observation, ses rendez-vous mensuels au tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer seront autant de couperets définitifs auxquels il sera confronté dans les prochains mois. De son côté, Desseilles a maintenu ses effectifs depuis que son partenaire chinois l’a conforté. S’il repart avec un chiffre d’affaires prévu de moins de 8 millions, Desseilles doit effectivement pouvoir compter sur le réseau d’affaire de Yongshen en Asie. Noyon, lui, ne peut plus compter sur ses faibles participations au Skri Lanka où son partenaire indien MAS attend. De l’autre côté de la région, dans l’autre secteur artisanal de la dentelle, la place de Caudry vit d’autres changements. Le groupe Holesco (dont la tête de proue Sophie Hallette est le plus gros dentellier du monde aujourd’hui) est offensif : son chiffre d’affaires est passé de 18,4 à 27 millions d’euros entre 2012 et 2015 (elle emploie moins de 200 personnes et affiche des résultats positifs tous les ans). On se souvient de sa tentative (avortée) sur Noyon en 2009 : l’entreprise familiale dirigée par Romain Lescroart avait fait une offre sur Desseilles et Codentel cette année-là. Elle s’appuie toujours à Calais sur sa filiale Riechers & Marescot. Après avoir accueilli en 2016 la maison Chanel en son capital, Sophie Hallette a pris le contrôle du petit fabricant Dentelles MC (20 salariés, essentiellement dans l’habillement) dont elle partageait, à part égales, les actions avec son confrère local Méry.

Le plus grand parc Leavers du monde. Une dizaine de métiers Leavers supplémentaires rejoignent le parc du Caudrésien qui, avec plus de 300 machines, s’avère être le plus vaste parc de métiers du monde. Pour autant, Riechers subit une légère baisse à Calais, mais la place caudrésienne conserve une activité suffisante chez Beauvillain ou Bracq. Sophie Hallette poursuit son développement avec son déménagement dans un ancien bâtiment d’une zone industrielle de Caudry appartenant au groupe L’Oréal : plusieurs milliers de mètres carrés où peu à peu, depuis le début de l’année, la crème du parc Leavers vient s’installer. Seul Noyon peut encore rivaliser en termes de métiers à dentelle d’exception grâce, entre autres, à son acquisition du petit fabricant Boot il y a deux ans (pour près de 250 000 euros) qui détient des métiers Leavers d’une très grande finesse. Avec Darquer, sa marque historique de la robe très haut de gamme, Noyon demeure une entreprise d’exception mais s’approche à nouveau d’une liquidation judiciaire vu la faiblesse de son plan d’affaires et ses problèmes récurrents de rentabilité. À Caudry et ailleurs, l’attention sur le sort du Calaisien est grande. Pendant que Calaisiens et Caudrésiens rivalisent, l’Italien Pizval, établi à Rouvroy depuis une décennie maintenant, repense quant à lui son petit parc Leavers (8 machines) et tente sa chance sur le marché étroit de la lingerie… sans détenir le label “Dentelle de Calais”.