«L'usine est la locomotive de la ville»
Pour la 5e édition de son Université des entrepreneurs, le MEDEF Grand Lille a mis l’accent sur la transformation numérique au cœur des mutations de l’entreprise. Avec pour thème «Welcome to #Liketaboîte !», ce rendez-vous incontournable du monde économique a attiré près de 1 000 participants.
On a beaucoup parlé de qualité de vie au travail (QVT) dans les allées d’Entreprises et Cités, ce jeudi 5 juillet. Et puisqu’il n’y a rien de plus parlant que de se l’appliquer à soi-même, la journée a débuté par un réveil inspirant, à coups d’atelier d’éveil musculaire, d’atelier super-food, en partenariat avec l’entreprise régionale Les Paniers de Léa, et d’atelier rigologie. S’en sont suivis un «parcours des likes», regroupant une vingtaine d’espaces innovants et de démonstrations d’entrepreneurs ainsi qu’une conférence plénière sur le thème : «Humain et digital : vers une entreprise plus agile». C’est un fait : les entreprises doivent faire face à une évolution des pratiques, notamment managériales. La QVT n’essaie pas seulement d’être l’apanage des grands groupes, les PME et PMI tentent de s’en approcher avec des solutions permettant aux collaborateurs de se sentir mieux dans l’entreprise et donc, mieux dans leur vie personnelle. «Les enjeux à relever pour les chefs d’entreprise ne sont pas simples : il y a les défis environnementaux, la révolution numérique… Mais l’enjeu crucial reste l’humain. Il faut faire venir les talents», a tenu à préciser Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France. Certes, le digital a bouleversé le rapport au temps ou à l’espace, demandant aux dirigeants d’entreprise de s’adapter : «La digitalisation fait disparaître des emplois, mais il ne faut pas subir. Plus il y aura d’intelligence artificielle, plus on aura besoin d’humain pour la piloter», rassure Isabelle Barth, directrice de l’INSEEC Business School, professeur des universités et chercheuse en management. La preuve côté entreprise avec le témoignage du géant de l’habillement Kiabi qui a dû revoir sa stratégie : «Alors qu’il y a quelques années, aller en centre commercial faisait partie des loisirs, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, tout est sur le digital. Nous basons notre singularité sur l’humain dans nos magasins. Je crois en la cohabitation des deux mondes», a expliqué Ludovic Poutrain, DHR Monde.
«La digitalisation fait disparaître des emplois, mais il ne faut pas subir»
Les entreprises, acteurs du territoire
La plénière de clôture de l’université s’est déroulée sous le thème «L’entreprise : un acteur du territoire», avec comme invité d’honneur Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. «Notre territoire n’est pas grand chose sans la cristallerie Arc. Arques est désormais la capitale économique de l’Audomarois», explique Caroline Saudemont, maire de la cité. Pour elle, le maire se doit d’être un facilitateur social entre les syndicats et les dirigeants. «L’usine est la locomotive de la ville et vice versa.» Le rôle des élus est de créer un environnement agréable pour les salariés, en développant l’habitat, la mixité sociale et le tourisme. «Nous développons un réseau de ‘hackers publics’ au sein des préfectures, afin d’aider les entreprises innovantes à s’installer sur un territoire», indique Christophe Itier, haut-commissaire à l’Economie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale. Une mesure qui devrait être lancée en septembre sur certains secteurs, l’objectif étant ensuite d’inciter les futurs collaborateurs sur le territoire. «Il faut considérer de la même façon client et collaborateur», souligne Tristan Borne, directeur de la cristallerie Arc. Dans la même logique, selon le maire d’Arques, les forums de l’emploi devraient avoir lieu au sein des entreprises afin que les possibles recrues se fassent un idée de leur futur environnement de travail. Quant à la fiscalité locale, elle n’aurait pas d’incidence sur l’implantation de sociétés, l’attractivité du territoire étant un levier suffisant. Gérald Darmanin a quant à lui confirmé la volonté du gouvernement de ne pas diminuer l’impôt sur la production. S’il constitue un poids pour les entreprises en matière de compétitivité, il reste une recette locale importante pour les collectivités.
«Le capitalisme d’intérêt général n’est pas un paradoxe»
Le double impact RSE
«Le consommateur est soucieux de l’impact environnemental des entreprises», avance Christophe Itier. Pour les jeunes générations, le critère numéro un de l’embauche ne serait plus le salaire mais un travail qui a du sens. Les entreprises rencontrent par ailleurs un problème de fidélisation parmi les nouveaux entrants sur le marché du travail. Pour y remédier, l’ancrage territorial, la démarche RSE et le travail collaboratifs sont des pistes à creuser. «Le capitalisme d’intérêt général n’est pas un paradoxe.» Un point de vue partagé partagé par Pascal Canfin, directeur général de WWF France. «Il n’y a pas d’opposition entre business et environnement. Les grandes boîtes agréées ESS (économie sociale et solidaire, ndlr) surperforment l’année suivante», poursuit-il. Une démarche environnementale, même à l’international, aura un impact sur le territoire d’implantation de l’entreprise. «C’est un vecteur important de communication. Si ces actions sont mises en avant, nous pourrons garder les jeunes talents dans l’entreprise. J’ai vu beaucoup de greenwashing (ou écoblanchiment, c’est-à-dire la pratique d’utiliser abusivement un positionnement écologique à des fins marketing, ndlr), il est vite détecté par les collaborateurs.», explique le directeur de la cristallerie Arc. Pour les ONG environnementales, s’associer avec des leaders d’activité sur des actions durables permet de doubler leur crédibilité et de bouger les lignes chez les institutionnels. Comment inciter les entreprises à s’engager dans une démarche RSE et durable ? «La fiscalité peut être un levier important, mais le premier est un projet stratégique, une vision globale du territoire. Ceux qui s’engagent ne parlent pas de fiscalité», résume Christophe Itier.