«Il ne faut pas noircir le tableau de cette rentrée»

Pour être le mois de la rentrée scolaire, septembre est aussi le mois de la rentrée sociale et économique. Une rentrée que d’aucuns annoncent «difficile». Le point de vue d’Antoine Moittié, associé, directeur EY Nord de France, un des acteurs importants de l’accompagnement des entreprises en région.

«Il ne faut pas noircir le tableau de cette rentrée»

 Propos recueillis par Philippe SCHRÖDER et Jean-Luc DECAESTECKER

 D.R.

La Gazette. Comment voyez-vous la rentrée 2014 au plan économique ?

Antoine Moittié. Nous sentons un regain en termes de projets sur des sujets de croissance externe et de partenariat. Après le trou d’air des années passées sur ces sujets-là, le nombre de projets dans les PME et ETI de la région repart un peu, qu’ils soient franco-français ou émanant de sociétés souhaitant être présentes ou souhaitant continuer à faire de la croissance externe à l’étranger. Leur souhait est d’être accompagnées si possible par un acteur local qui sait faire.

EY Nord de France est un point d’entrée pour l’international. Les projets autour de la consolidation et du reporting repartent aussi. Nous sentons que des décisions ont été prises depuis quelques mois. Ce n’est pas parce que les entreprises ont le sentiment d’être dans un tunnel qu’elles doivent rester immobiles.

 Quel est l’état d’esprit des dirigeants de ces PME et ETI ?

Il y a un changement de modèle économique. Les carnets de commandes se sont rétrécis de façon phénoménale et leur visibilité est aujourd’hui beaucoup plus courte.

Si certaines entreprises n’ont pas résisté, d’autres se sont réorganisées pour faire face à ce nouvel enjeu. On a pu penser que la crise était passagère, mais c’est le modèle qui a changé.

A un moment donné, ne pas prendre de décisions, cela tue les entreprises.

J’ai le sentiment qu’elles ont repris une marche en avant d’innovation, d’internationalisation, ce qui fait qu’un certain nombre de projets se débloquent. La région n’est pas à la traîne sur ce sujet, elle est historiquement tournée vers l’entrepreneuriat avec dans son ADN la capacité à recréer.

 Pourtant, de nombreux dirigeants doutent.

Il y a eu une période où les chefs d’entreprise étaient découragés : modèle qui change, trésorerie tendue, environnement économique très concurrentiel…

Si les dirigeants peuvent comprendre la charge fiscale, il leur est difficile, à ce qu’ils m’expliquent, de s’habituer à l’instabilité fiscale. Ces dirigeants sont en attente de stabilité fiscale et également de gains de compétitivité. Beaucoup ont bénéficié du CICE, reste à en voir les bénéfices futurs. Mais le contexte n’est pas noir. En tout cas, il ne faut pas le noircir.

Par exemple, le Prix de l’entrepreneur, dont EY est l’initiateur, réunit cette année au plan régional 33 candidats qui sont 33 belles pépites en croissance, qui embauchent, ont des idées, innovent, vont à l’international… Et dans la catégorie «Prix de l’entreprise d’avenir», c’est dans notre région que nous avons le plus de candidats. Ce sont peut-être les belles histoires de demain. Nous annoncerons d’ailleurs le palmarès 2014 de ces belles entreprises, le 30 septembre prochain, lors d’une grande soirée entrepreneuriale à la Cité des échanges.

 Au-delà de la stabilité fiscale, qu’attendent les entreprises ?

De la simplification !

Simplification du droit du travail, des démarches administratives en tout genre… Les dirigeants français sont de plus en plus en capacité de comparer les pratiques du travail en France et à l’étranger. Certains peuvent embaucher mais ils pensent à l’éventualité d’une baisse d’activité et n’embauchent donc pas ! Ce frein à l’embauche revient souvent.

Pourtant, la France est toujours bien située dans les études d’EY, notamment en ce qui concerne la facilité de création d’une entreprise.

Mais c’est après cette phase de création que les choses se compliquent, avec, notamment, les aspects de gestion du personnel.

Les seuils par exemple. Pourquoi trouve-t-on autant d’entreprises avec 49 salariés ? Il faut se poser la question et ouvrir sereinement le débat. Les responsables politiques ne doivent pas sous-estimer le sujet de la simplification, ni celui de la stabilité fiscale, que je distingue bien du sujet du poids de la fiscalité. Confrontés à des changements de la réglementation trop fréquents, les dirigeants ont difficilement la capacité de se poser pour prendre une décision.

 Selon vous, les dirigeants comprennent-ils l’inquiétude qui monte chez les salariés et futurs salariés ?

Bien sûr ! Mais on ne peut pas toujours suspecter les dirigeants, les créateurs d’entreprise et tous ceux qui innovent de vouloir a priori mal se comporter à l’égard des salariés.

Au contraire, les dirigeants s’interrogent pour embaucher, pour innover, pour exporter. Ils savent que le marché français est plutôt mature, que leur croissance et les embauches passeront par davantage d’innovation et d’international. Développer des filiales à l’étranger, cela sert aussi le marché de l’emploi en France. Grâce au crédit d’impôt recherche (CIR), excellent système, l’innovation peut demeurer en France. Internationalisation et innovation peuvent donc bénéficier aux salariés français !

 Que pensez-vous du protectionnisme que certains appellent de leurs vœux ?

Mes clients ne me présentent pas le protectionnisme français comme la solution. En revanche, ils évoquent souvent le protectionnisme de certains pays où il est difficile d’exporter. J’ai le sentiment qu’actuellement, les sociétés ne souhaitent pas davantage de protectionnisme en France, mais plus de compétitivité sur les coûts.

 Quel rôle le CICE peut-il jouer ?

Le CICE est une bonne amorce pour améliorer la compétitivité. Pour les chefs d’entreprise, il améliorera leur trésorerie. Je crois qu’ils ont reçu favorablement ce mécanisme, mais en s’interrogeant sur sa pérennité. Ce que sera le CICE dans deux ou trois ans ? On ne le sait pas. Mais le fait d’avoir pérennisé le CIR il y a quelques années a été un geste fort pour l’innovation et la recherche. Une visibilité à moyen terme est donc nécessaire pour les entreprisses afin qu’elles puissent prendre, aujourd’hui, les bonnes décisions.

 Vous sentez-vous concerné quand certains parlent de “rente” s’agissant de professions dites “réglementées” ?

Dans nos métiers au sein d’EY, avocat, expert-comptable, commissaire aux comptes ou consultant, nous n’avons pas le sentiment de bénéficier d’une rente. Nous sommes comme les autres entreprises de France, c’est-à-dire dans l’économie réelle et concurrentielle.

 EY Nord de France

 «Le groupe EY est un des leaders mondiaux de l’audit, du conseil, de la fiscalité et du droit, des transactions, rappelle Antoine Moittié. EY Nord de France, l’un des 14 bureaux d’EY en France, décline ces quatre métiers.

Notre métier est de servir les PME, les ETI, les collectivités… qui ont des besoins de services à forte valeur ajoutée pour assurer leur développement. Notre volonté est de les accompagner, depuis Lille, sur leurs projets tant en France qu’à l’international.

Avec 168 collaborateurs, EY Nord de France compte cinq associés − Christian Olivier (audit), Carole Dessaint (audit), Nathalie Van Vliet (conseil), Quentin Wemaëre (juridique et fiscal) et moi-même −, et quatre directeurs associés − Sandrine Ledez (audit), Benoît Losfeld (juridique et fiscal/business law), Paule Welter (juridique et fiscal/droit social) et, depuis le 1er juillet, Antoine Vignéras (juridique et fiscal), en charge de la ligne de services ‘Human Capital’, activité dédiée à la gestion du personnel en mobilité internationale et aux systèmes de rémunération des salariés, cadres et dirigeants. Cette nomination à la tête d’une équipe de cinq collaborateurs dédiés est une illustration des besoins des entreprises régionales pour leurs filiales à l’étranger, de leur développement, et démontre le dynamisme des entreprises régionales vers l’international.

Je vois aussi une autre illustration du développement des entreprises régionales dans l’arrivée, depuis le 1er septembre, d’un nouveau manager, Pierre-Guillaume Fayet, sur le métier des transactions et placé sous la responsabilité de Mathieu Jaud de la Jousselinière. Cette activité ‘Transactions’ est un métier au service des entreprises qui souhaitent mener des projets de croissance externe, d’évaluation d’actifs, de cash management, de restructuring. 

 Le cabinet marcquois 7abc rejoint EY

 Créé à Marcq-en-Barœul en 2008 par Loïc Dachy, le cabinet 7abc, société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes (sept collaborateurs), a rejoint EY Nord de France le 1er septembre 2014. «L’acquisition de ce cabinet, qui a notamment une superbe compétence sur les métiers de la consolidation et du reporting, va nous permettre de rassembler sur Lille quinze personnes. Toutes ces équipes, désormais sous le même drapeau EY, sont dédiées à ces thématiques, se félicite Antoine Moittié. Leur mission est d’accompagner les entreprises de la région et les clients d’autres bureaux EY qui pourraient avoir besoin de ces compétences, par exemple dans la réalisation de consolidation, de projets de changement d’outils ou encore sur des sujets de reporting. Ces équipes seront basées à Lille, comme celles du pôle national de compétences ‘paie’ d’EY, qui gère des projets d’audit ou d’externalisation de la paie pour les entreprises et collectivités