«Il faut donner envie de réussir cette transition»
La ville de Dunkerque accueille du 22 au 24 janvier 2019 la 20e édition des Assises européennes de la transition énergétique. Plus de 3 500 personnes du monde politique, économique et universitaire se déplaceront pour partager les expériences innovantes dans ce domaine. Quelques jours avant les Assises, son maire Patrice Vergriete nous présente les enjeux de ces rencontres et sa vision sur la transition énergétique.
La Gazette : Les Assises se déroulent cette année en pleine tourmente politique. En quoi la crise des «gilets jaunes» peut-elle avoir un impact sur cette transition énergétique ?
Patrice Vergriete : Oui, c’est le sujet du moment. Cette crise, c’est un peu la revanche du social sur l’environnemental. Tous ceux qui pensaient que l’on pouvait faire des politiques punitives en matière environnementale en sont pour leurs frais aujourd’hui. Le social et l’environnemental doivent aller de pair, et c’est la grande leçon de cette crise des «gilets jaunes». Durant ces Assises, nous allons notamment nous interroger sur comment mieux prendre en compte ce lien social face aux enjeux environnementaux.
Quelle est votre vision de la transition énergétique ?
Il faut donner envie de réussir cette transition. Une grande partie des Français pense que l’avenir sera moins bien pour leurs enfants. C’est très inquiétant dans une démocratie. Or il faut donner envie du futur, avec un projet de société. Les politiques liées à la transition énergétique devraient nous permettre de vivre mieux. D’ailleurs, cette thématique fera partie du grand débat national. Nous espérons que des représentants du gouvernement seront présents aux Assises, pour s’inspirer de ce qui se passe dans les territoires. Vous savez, il y a beaucoup de choses aujourd’hui qui se font en matière de transition écologique dans les collectivités.
Quelles sont les nouveautés de cette année ?
Un nouveau label en matière d’économie circulaire et de gestion des déchets sera présenté par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). On abordera l’évolution des modèles industriels, les notions d’hydrogène vert, l’autoconsommation collective, le nouveau champ d’éoliennes off-shore, le premier démonstrateur Power to Gas. Un programme Off sera également proposé pour la première fois, avec des manifestations dans toute la ville à l’attention de la population.
En quoi est-ce important de sortir du cadre politique et économique pour aller vers les citoyens ?
C’est fondamental car, dans une démocratie, le changement vient du peuple. Il faut donc se préoccuper d’éducation populaire, sinon il ne se passera rien. L’idée est de présenter aux habitants les enjeux, les effets du changement climatique et les solutions envisagées. Les Assises ne doivent pas se limiter à une discussion d’initiés. Il est important d’associer la population à nos réflexions.
Le transport public gratuit sera également évoqué. C’était d’ailleurs une promesse annoncée lors des Assises de 2016.
Et que nous avons réussi à mettre en place en septembre 2018. Cette mesure illustre l’articulation du social et de l’environnemental. On souhaitait faire une politique incitative en matière de déplacement. Cette ville a été rasée pendant la guerre, et reconstruite pour la voiture. Cela pose aujourd’hui des problèmes en matière de pollution de l’air, de consommation foncière, de pouvoir d’achat. Depuis le 1er septembre, le réseau est gratuit. Il a fallu le changer profondément, améliorer la qualité des fréquences et des services au sein des bus. J’avoue que les résultats sont très satisfaisants : + 50% de fréquentation en semaine, +120% le week-end. On a plus que doublé. Nous avons le sentiment que la population s’est réinterrogée sur sa politique de déplacement, et c’est ça le plus important.
Mesurez-vous l’impact des Assises sur le Dunkerquois ?
On a des difficultés pour mesurer leur effet sur l’emploi régional en général. En revanche, la présence de 3 500 congressistes dynamise pendant ces trois jours le secteur de l’hôtellerie, de la restauration ou de la sécurité. Il y a aussi des retombées d’image positive. Cela permet de faire rayonner les politiques publiques dunkerquoises et peut-être d’avoir des subventions pour avancer plus vite. Il y a une véritable stratégie d’influence durant ces Assises. Et d’ailleurs je remercie mes prédécesseurs qui en ont eu l’idée, il y a 20 ans ; ils ont eu le nez fin.
En quoi est-ce important que cela se passe à Dunkerque ?
C’est tout de même la première plateforme énergétique d’Europe dont l’avenir est lié à la transition énergétique. Notre territoire, qui est un polder, est touché par les problèmes de submersion marine. On a la plus grande centrale nucléaire d’Europe occidentale. Nous sommes au coeur de ces problématiques énergétiques. C’est pourquoi nous essayons de soutenir toutes les expérimentations qui nous permettront de basculer vers la modernité.
À la suite d’une COP24 très critiquée, craignez-vous un impact négatif sur ces Assises ?
Je ne pense pas car les débats ont toujours été riches durant ces rencontres annuelles. Mais il faut dépasser le contexte international. S’il est négatif aujourd’hui, dans deux ou trois ans il peut être positif grâce à l’arrivée de nouveaux élus, d’une nouvelle génération politique, qui permettra de réconcilier l’environnement avec l’économie et la société.
La présidence annuelle de ces Assises est tournante, entre Dunkerque, Bordeaux et Genève. Cette organisation va-t-elle évoluer ?
Aujourd’hui, nous sommes très contents du fonctionnement de ce trio. Les villes sont complémentaires. Par exemple, le programme Off avait été initié par Genève et j’ai voulu le dupliquer sur Dunkerque. Sur le plan géographique, c’est parfait puisque nous rayonnons dans le sud-ouest, à l’est et à l’international.
Programme
Créées par la communauté urbaine de Dunkerque en 1999 et l’Ademe, ces Assises ont aujourd’hui deux autres partenaires : Bordeaux (qui accueillera la 21e édition en 2020) et Genève, en Suisse. Elles réunissent collectivités, entreprises, universitaires et la société civile de toute l’Europe autour des enjeux de la transition énergétique. C’est l’occasion de partager des temps de réflexion, mais aussi des expérimentations, pour faire face au changement climatique. RDV les 22,23 et 24 janvier 2019 au Kursaal, le palais des congrès de Dunkerque, inscription préalable sur le site www.assises-energie.net. Ouverture des débats en présence de Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de Dunkerque, et Arnaud Leroy, président de l’Ademe. Seront présents également Anne Hidalgo, maire de Paris et Alain Juppé, maire de Bordeaux. À l’heure du bouclage, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et de la Transition solidaire, et le nouveau président de la Commission nationale du débat public n’ont pas encore confirmé leur présence.
Carrefour des métiers
En dehors des conférences, un Carrefour des métiers de la transition énergétique est proposé. Les entreprises et les organismes de formation et d’orientation iront à la rencontre des collégiens, lycéens, étudiants, demandeurs d’emploi et entrepreneurs. Un espace recrutement sera ouvert. Des conférences et des visites proposeront de découvrir les filières et entreprises qui recrutent et de s’initier à des métiers de technicien.
Programme Off
Pour la première fois, un programme Off est proposé dans toute la métropole dunkerquoise, avec de nombreux rendez-vous citoyens.
- Création d’un jeu de société écologique avec les enfants. 26/01, 30/01 et 06/02 : Sparklab, 17, rue du Jeu-de-Mail à Dunkerque
- Sortie nature le samedi 19/01 de 9h à midi, à la découverte des oiseaux. RDV digue des Alliés.
- Récit-concert sur l’or noir, à la Halle aux sucres le dimanche 20 janvier à 15h
Le reste du programme sur www.assises-energie-off.net