«Faire du handicap un levier de performance en entreprise»
Fondée fin 2016, Tyresias est une start-up sociale spécialisée dans l’événementiel et le conseil en stratégie. Elle vise à sensibiliser les entreprises à prendre le handicap en compte comme levier de performance
Nicolas Karasiewicz décrit son parcours comme atypique. «J’ai fait le tour de plusieurs métiers entre 2006 et 2016 : ressources humaines, recouvrement, communication, commercial…», détaille le dirigeant et fondateur de Tyresias. L’entrepreneur s’est saisi ensuite d’un projet d’ouverture d’un restaurant entièrement dans l’obscurité, afin de sensibiliser au handicap visuel. Une ambition avortée pour raisons logistiques. «Au printemps 2016, une nouvelle approche du projet a été sélectionnée par l’association Ticket for Change pour un programme entrepreneur.» Au terme de six mois de suivi, Tyresias est née en décembre 2016. «Notre mission est de faire du handicap un levier de performance en entreprise.» La société, récemment installée à l’incubateur de Louvre Lens Vallée, couvre plusieurs activités, dont la création événementielle pour entreprise, association ou organisme institutionnel. Celle-ci peut prendre la forme de réunions, job datings, déjeuners ou encore activités sportives dans l’obscurité. «Nous essayons d’amener une prise de conscience. Cela peut également aider à résoudre un problème interne dans l’entreprise.» Tyresias réalise également du conseil stratégique pour aider des sociétés à mieux intégrer le handicap dans leur fonctionnement. «Nous rencontrons le dirigeant afin d’identifier les besoins, puis nous faisons expérimenter une situation de handicap.» L’objectif étant d’accompagner les collaborateurs à répondre à ce besoin qui peut être lié à l’accessibilité d’un bâtiment, la qualité de vie au travail ou le recrutement. La start-up a d’ores et déjà suivi une dizaine de groupes évoluant dans des domaines variés, tels que l’informatique, la banque, l’agroalimentaire, ou encore des bailleurs sociaux. «Nous travaillons également avec la Ville de Lille et l’Université catholique de Lille.» Le diagnostic est réalisé sur trois mois avec, si besoin, des ateliers de sensibilisation. Le consulting dépend par la suite de la nature du projet.
L’innovation sensorielle au service de la performance
Tyresias se base sur deux notions : l’innovation sensorielle, selon laquelle tout le monde a un sens en commun, et l’innovation inversée. «Nous avons tendance à segmenter le marché pour adapter le produit au client. Notre idée est de fabriquer un produit en amont qui conviendrait à tout le monde.» Selon le dirigeant, la majorité des entreprises viennent demander conseil pour redéfinir leur offre. «Ce que nous vendons le plus, c’est le test utilisateur.» Une centaine de bénévoles viennent ainsi régulièrement tester les produits d’une entreprise cliente. Si la jeune société ne compte pas encore de salariés, Nicolas Karasiewicz espère à terme pouvoir leur offrir une rémunération. En termes d’emploi, les personnes atteintes d’un handicap visuel enregistrent un taux de chômage de 40% (20% tous handicaps confondus). «Le problème, c’est que pour beaucoup d’enseignes, nous ne sommes pas clients mais handicapés.» La France compte 2 millions de personnes ayant un handicap visuel. Une population qui devrait augmenter avec le vieillissement de la population. «La majorité d’entre eux ont un smartphone. Si les entreprises ne se saisissent pas du sujet, elles risquent de perdre des parts de marchés…» Pour lui, il ne suffit pas non plus de remplir les quotas si les conditions de travail ne sont pas adaptées.
Un large réseau
Afin de répondre au mieux aux attentes de sociétés clientes, Tyresias compte sur plusieurs partenaires. «Je travaille notamment avec une start-up spécialisée dans les relations professionnelles et personnelles en entreprise, ainsi qu’un architecte sur les problématiques d’accessibilité.» Si l’année 2017 a été celle de la mise en place des divers services proposés par Tyresias, son chiffre d’affaires a triplé entre 2017 et 2018. Toutes prestations confondues, la start-up a reçu une cinquantaine de clients, dont certains sont déjà fidélisés. «Certaines boîtes restent concentrées sur la sensibilisation des collaborateurs sans avoir conscience de la perspective business.» Néanmoins, le dirigeant se réjouit de voir un réel engouement des entreprises pour ces sujets. «Nous organisons aussi bien des événements B to B que B to C.» En complément de son projet de salarier les testeurs utilisateurs, Nicolas Karasiewicz souhaite mener à bien deux projets de recherche et développement. Le premier, baptisé «Ambroisie», consiste à créer des identités sensorielles pour les marques et ainsi valoriser son image par le biais des cinq sens. Le second, nommé «Midas», tente d’optimiser l’expérience visiteur au sein des musées à travers une approche sensorielle : «À l’aide de l’impression 3D, nous pouvons apporter une réalité sonore, le toucher, la chromathérapie ou encore stimuler l’olfactif.» La start-up devrait disposer de nouveaux bureaux à Lille à la rentrée.