«Comment expliquer la situation à nos concitoyens ?»

A Bavay, le constat a été fait que les habitants n’avaient pas forcément conscience de la gravité de la situation des communes. D’où l’idée de faire de la pédagogie, en plus de la journée de mobilisation du 19 septembre.

Patrick Masclet en compagnie du maire de Bavay, Alain Fréhaut.
Patrick Masclet en compagnie du maire de Bavay, Alain Fréhaut.

D.R.

Le 8 juillet, en vue de préparer la journée nationale d’action contre la baisse des dotations de l’Etat (le 19 septembre), l’Association des maires du Nord avait invité les élus des arrondissements de Sambre-Avesnois et du Valenciennois à une réunion dans la salle des fêtes de Bavay. Environ 50 à 60 élus avaient répondu à l’invitation.

En fin de réunion, après le diaporama technique, un constat a été fait : si les maires sont bien au fait de la situation financière de leurs communes vis-à-vis de l’Etat, des négociations en cours ou de l’impact des lois de finances à l’horizon 2017, il n’en va pas de même de leurs concitoyens qui n’imaginent même pas qu’un service rendu puisse disparaître…

La colère actuelle des maires est motivée aussi, on l’a compris, par l’hypocrisie d’un Etat qui laisse aux élus locaux le soin d’expliquer à la population les conséquences concrètes de ses décisions.

 Sensibiliser les habitants. Patrick Masclet, président de l’AMN, a répété une réflexion souvent entendue dans la bouche des habitants : «Bah ! vous allez vous débrouiller, comme d’habitude !» Sauf que ce n’est pas comme d’habitude, a-t-il dit, et qu’il y a urgence, en plus des négociations engagées avec l’Etat, à faire preuve de pédagogie. Des pistes ont été lancées ce soir-là : organiser un référendum ; profiter du 19 septembre, samedi des Journées du patrimoine, pour ouvrir les mairies et accueillir, avec l’écharpe tricolore, les habitants ; fermer la mairie une journée pour expliquer ses missions, ses services, sa gestion ; utiliser les cérémonies de vœux pour informer ; diffuser l’info dans les bulletins municipaux ; marquer médiatiquement son opposition vis-à-vis des transferts de compétences, comme l’a suggéré un maire ; harceler les services de l’Etat…

 Ignorance compréhensible. Le problème est là aussi : comment intéresser les habitants à ce débat a priori très «institutionnel», très «technique» ? Certes, dans les villes et villages, ils connaissent en général “leur” maire, mais ils ignorent l’histoire des institutions françaises depuis la Révolution française ou les coulisses de l’élaboration des budgets. Ils peuvent aussi légitimement se perdre en cherchant à comprendre l’organisation administrative française, complexe et contraignante, et ses multiples échelons qui ont morcelé compétences, charges et discours.

 Trouver les mots. Expliquer les contraintes qui pèsent sur une commune n’est pas simple. Combien d’habitants savent déjà que l’Etat participe au budget des communes (le fonctionnement et l’investissement) par le biais de ces dotations qui, en baissant, font craindre le pire aux maires à l’horizon 2017 ? Combien ont réalisé que les engagements de l’Etat vis-à-vis de l’Europe, qu’il soit de droite ou de gauche, obligent à réduire le déficit public et la dette publique et que cela a des répercussions en cascade sur tous les échelons inférieurs ? Les communes, pour leur part, ont vu fondre leur pouvoir d’investissement et leurs marges de manœuvre. Combien encore savent, même si nul n’est censé ignorer la loi, que 400 000 normes (chiffre donné par M. Masclet) sont à respecter, parfois absurdes, qui se traduisent par des obligations de travaux très coûteux (l’exemple de l’accueil des personnes à mobilité réduire) ? Et puis l’instauration des «nouveaux rythmes scolaires», décision politique de l’Etat, a aussi engendré un coût, non compensé, pour les communes…

 Lien social. Le problème n’est pas que financier. Au début des échanges, Patrick Masclet avait posé la seule question qui vaille aujourd’hui à ses yeux : «Veut-on encore des communes en France ?» Il a souligné cette injustice : «Oui, il faut redresser les finances de la France, réduire le déficit public, mais pourquoi tire-t-on sur nous ? On oublie totalement le rôle irremplaçable des villes et villages dans la cohésion sociale, l’attention aux plus faibles, la connaissance des besoins réels de la population.»

Il a été dit aussi, sur un autre plan, que le secteur du BTP avait aussi besoin des commandes publiques pour travailler, dont une bonne part vient des communes. Mais si l’Etat leur enlève des moyens…

 L’Etat se permet ce que les communes ne peuvent pas faire. Les évolutions législatives actuelles et les baisses des dotations font craindre aux maires, chiffres à l’appui, plusieurs scénarios catastrophes : impossibilités de boucler les budgets ; disparition de l’échelon communal au profit de l’échelon intercommunal ; suppression de services ; augmentation forte des impôts locaux…

Patrick Masclet a souligné aussi cette autre injustice : «Si l’Etat a laissé filer ses déficits et sa ‘dette souveraine’, elle-même instrument de gestion, les maires n’ont jamais eu d’autre choix (même s’il y a eu des dérives) que de se plier aux décisions de l’Etat et de gérer leur commune en bon père de famille.” Sous l’œil sévère, rappelons-le, de la préfecture et de la Chambre régionale des comptes.