Bulles de janvier

Alors que s'ouvre le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, petite sélection de BD parues depuis le début d'année.

Quelques planches de La Mécanique.
Quelques planches de La Mécanique.

La Mécanique


Ce volet inaugural d'une série prometteuse se déroule dans une mégalopole tentaculaire dans laquelle vont se croiser le destin de plusieurs personnages. D'abord Safir, fils du Mayor de Megalopolyon, qui n'a pas le droit de quitter leur immense appartement, mais s'échappe la nuit pour se livrer à des activités interdites. Son frère Pauli va disparaître sans laisser de traces et il faudra partir à sa recherche. Ailleurs, dans la ville, Vananka est un musicien clandestin qui gagne sa vie en allant jouer chez de riches habitants alors que la musique et les livres sont interdits par le régime. Takam et son chef Lynn sont membres d'une milice parcourant la ville tandis que les Feds éliminent les détenteurs de produits culturels interdits. A la mairie, le Mayor réunit les oligarques avec qui il partage le contrôle de la ville car la drogue sur laquelle le régime s'appuie pour assujettir la population fait l'objet d'une contrefaçon... La réussite de cet opus doit beaucoup aux dessins de Jef dont les décors soignés et oppressants confèrent à l'ensemble une atmosphère cinématographique. Un graphisme impressionnant parfaitement rythmé par le scénario de Kevan Stevens pour une plongée dans un univers futuriste séduisant. 

La Mécanique – En moi le chaos (Soleil). 

Le Grand monde


Ce premier opus d'une trilogie adaptée du roman éponyne de Pierre Lemaitre s'ouvre en mars 1948, à Beyrouth, alors que la famille Pelletier est réunie autour de Jean, le père qui est aussi le directeur de la savonnerie qui a consacré sa réussite professionnelle et sociale. Ce premier volet s'attache au destin des quatre enfants : Jean a renoncé à prendre la suite de son père ; François et Hélène s'installent à Paris ; tandis qu'Etienne va partir en Indochine... Familier de l'univers du romancier pour avoir déjà adapté Au revoir là-haut ou Miroir de nos peines, Christian de Metter permet au lecteur d'entrer aisément dans un récit riche en personnages et rebondissements. Chacun des enfants est parfaitement croqué dans sa vie personnelle, professionnelle et dans une époque qui, forcément, influe sur leurs choix de vie respectifs. Entremêlant chronique familiale et sociale, intrigue policière et plongée dans la France d'après-guerre, Christian de Metter confirme son art délicat de l'adaptation littéraire.

Rue de Sèvres.

Salvator Mundi


Auteurs d’un documentaire sur le sujet en 2021, les scénaristes Antoine Vitkine et Sébastien Borgeaud - Éric Liberge signe les dessins - prolongent ici leur enquête dans les dérives du marché de l’art et du monde des ultra-riches. Soit l’histoire de la peinture la plus chère du monde, le Salvator Mundi, présenté comme une œuvre autographe de Leonard de Vinci, exposée comme telle, vendue puis revendue un demi-milliard, certifiée authentique par des experts de Christie’s et quelques universitaires. Dans cette histoire truffée d’invraisemblables imbroglios se croisent des personnages hauts en couleurs : un oligarque russe, un prince arabe, un vieux marchand d’art new-yorkais, un homme d’affaire suisse retors, un joueur de poker corse, un distingué spécialiste anglais de la Renaissance, un président de la République française, un golden boy new yorkais… Soit l’histoire d’une gigantesque manipulation où le prix astronomique de cette peinture bouleverse le marché de l’art et la politique.

Salvator Mundi. La folle histoire du tableau le plus cher du monde (Futuropolis).

Terorisuto


Cette édifiante BD politique nous plonge à la fin des années 1960, alors que la jeunesse étudiante du monde entier est descendue dans la rue, révoltée par une société rétrograde. Le Japon se voit ainsi paralysé pendant des mois par des jeunes gens habités par l'idée d'une révolution marxiste. Mis en échec par un gouvernement inflexible, les plus radicaux se lancent alors dans une vague d'attentats meurtriers, portés par une spirale fanatique qui les emportera presque tous. Cependant, ce n'est pas au Japon que leurs actions marqueront le plus les esprits mais au Moyen-Orient, au soutien de la cause palestinienne. Le scénariste Frédéric Maffre signe un récit historique surprenant et documenté, retraçant le parcours de l’Armée rouge japonaise à travers la figure de Kozo Okamoto, un jeune homme sans éclat, sans vision et sans destin, mais acteur du terrorisme international de 1971 au début des années 2000. Le dessin au trait nerveux de François Ruiz nous plonge au cœur de l’action de ce maelstrom meurtrier. 

Glénat.

Havana Split


Polar jubilatoire, Havana Split se déroule à Cuba, en 1958, au moment où la revolución tonne. Le Général Batista minimise les «événements» auprès de ses amis américains pendant que Lily débarque pour quelques jours de vacances avant d'entrer à l'université. Elle y retrouve son père, détective fauché et accro au jeu notoire et qui vient de s'endetter auprès du boss des paris sportifs de l'île, Don Alfonso. Ce dernier lui propose un marché : si elle kidnappe la maîtresse de son rival, l'ardoise est effacée et son père lui revient vivant. Aidée de John, un ex de la CIA, et José, homme à tout faire à l'éthique douteuse, elle va s'embarquer dans une opération sans risques à en croire Alfonso. Jusqu'à ce que la CIA et la mafia locale s'invitent... Frédéric Brémaud (scénario) et Vic Macioci (dessins) composent une BD truculente et élégante, où l'humour s'insère dans une intrigue rythmée, portée par des personnages hauts en couleur. 

Havana Split - Bienvenue à Cuba (Dupuis).