Budget: les débats sens dessus dessous à l'Assemblée
Série de revers budgétaires pour le gouvernement vendredi, qui a vu son projet de loi de finances 2025 (PLF) largement alourdi ou amputé de pans entiers, parfois même à l'initiative de sa propre majorité relative...
Série de revers budgétaires pour le gouvernement vendredi, qui a vu son projet de loi de finances 2025 (PLF) largement alourdi ou amputé de pans entiers, parfois même à l'initiative de sa propre majorité relative à l'Assemblée, peu mobilisée, si ce n'est désabusée.
Point d'orgue d'une journée à rebondissement sur cette partie "recettes" du PLF : les soutiens du gouvernement ont voté avec le RN et les députés ciottistes pour supprimer l'article sur la surtaxe temporaire des grandes entreprises.
Le gouvernement de Michel Barnier, à la recherche de 60 milliards d'économies, espère pourtant en tirer huit milliards d'euros en 2025 et quatre milliards en 2026, sur environ "450" entreprises. Mais la gauche avait réussi via un amendement LFI à faire sensiblement monter les taux prévus.
"C'est plus une loi de finances mais une entreprise de démolition", a pointé Philippe Juvin (groupe Droite républicaine, ex-LR). L'amendement LFI aurait ponctionné "près de 13 milliards en plus de ce qui est fait (dans le texte initial)", a tancé le ministre du Budget Laurent Saint-Martin.
"Ce qui n'est pas sérieux, c'est demander au peuple de payer les cadeaux faits aux riches et aux multinationales depuis sept ans", a rétorqué Mathilde Panot, cheffe du groupe LFI. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a salué "une victoire idéologique de la gauche".
"M. Faure a raison", a déploré Charles Sitzenstuhl, député de l'aile droite du groupe macroniste EPR, estimant qu'un "piège fiscal se referme sur le gouvernement".
Suppressions à la chaîne
Si les troupes de l'exécutif ont globalement défendu la surtaxe, - "nous nous résignons à cette contribution" a précisé Véronique Louwagie (DR) -, les divergences ont été flagrantes sur l'électricité.
S'appuyant sur des amendements de suppression de la droite, du RN et des ciottistes, l'Assemblée a retoqué l'article autorisant le gouvernement à taxer l'électricité à un niveau supérieur à la période d'avant crise inflationniste, alors que Bercy veut ainsi mettre fin au bouclier tarifaire.
Autre grand huit : les députés ont fini par supprimer l'enveloppe de prélèvement de l'Etat dédiée à l'Union européenne (environ 23 milliards d'euros), après un coup réussi par le RN.
Le groupe de Marine Le Pen a arraché un amendement rabotant de 5 milliards d'euros ces crédits. Pris de court, le reste de l'Assemblée s'est divisé : la gauche et quelques centristes ont finalement fait rejeter l'article, tandis que les macronistes se sont pour la plupart abstenus.
Tout cela sur fond de polémique dans l'hémicycle, le RN accusant l'écologiste Sandrine Rousseau d'avoir fait un bras d'honneur. Celle-ci a reconnu avoir "entamé" le geste et présenté ses "excuses".
Les oppositions ont aussi supprimé d'autres articles, comme celui prévoyant une réforme du tarif préférentiel d'accès à l'électricité nucléaire, dit Arenh, qui disparaîtra fin 2025. Avec une confortable majorité face à une quarantaine de députés soutenant le gouvernement.
"Personne ne se sent respecté par le Premier ministre donc personne ne fait d'effort", constate un collaborateur parlementaire au groupe macroniste EPR. "C'est la perspective du 49.3 qui démotive les troupes", regrette un député membre de la coalition.
Calendrier embrumé
Les oppositions guettent aussi la célèbre arme constitutionnelle, conscients que l'exécutif a aussi d'autres pistes.
Avec 1932 amendements encore au programme, et un examen qui doit théoriquement s'achever samedi soir avant un vote solennel prévu mardi, l'Assemblée semble se diriger vers une impasse calendaire.
Le gouvernement pourrait recourir au 49.3 pour passer sans vote et réécrire le texte, mais aussi renvoyer la suite de l'examen à début novembre. Ce qui rapprocherait les débats d'une barre des 40 jours au terme desquels le texte passerait directement au Sénat.
Il pourrait aussi tenter d'aller au vote, un rejet pouvant également permettre d'envoyer la copie initiale au Sénat. "Je veux laisser le débat se poursuivre", a redit vendredi Michel Barnier.
Quant à Emmanuel Macron, il s'est publiquement agacé à l'Elysée des hausses d'impôts, et "qu'on règle les problèmes de déficit public en revenant totalement sur une cohérence de politique macroeconomique", dans une pique au gouvernement et sur fond de dégradation de la perspective française par l'agence de notation Moody's.
Le gouvernement a aussi connu un revers sur son budget de la Sécurité sociale, rejeté à l'unanimité en commission, avant d'arriver dans l'hémicycle lundi.
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