Bruno Le Maire, capitaine au long cours de Bercy, prêt à larguer les amarres
En sept ans, Bruno Le Maire a cherché à s'imposer comme l'incarnation du "paquebot" Bercy, pilotant l'économie française à travers les crises à coups d'aides massives, avant de devoir enclencher un...
En sept ans, Bruno Le Maire a cherché à s'imposer comme l'incarnation du "paquebot" Bercy, pilotant l'économie française à travers les crises à coups d'aides massives, avant de devoir enclencher un redressement des finances publiques, fortement dégradées.
A ceux qui lui prêtaient des ambitions de Premier ministre lors du remaniement en janvier, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique répétait à l'envi vouloir rester à Bercy. Pour mieux se positionner dans la course à l'Elysée en 2027, estimaient certains observateurs, un scénario que le numéro deux du gouvernement sortant n'exclut pas.
La défaite du camp présidentiel aux législatives a mis en sursis son parcours de grand argentier, jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement.
A Bercy depuis sept ans, Bruno Le Maire, 55 ans, déploie la politique de l'offre d'Emmanuel Macron avec un cap à droite assumé et un cortège de baisses d'impôts pour les entreprises comme les ménages.
Il fait du plein-emploi et de la réindustrialisation de la France des priorités, y voyant les conditions nécessaires d'une croissance durable.
Il veut faire de la France un pays de production plutôt que de consommation et défend les réformes contestées des retraites et de l'assurance-chômage, persuadé que celles-ci participent à l'attractivité de la France aux yeux des investisseurs étrangers.
Et alors que s'égrènent les 49.3 au Parlement, il parvient à faire voter sa loi sur l'industrie verte.
Déficit excessif
Dans le même temps, il cherche à convaincre de la vertu budgétaire française, appelant depuis la fin du "quoi qu'il en coûte" à redresser des comptes publics si fragilisés par les crises que la France a été épinglée par la Commission européenne pour déficit excessif et dégradée par l'agence de niotation S&P.
Après la reprise post-Covid, la croissance ralentit, le déficit public dérape (5,5% en 2023) et la dette explose (presque 3.160 milliards d'euros à fin mars, environ 111% du PIB). Des dizaines de milliards d'euros d'économies sont jugés nécessaires.
Mais avant de prôner la vertu budgétaire, ce partisan d'un Etat moins dispendieux a délié les cordons de la bourse pour atténuer les effets de l'inflation et du Covid sur les ménages et les entreprises.
Au crédit du ministre, Olivier Redoulès, directeur des études chez Rexecode, cite "la baisse massive des impôts de production", "la création d'un narratif autour de l'industrie et de la souveraineté" et "sa capacité à créer le dialogue" avec les partenaires sociaux. "Mais il n'a pas réussi à créer un consensus politique, y compris dans son camp, autour de l'objectif de consolidation des finances publiques", nuance-t-il auprès de l'AFP.
Il y a eu "des erreurs bien entendu, des choses qui n'ont pas été parfaites, mais j'ai toujours fait le mieux possible", a récemment reconnu Bruno Le Maire, tirant le bilan de son septennat et se disant prêt à tourner la page, sans dévoiler ses intentions futures.
S'il se désolidarise du choix d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale et qu'il n'est pas candidat aux législatives, le ministre se lance dans une bataille pour contrer le RN et LFI, l'un comme l'autre "un danger" pour la France, selon lui.
"Sept années de travail qui pourraient être foutues en l'air" s'ils arrivent au pouvoir, s'offusque ce gaulliste devant les patrons.
Record de longévité
Soutien du président dès sa victoire en 2017, Bruno Le Maire a vécu une renaissance politique à Bercy, après son échec cuisant à la primaire de la droite - un choc dans le parcours jusque-là sans accroc de ce brillant élève des beaux quartiers, normalien et énarque, qui fut directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon avant d'être élu député UMP en 2007.
Le transfuge bat le record de longévité à Bercy sous la Ve République. Valéry Giscard d'Estaing a fait mieux, mais de manière discontinue.
Défenseur déclaré du patriotisme économique, l'ex-secrétaire d'Etat aux Affaires européennes (2008-2009) et ministre de l'Agriculture (2009-2012) de François Fillon milite aussi à Bruxelles pour intensifier la coopération industrielle européenne face à la Chine et aux Etats-Unis.
Sur la scène internationale, il promeut la taxation des milliardaires.
Dans son entourage, on loue "un homme de conviction et d'intuition", "grand bosseur". Agrégé de lettres modernes, Bruno Le Maire, qui se considère autant écrivain qu'homme politique, a publié au moins six livres depuis 2017.
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