Boulogne et le Nord, plaque tournante des produits de la mer

Si le Salon de l’agriculture a accueilli les produits de la mer à partir de 1996, la filière régionale, qui avait son salon Profish à Boulogne-sur-Mer, n’a pas attendu longtemps pour exposer son savoir-faire dans la Capitale. Depuis 1997, le port de pêche et de nombreuses entreprises du Nord-Pas-de-Calais y dressent leurs étals.

Une grande part des 136 000 tonnes de saumon norvégien exporté en France – premier marché au monde – transite par le Pas-de-Calais, comme ici à Océan Délices.
Une grande part des 136 000 tonnes de saumon norvégien exporté en France – premier marché au monde – transite par le Pas-de-Calais, comme ici à Océan Délices.

En 2014, la filière boulonnaise profite de son exposition médiatique au Salon de l’agriculture pour présenter, le 27 février, le tout nouveau réseau d’entreprises qu’elle vient de constituer et qu’elle entend booster par la création d’un label «Made in (ou from) Boulogne». Capitale européenne des produits de la mer, Boulogne possède en effet une excellence collective qui s’appuie sur un maillage de quelque 150 PME ou TPE autour de poids lourds nationaux ou internationaux. A tous les maillons de la chaîne : du chalut du pêcheur à l’étal du poissonnier.

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La filière des produits de la mer à Boulogne s'appuie sur un réseau de PME innovantes.

Premier port de pêche français avec 33 000 tonnes de poisson débarquées en 2013, Boulogne est ravitaillé par trois flottilles autochtones. Le dernier armement hauturier – Euronor, racheté par UK Fisheries en 2011 – compte six chalutiers (quatre de pêche fraîche et deux congélateurs).

La Coopérative maritime étaploise, avec une cinquantaine d’unités − pour la plupart des chalutiers − contribue pour la moitié aux apports du port tandis que les fileyeurs côtiers assurent la diversité en espèces recherchées (sole, turbot, crustacés…). A ces trois flottes est progressivement venue s’ajouter, de septembre à avril, une cohorte de senneurs sous pavillon néerlandais ou britannique, écorés par les sociétés boulonnaises Unipêche ou Boulogne écorage. Pas toujours bien vus par les pêcheurs locaux, ils sont mieux accueillis par les mareyeurs qui apprécient cette marchandise supplémentaire (5 650 tonnes en 2013).

Néanmoins, tous ces apports ne représentent que 10% de la matière première valorisée à Capécure, le quartier dédié à l’activité halieutique. Les quais par lesquels arrive le poisson sont ceux de la gare de marée ou des entreprises de négoce et de transformation. Plus de 300 000 tonnes de produits de la mer arrivent par la route du nord (Norvège, Grande-Bretagne, Danemark), avant de repartir vers les pays consommateurs (l’Europe du Sud).

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Boulogne est le hub des produits de la mer, au carrefour entre les pays producteurs de l’Europe du Nord et les marchés de consommation de l’Europe du Sud.

Le mareyage. Il constitue ce qu’on appelle la première transformation. Le mareyeur, qui achète en criée, est celui qui fournit le poisson frais, entier, en pavé ou en filet, au poissonnier ou à la grande distribution. «A Boulogne, explique Joël Pichon, président du syndicat de la corporation, les grosses unités sont complémentaires avec des mareyeurs moyens qui traitent du volume, et les petits qui savent exploiter des niches. C’est la force du métier pour maintenir les prix sur une gamme importante, y compris quand il y a des variations de volumes importants. Son second atout réside dans sa réactivité et sa capacité à livrer n’importe quel produit frais − quelle que soit sa coupe − dans tous les magasins de France en moins de 24 heures.» Au total, 35 entreprises de mareyage et de filetage (qui traitent annuellement 115 000 tonnes de poisson frais) s’ajoutent à 45 entreprises de négoce où transitent 142 000 tonnes de frais et 78 000 de congelé. Cela représente environ 30% de l’activité française, que ce soit en tonnage, en valeur ou en effectif (1 850 salariés).

Deux grosses unités de mareyage ont consolidé leur ancrage à Boulogne, en s’implantant sur la zone maritime libérée par le sidérurgiste Comilog à l’entrée du port : en 2010, le groupe Intermarché-Scapêche-Capitaine Houat, et, en 2012, la multinationale Marine Harvest, leader mondial des produits de la mer.

La seconde transformation permet de ravitailler le marché en produits plus élaborés. Ainsi, la saurisserie-salaison boulonnaise, qui représente une part importante de la fumaison de poisson en France, s’appuie sur des procédés de fabrication ancestraux. Si le hareng a longtemps constitué la principale matière première, la production s’est diversifiée : saumon, flétan, maquereau (au poivre), églefin (le fameux «haddock»), sprat… Boulogne, où siège le syndicat national de la corporation, est riche en PME qui diffusent leurs spécialités sous leurs marques ou sous celles de la grande distribution : Corrue & Deseille, Bourgain Fils, Fournier-Accary, JC David, Cuisine d’Art’Rôme, Delpierre.

A Haliocap, la seule pépinière d’entreprises en France entièrement dédiée aux produits aquatiques, un petit nouveau s’est ajouté en 2013 : Boucan’Or  produit du machoiran blanc mariné, boucané et surgelé – l’une des principales espèces pêchées par les Guyanais. Le boucanage est un procédé traditionnel de conservation des aliments en jungle, encore très répandu dans les départements d’outre-mer.

 L’industrie du poisson. Si le port de Boulogne possède une tradition de conserveries de poisson, il a bien failli perdre le dernier fleuron de cette industrie. Mais, grâce à l’aide des collectivités territoriales, Delpierre mer & tradition a su éviter la fermeture et développer une stratégie de redressement. Bon an mal an,  DMT utilise 10 000 tonnes de poisson pour remplir plus de 50 millions de boîtes. Si elle reste fidèle aux produits traditionnels qui ont fait sa réputation (hareng pilchard, colin au naturel, sardine), elle a aussi une grosse production de filets de maquereau et de saumon, de salades pique-nique à base de thon, surimi ou hareng, de tartinables rillettes et de plats cuisinés, chauds ou froids.

Touché par le scandale de la viande de cheval, alors qu’elle s’était surtout fait connaître dans l’Hexagone avec ses bâtonnets de poisson pané pour enfants, Findus fait campagne sur le «Made in Boulogne» en accolant ce sticker sur dix millions de ses boîtes de Croustibat. Ses affiches montrent des salariés en ciré jaune, posant devant une rangée de chalutiers à quai, très fiers d’affirmer : «100% de nos poissons panés sont transformés dans notre usine de Boulogne-sur-Mer». Parallèlement, Findus a annoncé un investissement de 12 M€ dans son usine pour renforcer ses capacités de production. En 2015, la totalité de la production «poisson» − y compris les tranches nature ou les poissons en sauce − sera concentrée à Boulogne. Là se trouve un centre d’excellence industrielle, sur une surface couverte d’un hectare : cinq lignes de fabrication mobilisent un effectif total de 200 salariés pour une production de 22 000 tonnes en 2013.

Boulogne compte d’autres acteurs du poisson surgelé comme Gelmer (à Wimille) ou Jacques Maes, mais aussi trois unités de cuisson de crevettes de Madagascar, de gambas ou de langoustines : Unima frais, Capécrus (Crusta’C) et Sofranor  (Krustanor).

La seconde transformation, c’est aussi la confection de plats cuisinés frais comme le rôti de saumon farci d’Océan délices, les soupes de poisson de Pérard (Régals du Touquet), les sushis de Traiteur côté mer ou les charcuteries des Entrées de la mer.

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Une grande part des 136 000 tonnes de saumon norvégien exporté en France – premier marché au monde – transite par le Pas-de-Calais, comme ici à Océan délices.

100% du poisson désormais se valorise. Têtes, peaux, arêtes et cartilages sont transformés à Boulogne par des sociétés très innovantes en produits destinés à la cosmétique, à l’aquaculture, à la nutrition animale, à l’industrie agroalimentaire (arômes, ingrédients fonctionnels, compléments alimentaires) ou à la santé humaine. C’est la troisième transformation. En se consacrant à ce que d’autres délaissaient, François Meurice a créé Valofish en 2007. Il fournit des fabricants de soupes, de terrines de collagène ou de gélatines. De même, Copalis, l’ex-Coopérative de traitement des produits de la pêche qui a longtemps transformé en farines quelque 36 000 tonnes par an de coproduits de poisson, s’inspire aujourd’hui des richesses de la mer pour développer des bioactifs marins de plus en plus recherchés, avec l’aide du pôle de compétitivité Aquimer. «Valoriser ce qui était considéré comme un déchet est notre mission historique, explique son directeur, Philippe Costenoble. Aujourd’hui, cette valorisation, intégralement réalisée sur le port, est de plus en plus précise, la valeur ajoutée que nous apportons de plus en plus en plus forte, et 70% de nos produits secs partent à l’exportation. Pour accroître notre production sur le marché de la nutrition humaine, nous investissons 11 M€ dans la construction d’un nouvel atelier.»

 Un maillage également régional. Toute l’activité «produits de la mer» n’est pas concentrée autour du premier port de pêche français. Sur le littoral, le Dunkerquois abrite la ferme aquacole Aquanord (bar, dorade) et sa filiale l’Ecloserie marine de Gravelines, mais aussi le fabricant de plats cuisinés Appéti’marine qui appartient à Marine Harvest. A Calais, Fournier maintient la tradition de la salaison. A Berck-sur-Mer, le groupe agroalimentaire «Alliance élaborés» fabrique des frais et surgelés dans son unité La Dieppoise. Mais la région possède d’autres pépites à l’intérieur des terres : dans le bassin minier lensois avec Simon-Dutriaux, qui fume et marine du poisson depuis 1886, dans l’Arrageois avec Fishcut du groupe norvégien Leroÿ, ou au cœur du Valenciennois avec le mareyeur Martin import export. Le Nord-Pas-de-Calais vit aussi au rythme des marées !