Gazettescope
Bienvenue dans la 4e Dimension budgétaire
Quel est ce nombre de 44 850 € qui nous est commun à toutes et à tous ? Et qui d’ailleurs continue de croître à l’heure où ces lignes sont écrites ? La Gazette Moselle se penche sur la question.
Avouons-le-nous. En cette période d’avant Noël, chacun verrait comme un cadeau tombé du ciel un virement de 44 850 € sur son compte bancaire. Imaginons, que ces 44 850 € vous ait été prêtés par un tiers ou lors de la contraction d’un crédit. Il nous paraît inconcevable de ne jamais le rembourser. Allons plus loin encore. Prétendons que cette même somme est en fait un découvert infini qui vous aurait été accordé par tel ou tel établissement. Là, il faut un peu plus se pincer pour être certain de ne pas rêver. Tout cela tient assurément d’un film de science-fiction aux accents économiques. Et pourtant, cet individu, perclus de dettes, qui continue ses dépenses sans compter, existe bien. Il est en effet chacun d’entre nous. Là, nous vous voyons froncer les sourcils, l’air dubitatif. Explications.
Un lourd héritage
Nous sommes les héritiers d’une dette publique abyssale que la France entretient et fait grossir d’année en année. Notre pays défie en effet les lois de l’économie et de la finance. Cette dette publique était de 20 % du PIB en 1980, 58 % en 2000, 85 % en 2010 et 112 % en 2022. À la fin de ce premier semestre, elle atteignait 3 050 milliards d’euros, soit ces fameux 44 850 € par Français, alors que la salaire annuel est de 39 300 €. Comme un fait irrationnel, la France a réagi à toutes les crises qui se sont succédé depuis le krach de 2008 par une flambée des dépenses publiques. Dans le même temps, la croissance moyenne a chuté de 3,7 % dans les années 1970 à 0,2 % depuis 2010. Le chômage de masse s’est installé, ne revenant jamais en dessous des 7 % des actifs. Malgré cela, la dette française n’a jamais été attaquée par les marchés, contrairement à la Grèce en 2009, l’Italie en 2011, le Royaume-Uni en 2022. Ce scénario abracadabrantesque peut-il perdurer ? Chaque jour qui passe, voyant la dette publique hexagonale gonfler, est un héritage peu enviable laissé aux générations futures. Certes, il y a toujours pire que soi. Ainsi, le Japon, fait exploser tous les compteurs avec une dette publique à 264 % de son PIB en 2022. Et cela sans dommage apparent : un pays n'est en risque que si le financement de sa dette dépend d'investisseurs étrangers. Or, au Japon, la dette est financée quasi intégralement par les investisseurs nationaux et la banque centrale fait ce qu'il faut pour maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas qui rend le service de la dette tout à fait supportable.
De Charybde en Scylla
Pour notre situation française, la donne n’est pas la même. D'après les données de la Banque de France, plus de la moitié (51,4 %) des titres de dette négociable émis par l'État sont dans les mains de prêteurs étrangers, européens pour plus des deux tiers d'entre eux. Pour rendre supportable une telle dette lourde en pourcentage du PIB, il n’y a pas d’autres solutions que de chercher toujours la croissance la plus forte possible pour se recréer des marges de manœuvre. À une époque où on s'interroge sur les conséquences pour l'environnement, d'une telle course à la croissance au niveau mondial, il faudrait peut-être songer à éviter de se mettre dans des situations où l'arrêt de la croissance aurait des conséquences économiques et sociales dramatiques. Sans même évoquer la possibilité d'une éventuelle décroissance… Plus on est endetté, plus il est difficile d'envisager des politiques alternatives. C’est valable pour Monsieur et Madame Tout le monde, comme pour un État. 44 850 €. Ça fait cher le cadeau de Noël à mettre au pied du sapin tout de même… Celui-ci est bien encombrant et peu agréable. Dernier élément de ce billet économique, le budget national. Il a été en équilibre pour la dernière fois… en 1975. Depuis les déficits se sont succédé. Pour paraphraser, feu Pierre Desproges : étonnant, non ?