Gazettescope
Bien payé ? Motivé ?
Aspiration au bien-être, quête de sens, gestion du stress : voilà trois terminologies qui orientent actuellement les stratégies du management d’entreprise. À l’heure où les exigences sociétales se font croissantes dans le monde du travail, la seule motivation relative au salaire serait donc en déclin ? La vérité est ailleurs, plus nuancée. La Gazettescope décrypte des codes qui changent dans le milieu professionnel.
On parle souvent des nouvelles attentes des salariés : davantage de sens au travail, des missions intéressantes ou encore la possibilité de se former en continu pour développer ses compétences. Si la période Covid-19 n’a rien inventé en la matière, elle a assurément fait bouger les lignes, accéléré des processus, amené à changer de paradigme, à réfléchir autrement. On pense ici au recrutement, sorti chamboulé de la pandémie. En Moselle, comme ailleurs, les spécialistes de ces questions convergent : les gens et les process évoluent ?
Le salaire, facteur numéro un de motivation
Pour autant, derrière des aspirations très sociétales, les salariés de 2023 placeraient donc la question du salaire au second plan ? Prenons garde de ne pas tirer de plans sur la comète en la matière. Pour la moitié des salariés français, en effet, le salaire est le principal facteur de motivation au travail. Une donnée plus affirmée chez les hommes que chez les femmes, 56 % contre 44 %. L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est le second levier de motivation, avant les relations entre collègues. En étant très pragmatique, on se rend bien compte qu’au-delà des évolutions de certaines attentes, l’argent que l’on reçoit à la fin du mois en échange du travail accompli revêt une importance capitale pour une large majorité de salariés : il permet de payer ses traites et de satisfaire des besoins matériels et de consommation. Conséquence directe : la négociation du salaire à l’embauche est devenue plus exigeante. En particulier pour les postes de cadres en forte tension. Face à des candidats et candidates en position de force, les recruteurs doivent s’adapter.
Les femmes plus timorées dans la négociation...
Une étude de l’Apec sur le sujet révèle des observations très parlantes. Lors des entretiens de recrutement avec un potentiel employeur, 6 cadres sur 10 cherchent à négocier leur salaire. Par ailleurs, plus d’un tiers d'entre eux essaient d’obtenir d’autres avantages, financiers ou en nature. Les femmes cadres saisissent un peu moins souvent l’opportunité de négocier que leurs homologues masculins. Elles sont notamment beaucoup plus nombreuses que les hommes cadres à penser que leur profil ne présente pas les atouts suffisants pour être en position de force. Face à une pénurie de candidatures, en adéquation avec leurs besoins, les recruteurs sont disposés à revoir le salaire. Près de 7 cadres sur 10 ayant négocié obtiennent le salaire demandé ou un salaire supérieur. Leurs arguments : leur expérience professionnelle ou leur ancienneté dans le métier, l’expertise qu’ils pourraient apporter, leur salaire antérieur. Lors du processus de recrutement, 9 entreprises sur 10 abordent en premier le sujet en demandant aux candidats leurs prétentions salariales et/ou leur salaire précédent ou actuel pour les cadres en poste. En réalité, la véritable négociation se déroule en général après les premiers entretiens. Seul 1 cadre sur 10 aborde directement la question en début d’entretien.
Afficher la rémunération dans l'offre d'emploi
Afficher le salaire dans l’offre d’emploi est un atout pour l’entreprise : en 2022, le salaire était stipulé dans 53 % des offres Apec. Ces offres ont reçu en moyenne 40 % de candidatures en plus par rapport à celles qui ne mentionnaient aucune rémunération. Cependant, attention au tropisme. Un dirigeant aurait tort de croire que le seul salaire suffit à entretenir la motivation de son collaborateur. D’ailleurs, qu’est-ce que la motivation ? C’est la globalité des éléments permettant à un employé d’avoir un comportement performant et efficace au sein de l’entreprise, grâce à sa volonté et son engagement. En faisant un raccourci trop rapide entre salaire et implication, on oublie une notion primordiale qui est celle de la reconnaissance, laquelle se traduit par la confiance confiée pour une tâche, les contributions à certaines missions, l’acquisition de nouvelles compétences, le degré d’autonomie, la capacité à décider. Zwi Segal, expert en psychologie du travail, déclarait dans son ouvrage, «la motivation, une compétence qui se développe», notait «croire qu’une augmentation salariale ou une prime va motiver un salarié à long terme est une erreur. L’effet d’une augmentation salariale sur la motivation ne dure que deux à trois semaines.» C’est donc une subtile alchimie que doit trouver le chef d’entreprise pour entretenir la flamme… Du côté du salarié, l'engagement, la loyauté, le respect de son entreprise sont des codes immuables, des valeurs pérennes. Qu'il ne faudrait pas minorer, voire brocarder sous prétexte d'effets modes wokistes et autres «droit à la paresse». Après tout, le travail est l'une des dignités de la femme et de l'homme. Il leur permet un épanouissement, de se mouvoir, d'évoluer dans la sphère sociétale. Un bien précieux. Et si le véritable challenge était, non pas seulement de penser autrement le travail, mais de mieux le valoriser, de mieux le considérer, de ne plus le voir comme une charge, de l'aimer, dirions-nous ? Après tout, mériter son salaire, quoi de plus normal ?