Biden, ou la conviction de pouvoir toujours "se relever"
"Quand on te met à terre, tu te relèves!" Cette phrase, prononcée au lendemain d'un débat calamiteux face à Donald Trump, dit tout de Joe Biden, président aussi optimiste qu'obstiné...
"Quand on te met à terre, tu te relèves!" Cette phrase, prononcée au lendemain d'un débat calamiteux face à Donald Trump, dit tout de Joe Biden, président aussi optimiste qu'obstiné, qui voulait "sauver l'âme" de l'Amérique.
Ce catholique fervent avait dit que seul Dieu pourrait le convaincre de se retirer de la Maison Blanche.
Le démocrate de 81 ans a finalement rendu les armes face au seul adversaire qu'il ne pouvait faire reculer, l'âge. "Je pense qu'il est dans l'intérêt de mon parti et du pays que je me retire et que je me concentre uniquement sur l'exercice de mes fonctions de président jusqu'à la fin de mon mandat", a déclaré le président américain.
L'image est cruelle au soir de cinquante années de vie politique mais il avait fini par ressembler, pour son parti, l'Amérique et le monde, à ce vieux parent auquel il faut retirer les clefs de la voiture.
Joe Biden, né dans la ville ouvrière de Scranton, en Pennsylvanie, s'est battu contre l'humiliation dès l'enfance. Moqué pour son bégaiement, il s'en débarrasse en récitant de la poésie.
"Ne te prosterne jamais, ne plie jamais, ne cède jamais", lui répète sa mère, fière descendante d'immigrés irlandais.
Dignité
Son père, entrepreneur, lui fait comprendre la soif de "dignité" des classes moyennes et la sourde inquiétude face aux fins de mois difficiles.
Joe Biden se lance en politique pendant la guerre du Vietnam. Ce conflit marque douloureusement toute une génération mais ne laisse guère de traces sur lui.
Etudiant en droit, il obtient des dérogations et échappe aux combats. Fondamentalement centriste, préférant les vestons aux imprimés psychédéliques, il jette un regard méprisant sur les manifestations pacifistes.
Bien des années plus tard, ce grand soutien d'Israël appellera sans états d'âme au retour à "l'ordre" face aux mobilisations pro-palestiniennes sur certains campus américains.
En 1972, à 30 ans, le grand jeune homme au large sourire est élu sénateur.
Peu après, sa femme Neilia meurt dans un accident de voiture avec leur fille encore bébé. Le nouveau sénateur prête serment près du lit d'hôpital de ses deux garçons survivants, Beau et Hunter.
L’Amérique se souviendra de cette douloureuse image en 2015, lorsque Joe Biden, ravagé de chagrin, enterrera son aîné chéri Beau, mort d'un cancer.
Face aux épreuves de la vie comme aux revers politiques, il montre toujours une résilience peu commune.
"Un jour, le souvenir (de l'être cher disparu) amènera un sourire à vos lèvres avant d'amener une larme à vos yeux", voilà ce qu'il dira, une fois élu président, aux familles endeuillées qu'il rencontre.
46ème président
Le démocrate puise de la force auprès de Jill Biden, sa seconde épouse et mère de sa fille Ashley. Cette professeure d'université, première First Lady à exercer une activité professionnelle, est le pilier de leur famille recomposée.
En 2024, c'est elle que l'on voit au tribunal lorsque le fils cadet de Joe Biden, Hunter, ancien accro au crack, est jugé pour détention illégale d'arme.
Sénateur pendant 36 ans, vice-président pendant huit ans, Joe Biden a toujours voulu la Maison Blanche. Tant pis si à Washington, beaucoup le jugent sympathique mais trop gaffeur et sans envergure.
En 1988, il se lance mais doit se retirer à cause d'accusations de plagiat. En 2008, nouvel échec, Barack Obama est élu, mais il l'appelle à ses côtés comme vice-président.
En 2017, Joe Biden, ébranlé par la montée du racisme et de la violence politique, décide de se présenter pour "sauver l'âme" de l'Amérique face à Donald Trump. Après une campagne en mode mineur pour cause de Covid-19, il gagne.
Le 46ème président des Etats-Unis, qui a fait de Kamala Harris la première femme, et la première Afro-américaine, vice-présidente, lance un programme de vaccination, relance l'économie, renoue des alliances internationales.
Mais à l'été 2021, le relatif état de grâce s'achève avec le chaotique retrait d'Afghanistan. S'en suit une poussée historique d'inflation, dont Joe Biden tarde à prendre la mesure.
Finir le travail
Sa cote de confiance décroche, pour de bon. Il a beau mettre en place des réformes majeures, orchestrer la réponse occidentale après l'invasion russe de l'Ukraine, limiter les dégâts aux législatives de 2022...
Rien n'y fait. Alors que Donald Trump martèle une rhétorique du déclin, le pays ne croit plus à la promesse de prospérité et de réconciliation de Joe Biden.
A 78 ans, le milliardaire républicain est lui-même âgé, il digresse de manière incohérente. Il est multi-inculpé et même condamné au pénal, du jamais vu pour un ancien président.
Mais il projette une impression de force, de brutalité même, contrastant avec la fragilité de Joe Biden, son élocution plus laborieuse et sa démarche trop raide.
Le président américain veut pourtant "finir le travail" et annonce sa candidature à un second mandat en avril 2023. Oubliée, la promesse faite pendant sa campagne de 2020: celle d'être "un pont" vers une nouvelle génération de dirigeants.
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