Benoît Cousin : «Une solution d’avenir pour les entreprises agricoles»

La méthanisation, une voie d’avenir pour les agriculteurs ? Benoît Cousin, exploitant agricole à Bonnières dans la région de Frévent, en est persuadé. Il travaille sur la création de sa propre unité depuis 2006 et son projet devrait être opérationnel dès le mois de décembre 2012.

Une fois achevé, l’impressionnant ouvrage sera enterré. Seuls les toits des deux cuves seront apparents.
Une fois achevé, l’impressionnant ouvrage sera enterré. Seuls les toits des deux cuves seront apparents.
D.R.

Homme de défi, Benoît Cousin a relevé un challenge de taille en créant sa propre unité de méthanisation.

Issu d’une famille d’agriculteurs, Benoît Cousin exerce cette profession depuis 1990. D’abord salarié dans le Gard, il est ensuite revenu sur ses terres natales pour s’installer à son compte sur la commune de Bonnières. Spécialisé dans l’élevage, il dispose d’une exploitation qui s’étend sur 110 hectares.  Eleveur, l’homme a su structurer notamment son poulailler, passant d’une surface de 400 à 2 900 m².

L’envolée des tarifs de l’énergie et des prix des céréales l’ont incité  à rechercher des solutions pour amortir le manque à gagner. «Le chauffage des bâtiments consacrés à l’élevage engendre une dépense annuelle de 40 000 euros. J’ai isolé davantage mes bâtiments mais ça ne suffisait pas. Depuis 1996, j’ai découvert la méthanisation et j’ai toujours estimé qu’il s’agissait d’un procédé d’avenir. Ayant la fibre écologique, je n’ai jamais cessé de me documenter sur le sujet et, en 2006, je me suis lancé dans une grande réflexion avant de contacter l’Ademe l’année suivante avec la ferme intention de mener à bien mon idée d’implantation d’une unité de méthanisation par voie liquide», explique l’intéressé.

Un parcours de six années. Il est le premier dans le département du Pas-de-Calais à s’être engagé dans cette aventure. En France, une cinquantaine d’agriculteurs ont daigné sauter le pas à ce jour. Bref, Benoît Cousin appartient à la catégorie des visionnaires, des pionniers.

Demande d’études préalables, dépôt des dossiers de subvention, permis de construire…, les démarches administratives ont été longues et fastidieuses, mais, tenace, Benoît Cousin n’a jamais cédé au découragement. Il aura même fallu créer une société sous le statut de la SARL, que Benoît a dénommé C. Bioénergies.

Le projet porte sur un investissement de 1 167 000 euros et il a reçu le soutien des fonds Feder et PPE. Il s’agit d’un équipement fonctionnant en cogénération avec un moteur de 150 kW, susceptible de produire deux énergies, comme le précise Benoît Cousin : «Par le biais du phénomène de méthanisation, une turbine est actionnée 24 heures sur 24 et 365 jours par an et génère du courant électrique. La seconde source d’énergie est thermique et elle peut être utilisée pour chauffer le poulailler comme l’habitation

Un pari audacieux.

D.R.

Une fois achevé, l’impressionnant ouvrage sera enterré. Seuls les toits des deux cuves seront apparents.

La phase d’étude achevée, notre homme a lancé les divers appels d’offres afin de trouver les entreprises idoines. Finalement les premiers coups de pioche ont été donnés en mai dernier. Les mauvaises conditions climatiques et notamment les pluies diluviennes n’ont pas facilité les choses. Les entreprises se sont adaptées et, à ce jour, le chantier est bien avancé.  On devine ainsi les deux énormes cuves de béton qui mesurent chacune 6 mètres de hauteur. Les deux bassins sont en large part enterrés et il aura fallu extraire près de 8 000 m3 de terre.

Le premier de ces cylindres en béton, doté d’un diamètre de 18 mètres, s’appelle le digester. «Il remplit la fonction d’une panse de vache. On y stocke la matière organique. Après six mois, cette matière prend le chemin du bassin d’à côté qui se nomme le digestat. C’est une matière noble, libérée de tout germe et de la mauvaise graine. Ce digestat peut être ensuite épandu», souligne Benoît Cousin.

Cette véritable usine souterraine  possède une capacité de traitement de 5 500 tonnes déchets à l’année. Or, l’exploitation n’en produit qu’environ 750 tonnes. Il a fallu ainsi trouver des fournisseurs. «J’ai beaucoup prospecté et j’ai d’ailleurs effectué une étude de gisement, visant à recenser les industries du territoire pouvant se montrer intéressées par mes services. J’ai également contacté des collègues mais aussi des collectivités. J’ai, par exemple, installé dans de multiples déchetteries des collecteurs d’huiles alimentaires», indique Benoît Cousin.

La seconde interrogation a été la gestion du digestat. En effet, notre éleveur s’est mis en quête de débouchés pour épandre cette matière. «Je me suis associé avec d’autres agriculteurs pour pouvoir bénéficier de la surface nécessaire puisque les 110 hectares que je cultive n’étaient pas suffisants. Nous avons passé des contrats.»

La mise en service de l’unité de méthanisation de M. Cousin devrait intervenir en décembre de cette année. Ce dernier est impatient et son souhait reste avant tout d’ouvrir une brèche, en montrant que ce type d’installation peut être viable dans une exploitation agricole telle que la sienne.