Baux commerciaux : la condamnation des clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse

Dans les baux commerciaux, les investisseurs exigent souvent que la clause d’indexation ne joue qu’à la hausse, alors même que la validité d’une telle clause a toujours été douteuse. La loi Pinel n’apporte rien sur la question, mais la position de la jurisprudence se précise.

Baux commerciaux : la condamnation des clauses d’indexation ne jouant qu’à la hausse

La cour de Paris a condamné le 2 juillet 2014 une clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse. Cet arrêt mérite d’être remarqué, car les décisions déjà rendues par la Cour de cassation présentent peu d’intérêt. Elles sont contradictoires et anciennes. Les décisions récentes n’émanent que de cours d’appel. Certaines cours ont admis cette clause (Douai en 2010, Aix en 2013, Paris en avril 2013). Mais la question de la validité n’est abordée qu’incidemment, et sans débat exhaustif. La validation de la clause qu’elles ont opérée n’a donc rien de décisif. L’arrêt que la cour de Paris a rendu le 2 juillet 2014 a, lui, le mérite de recentrer le débat sur les règles de base en matière d’indexation. Il est le second par lequel la cour de Paris condamne, sur une brève période, la clause ici envisagée ; en effet, la même condamnation résultait déjà d’un arrêt du 12 juin 2013 (la solution inverse n’ayant été affirmée par la cour de Paris que de manière éphémère).

Les fondements de la condamnation. Deux articles de loi ont pu être invoqués. Le premier est l’article L.145-39 du Code de commerce. Il énonce que lorsque, par le jeu de la clause d’indexation, le loyer a augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au loyer d’origine, le juge peut être saisi d’une demande de “révision” pour fixer le loyer à la valeur locative (et cela à l’initiative de l’une ou l’autre des parties). La clause examinée, qui exclut que le loyer diminue, serait contraire à cette règle d’ordre public. En réalité, l’article précité n’a pas pour objet de régir la validité des clauses d’indexation. Mais il est remarquable qu’il envisage, comme une évidence, le fait que par le jeu de la clause, le loyer peut augmenter ou diminuer. L’autre article invoqué est l’article L.112-1 du Code monétaire et financier, en son alinéa 2, qui condamne la clause prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. En neutralisant la révision de l’année N+1 à raison de la baisse de l’indice, la clause organiserait, lors de l’année N+2, une révision sur un an en comparant des indices que deux années séparent. Cette critique n’est guère convaincante. En neutralisant la révision de l’année N+1, la clause réserve en effet, pour l’année N+2 une révision portant sur deux années ; la période de variation de l’indice n’est dès lors pas supérieure à la durée s’étant écoulée entre les deux révisions. En vérité, le fondement essentiel de la condamnation n’est pas d’ordre textuel : aucun texte ne condamne expressément cette clause. Mais le principe posé par l’article L.112-1 alinéa 1er est l’interdiction de l’indexation. Les indexations permises, que la loi définit, ne sont que des exceptions, lesquelles sont d’interprétation stricte. Or, tout le dispositif vise à limiter l’effet inflationniste de l’indexation. Comment admettre dès lors une prétendue indexation qui prend en compte la hausse de l’indice, mais non sa baisse ? L’évolution du loyer par rapport à l’indice est, dans ce cas, délibérément faussée. L’indexation consiste à faire dépendre le prix de l’évolution d’un indice ; elle joue dès lors nécessairement dans les deux sens.

Quelles conséquences ? Quel que soit le caractère approximatif – on l’a vu – du recours aux textes (art. L.145-39 C. co. et L.112-1 alinéa 2 C. mon. et fin.), il faut néanmoins y chercher la sanction de la clause condamnée. Ils fournissent, en effet, les seuls éléments disponibles. Or le juge ne peut refuser de juger au motif du silence ou de l’insuffisance de la loi (art.4 C. civ.). La sanction prévue par ces textes, c’est que la clause irrégulière est réputée non écrite. A la différence de la nullité, la “réputation non écrite” ne se prescrit pas. Le locataire qui découvre ce grief dans son bail peut donc l’invoquer sans limitation de délai. Plus encore, si la clause, telle qu’elle est rédigée, est indivisible, dès lors qu’elle est éradiquée du contrat, elle ne peut jouer ni à la baisse ni à la hausse. C’est ce que la cour de Paris a jugé dans son arrêt du 2 juillet 2014. Le locataire peut donc réclamer le montant des majorations qu’il a payées à tort dans le passé. Censée protéger le bailleur, cette clause est au final catastrophique pour lui…

D.R.Bernard-Henri DUMORTIER,
docteur en droit, avocat au barreau de Lille
(bh.dumortier@tbd-avocats.fr)