Site industriel - patrimoine
Bataville, l'histoire ouvrière qu'il ne faut pas oublier...
Ce samedi 25 juin, le département de la Moselle propose un temps d’échanges et de rencontres gratuit dans le cadre de l’exposition «Pas un pas sans Bata», au centre des archives industrielles et techniques de la Moselle, à Saint-Avold. Retour sur une saga unique et son impérieux devoir de mémoire.
C’était il y a 91 ans. Finalement rien sur l’immense échelle du temps. À Moussey, dans le Pays de Sarrebourg, sur cette parcelle de Moselle, où n’existait alors aucune culture ni industrielle ni syndicale, fut édifiée la ville nouvelle de Bataville. Incroyable histoire devenue réalité de la volonté d’un homme. En 1931, Tomas Bata donna corps à son utopie. Le cordonnier tchèque venu en Lorraine avant la guerre imagina un «monde idéal et harmonieux», dans lequel le site de production irait de pair avec toutes les installations nécessaires à l’épanouissement des ouvriers ; logements, écoles, églises, magasins, centres d’apprentissage, complexe sportif de haut niveau, lieux de détente et de divertissement, salle de spectacle, cinéma, vie sportive - avec une équipe de football qui fut parmi les meilleures de Lorraine -. Tout avait été pensé et réalisé par Tomas Bata pour accompagner le salarié de l’entreprise de sa naissance à sa mort. Il y avait derrière cette vision humaniste et paternaliste une réalité économique : il s’agissait de fabriquer les chaussures Bata au coût le plus faible et de donner aux ouvriers l'opportunité d'être exclusivement concentrés sur leur travail, sans perturbations matérielles extérieures.
Autrefois, la cité ouvrière. © : JP Jesson.
Durant six décennies, Bataville a été un modèle de succès industriel et collectif. À son meilleur, l'usine Bata employait plus de 2 500 personnes. Plus de 3,4 millions de paires de chaussures étaient produites tous les ans. Centre névralgique du projet de Tomas Bata, la commune de Moussey comptait à peine 300 habitants avant l’implantation de l’usine. De 1931 à 1936, elle passa d’une population de 262 à 1 109 (encore plus de 1 000 en 1968). Mais, le déclin s’enclencha, inéluctable. À la fin des années 1990, alors que la production était en berne, un plan social vit la suppression de plus d’un quart des effectifs, 800 salariés. Le dépôt de bilan arriva un peu plus tard, créant un choc pour des milliers de famille et le bassin de vie. Une catastrophe humaine et économique. Durant 70 ans, 14 milliards de paires de chaussures seront ainsi sorties des chaînes de l’usine Bata, dans cet atmosphère d’osmose et d'émulation La fermeture définitive de l’entreprise fut actée en 2001. La fin d’une époque et d’une belle page de l’histoire ouvrière lorraine. Bataville, hier grouillante de monde, a aujourd’hui des allures de ville fantôme. Les anciens bâtiments, vidés de leurs machines, sont aujourd’hui occupés par quelques entreprises et associations. On parle ci-et-là de projets ou d'autres... 2014 constitue une date importante : la cantine et le bâtiment d’usine ont été classés au titre de Monuments Historiques. Depuis, le périmètre de protection a été étendu à l’ensemble de l’ancienne cité, labellisée Patrimoine du XXe siècle.
Le passé, comme figé dans le présent. © : Carine Claude.
Transmettre...
Les années à venir verront le centenaire de la création de cité de Bataville. Il ne faut pas oublier cette aventure unique, tant industrielle qu’humaine. On appelle cela le devoir de mémoire. Transmettre le sens de l’histoire, les traces et leçons du passé aux générations présentes et futures : un défi du quotidien. Ce samedi 25 juin, à 15 h, le département de la Moselle propose une conférence-discussion gratuite dans le cadre de l’exposition «Pas un pas sans Bata» au Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle, à Saint-Avold. La conférence est organisée en partenariat avec l’Université de Lorraine et les Archives Henri-Poincaré Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies. Dans le cadre d’un programme Contrat de Plan État Région, des chercheurs de l’Université de Lorraine ont travaillé pendant cinq ans sur la ville-usine de Bataville et viennent rendre compte de leurs travaux : Martine Paindorge, Maître de Conférences, Histoire des disciplines technologiques évoquera «la formation à Hellocourt». Brice Monier, Maître de Conférences, Histoire du sport reviendra sur «le dispositif sportif batavillois». La discussion se poursuivra avec deux anciens salariés de Bata et des habitants de la cité-usine. À l’issue, une visite du magasin d’archives et de l’exposition «Pas un pas sans Bata» sera possible. Toutes les archives sur Bata sont conservées au CAITM à Saint-Avold.
Le site garde une atmosphère particulière deux décennies après sa fermeture. © : DR.
Informations pratiques :
Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle
Rue du merle - 57 500 Saint-Avold - 03.87.78.06.78
Du lundi au vendredi de 8 h 30 à 16 h 30
L’exposition «Pas un pas sans Bata» : jusqu’à la fin de l’été.