À Caudry, un tisseur atypique
Bastien Tissages ou l’entreprise autrement
La PME Bastien Tissages, spécialisée dans le tissage pour l’industrie agro-alimentaire, développe ses projets et se dote, peu à peu, d’outils pour élargir son marché. Avec 12 salariés, elle affichait en 2022 un chiffre d’affaires de 1,4 million d’euros. Rencontre avec un dirigeant qui «entreprend» différemment.
«Nous sommes une perma-entreprise» affiche Christophe Lemaire. Ce quinquagénaire, ancien directeur de site industriel et ingénieur agronome, s’inscrit dans les pas des adeptes de la permaculture, qui est décrit de la façon suivante dans le livre de David Holmgren, Permaculture, principes et pistes d’actions pour un mode de vie soutenable : «Prendre soin des humains, prendre soin de la terre, fixer des limites et partager les surplus». Traduction : faire du travail un environnement épanouissant, avec le moins d’impacts possibles et dans un esprit où les résultats sont largement partagés. «C’est de la RSE ++» résume Christophe Lemaire. La SAS, dont il est actionnaire minoritaire avec son frère et un ami, est une société de mission : «notre raison d’être, c’est des pratiques éthiques. Nous sommes Made in France, avec à l’esprit le consommer moins et mieux», ajoute-t-il.
Quand il reprend en 2019, la société tourne «toute seule» mais n’investit plus et ne développe plus de nouveaux projets. Lui, arrive avec une révolution à l’esprit. «Ici, les salariés ont un peu des horaires à la carte ; ils ont des formations, une très bonne mutuelle, sont primés à l’année (plusieurs milliers d’euros ndlr), ont un panier issu de production de permacultures et siègent dans un comité de mission comme l’exigent nos statuts» récapitule-t-il.
Des cahiers des charges très stricts
Dans le bâtiment de 1 200 m² planté sur un terrain de 6 000 m², les espaces se succèdent comme dans n’importe quelle PME : une large entrée pour les marchandises et les produits à livrer en bord de quai ; un atelier avec des machines à tisser, un autre pour les découpes et un troisième pour la couture. Derrière de grandes pièces de tissus, les rouleaux de lin, de rami (dérivé de l’ortie), de coton, de polyester, trônent bien rangés. Les grandes tables accueillent les déroulages et les premières coupes.
Plus loin, deux découpeuses sectionnent en pièces de diverses formes. Certains tissus enrobent les foies gras jusque dans le four. «On a des cahiers des charges très stricts. En termes de taille de fil, d’espacement, de tension. C’est très technique», explique le président. Sept machines à tisser (italiennes) produisent diverses pièces pour des grands comptes, «mais on sert aussi à la pièce», insiste Christophe Lemaire. Il acquiert d’autres machines à tisser, un nouveau bobinoir, une machine à nouage, des machines à coudre, une surjeteuse… De quoi élargir la gamme et se positionner sur la majeure partie du cycle des produits qui sortent.
Faire renaître la filière du chanvre
Christophe Lemaire a pour ambition de faire renaître la filière du chanvre dans les Hauts-de-France. Dans quelques semaines, un agriculteur va y planter ses premières graines sur un terrain de 6 hectares récemment acquis par l’entreprise. «On veut être un acteur du renouveau du chanvre. C’est une plante extraordinaire : pas de phytosanitaire, peu d’eau, capte le CO2, tout est utilisé. Une fois récolté (en août prochain), on passe au défibrage où une partie part dans le secteur de l’isolation, puis au cartage. On sort une mèche avec laquelle on fait du fil» explique encore le dirigeant. Et puis on est en train de créer une fondation territoriale avec une dizaine d’entreprises et des acteurs publics. Pour coordonner les politiques sociales en lien avec les entreprises». Des idées de fil en aiguille.