Avocats et experts-comptables partenaires
Parce qu’ils subissent de plein fouet la concurrence de faux professionnels, avocats et experts-comptables renforcent leur partenariat pour obtenir le respect de la réglementation et de la déontologie qui régissent leur exercice professionnel.
Avocats et experts-comptables ont déclaré la guerre à ceux qui, abusivement et illégalement, empiètent sur leurs prérogatives professionnelles. Leurs représentants, Me Emmanuel Masson, bâtonnier de l’ordre des avocats de Lille, et Bernard Bryselbout, président du Conseil régional de l’ordre des experts-comptables du Nord-Pas-de-Calais, ont concrétisé ce «travail de nettoyage» par la signature, le 28 novembre 2012, d’une convention de partenariat relative à la lutte contre l’exercice illégal du droit et du chiffre. Cette convention complète la Charte des avocats et des experts-comptables signée le 10 octobre 2006 et qui visait à la mise en place de règles d’une interprofessionnalité pratique, au respect du périmètre d’intervention et à la conduite d’actions communes.
Un phénomène en développement. Qu’est-il reproché à ces «braconniers du droit et du chiffre» ? De ne pas respecter la réglementation et la déontologie rigoureuses qui s’imposent aux professionnels libéraux que sont les avocats et les experts-comptables. La convention rappelle ainsi que «nul ne peut faire usage des titres, ni exercer (ces) professions s’il n’est inscrit au tableau de l’Ordre et s’il n’a prêté serment d’exercer sa profession dans le respect des principes qui la guident et forment la déontologie de sa profession». Et de poursuivre : «Les avocats et experts-comptables sont astreints à des obligations de diplômes, de formation, d’assurance et de déontologie. Ces contraintes qui garantissent la qualité et l’efficacité de leur intervention, sont une protection pour leurs clients respectifs.»
«Experts en gestion, en comptabilité, en divorce et même en garde à vue», le phénomène du braconnage a tendance à se développer, regrettent les deux professionnels qui entendent remettre bon ordre à ces officines. «Il est lié à la crise économique, les entreprises surveillent leurs frais généraux… Sur Internet, on trouve de nombreuses annonces de faux avocats, de faux experts-comptables, toutes personnes qui n’ont pas la capacité nécessaire», expliquent-ils en même temps qu’ils se réjouissent d’avoir l’appui du Parquet et de leur tutelle. L’administration fiscale s’intéresse beaucoup à ce fléau, tant dans son aspect fraude, blanchiment et réduction de la base fiscale que dans son aspect danger des conseils donnés. «Les dossiers sont longs à monter, il faut apporter des preuves», reconnaît Bernard Bryselbout qui apprécie que le commissaire du gouvernement puisse lever le secret fiscal.
Actions communes. Une fois les faits établis, l’action judiciaire peut prendre la forme d’une procédure au civil pour obtenir en référé l’interdiction d’exercice, ou au pénal. «Nous nous sommes constitués partie civile sur deux dossiers de faux avocats qui ont été lourdement condamnés et confirmés par la cour d’appel et nous avons quatre plaintes au pénal en cours», détaille Me Masson.
Pour veiller au respect de la loi, tant le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Lille que le Conseil régional de l’ordre des experts-comptables, qui ont chacun une cinquantaine de dossiers en cours, ont confié en leur sein à des commissions dédiées − la commission Titre II et la Commission de l’exercice illégal − le soin de défendre les périmètres du droit et du chiffre.
Concrètement, les signataires de la convention se sont engagés à adresser à l’autre partie toute information qui concerne l’exercice illégal de sa profession et à lui apporter toute aide nécessaire à une action à l’encontre d’un contrevenant. Jusqu’à engager des actions et procédures ensemble, telles ces «deux actions contre des sites internet importants et symboliques de l’exercice illégal (qui) seront initiées dès la signature du présent partenariat».
«Ce qui est important dans notre combat, ce n’est pas tant de protéger la profession que les clients contre ces braconniers qui travaillent sans règle, sans norme, sans garantie. Cette protection du client est essentielle», a conclu Bernard Bryselbout en ajoutant que «pour nous professionnels, cette lutte contre l’exercice illégal est une exigence supplémentaire, exigence dans la qualité de nos travaux, exigence dans le respect de la déontologie, exigence dans nos domaines de compétences».