Avis de recherche: l'écologie, grande disparue du débat politique

C'est la grande disparue du débat public : où est passée l'écologie ? D'une volonté affichée de prendre à bras le corps en 2017 les questions environnementales, elle a été reléguée au second plan, y compris...

Manifestation devant le ministère de la Transition écologique à Paris le 6 novembre 2023 à l'appel d'organisations de défense de l'environnement © Miguel MEDINA
Manifestation devant le ministère de la Transition écologique à Paris le 6 novembre 2023 à l'appel d'organisations de défense de l'environnement © Miguel MEDINA

C'est la grande disparue du débat public : où est passée l'écologie ? D'une volonté affichée de prendre à bras le corps en 2017 les questions environnementales, elle a été reléguée au second plan, y compris budgétairement. Même les Verts peinent à l'imposer.

"On est rentrés dans une forme de déni climatique", soupirait fin janvier le sénateur de Paris Yannick Jadot. En cause: la coupe claire subie par le budget de la transition écologique. "Un massacre", souffle-t-il. 

De fait, sans être le seul à avoir subi le rabot dans un contexte financier tendu, le ministère de la macroniste Agnès Pannier-Runacher a de son propre aveu "subi une réfection de ses moyens" d'environ "un milliard d'euros par rapport à l'exécution de l'année 2024".

Quand Emmanuel Macron tançait le président américain Donald Trump en 2017 en lui intimant "make the Planet great again" (rendre à sa planète sa grandeur), son ministre de l'Écologie était une des personnalités préférées des Français. Nicolas Hulot était numéro 3 du gouvernement, ministre d'État. 

Aujourd'hui, Agnès Pannier-Runacher est au 12e rang de l'équipe gouvernementale, et la thématique a été expédiée en une centaine de mots dans la déclaration de politique générale de François Bayrou. 

Un symptôme ? "On a l'impression que l'écologie est dans les encombrants et qu'on s'en débarrasse", constate Daniel Boy, directeur de recherche émérite à Science Po. 

"Il existe depuis longtemps une opposition entre écologie et économie", explique-t-il, évoquant la formule "la fin du mois avant la fin du monde". 

"Quand les politiques parlent transition écologique, ils doivent avancer l'idée qu'il va falloir que le public en prenne sa part, à l'aide de l'horrible mot de +sobriété+", développe l'universitaire. 

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Une notion que la montée du populisme, en France comme ailleurs, a accentué. La notion "d'écologie punitive est une grande trouvaille politique", estime le chercheur. 

Repris par la droite et l'extrême droite, ce concept essaime, de même que la remise en cause des normes environnementales. 

Exemple: outre le doublement des forages, Donald Trump a récemment souhaité remettre en circulation les pailles en plastique. François Bayrou a lui critiqué certaines inspections de la police de l'environnement chez des agriculteurs.

Face aux offensives notamment des médias conservateurs, une proposition de loi transpartisane (de LFI à Horizons) a été déposée fin 2024 pour "garantir le droit d'accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux et de durabilité". 

Dans une relative indifférence cependant : début janvier, seuls 5% des Français citent dans un sondage Elabe l'environnement comme première priorité d'action, loin derrière le pouvoir d'achat (22%), l'immigration (11%) et la santé ou la sécurité (10%). 

Le baromètre Cevipof de la confiance en politique publié cette semaine montre également que seuls 53% des Français jugent "urgente" la lutte contre le changement climatique. Et 54% seulement reconnaissent que les activités humaines sont à l'origine de ce bouleversement.

Ceci alors même que des incendies monstres ont ravagé la région de Los Angeles ou que des régions françaises sont de plus en plus souvent et durement touchées par les inondations.

Pour atténuer ce paradoxe, il faudrait, estime Daniel Boy, que "l'économie soit plus heureuse et les politiques plus convaincus". 

Arriver à porter l'écologie

Yannick Jadot se désespère d'une "forme de trumpisation du gouvernement". "Au départ, pour éviter l'action, ils ont disqualifié les Écologistes, maintenant ils attaquent l'Ademe (Agence de la transition écologique), l'office de la biodiversité, l'Anses (sécurité sanitaire), l'Inrae (agriculture, alimentation et environnement), c'est une attaque de tous les outils de politique publique", proteste-t-il. 

Les Écologistes semblent dépassés par cet effacement du débat politique. Aussi verte soit sa veste, Marine Tondelier, leur cheffe, peine à imposer le sujet sur les plateaux, et se retrouve davantage à disserter sur les soubresauts des alliances à gauche. 

"Elle a eu deux rôle importants: porter l'union et porter le front républicain", décrypte un grand élu du parti. "Tout l'enjeu maintenant, c'est d'arriver à porter l'écologie" politique, reconnaît-il. 

Sur sept propositions de loi prévues lors de leur journée d'initiative parlementaire jeudi à l'Assemblée, les Ecologistes n'en proposent que trois concernant directement l'écologie.

François Bayrou, qui s'était distingué en 2002 en menant sa campagne présidentielle à bord d'un bus roulant au colza, "n'en a rien à faire de l'écologie, politiquement ça ne rapporte rien et tous les gauchistes diront que ce n'est pas assez", soupire un ancien ministre macroniste. 

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